« Qui paie, commande » : le Forum de Dakar sur la paix et la sécurité qui se tient sa 7 ème édition lundi 6 et mardi 7 prochains à Dakar, n’échappe pas à la règle.
En versant 800.000 euros pour l’organisation de cette manifestation, le ministère français de la défense en reste, dans la réalité, le principal acteur. Bien qu’il soit organisé à Dakar, au Sénégal, depuis sa première édition en 2014, le Forum, auquel participe chaque année le ministre français des Armées, ne prend aucune décision stratégique sans en référer à la Direction générale des relations internationales et stratégiques (DGRIS) du ministère français de la Défense et à « l’opérateur logistique » désigné par la France : Avisa Partners pour l’édition de cette année et la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS) pour les années précédentes.
Circulez, il n’y a rien à voir
À Dakar, on retrouvera les mêmes acteurs que lors des précédentes grand-messes dans une sorte d’entre-soi stérile. On y retrouvera des hommes politiques en charge de la défense et la sécurité, des galonnés bardés de médailles militaires, des officiers généraux reconvertis dans la sécurité privée ou intelligence économique, des universitaires complaisants ainsi que quelques journalistes et acteurs de la société civile accommodants. Mais aussi des marchands d’armes qui viennent leurs catalogues à la main, en espérant décrocher des commandes.
En tout cas, jamais des trouble-fête d’autant que la participation à ces grand-messes se fait par invitation ou cooptation; Un peu à l’image de ces « briefings » à l’Élysée ou au Quai d’Orsay où seuls les journaux jugés sérieux sont admis.
Loin de la volonté d’affichage d’une co-organisation, la France garde une place prépondérante sur les thématiques abordées lors du Forum ainsi que les listes d’experts sur la sécurité invités à s’exprimer lors des plénières ou des ateliers. Résultat, les questions qui fâchent ne sont jamais abordées lors de cette grand-messe pour la paix et la sécurité en Afrique.
Le thème du Forum cette année « les enjeux de stabilité et d’émergence en Afrique dans un monde post-Covid 19 » est d’ailleurs très éloigné des réalités de la sous-région ouest-africaine où, après avoir quasiment conquis tout le Sahel, les groupes djihadistes se dirigent désormais vers les pays du Golfe de Guinée, en ciblant particulièrement le Bénin et le Togo.
Autosatisfaction générale
Qu’ils s’appellent forum comme à Dakar, conférence ou symposium, ces grand messes se passent selon le même rituel : un panel dit de haut niveau animé des chefs d’Etat et de gouvernements, des dirigeants d’institutions internationales ou de grands capitaines d’industrie et des sessions parallèles. Souvent, ces panels de haut niveau sont remplacés par une session plénière inaugurale dans laquelle les orateurs se succèdent pour louer tout le bien de leur politique de défense et de sécurité ou même le grand succès des opérations militaires sur le terrain. Contre toute évidence.
Or à Dakar, il ne sera question de la débâcle américaine en Afghanistan, de l’échec de l’intervention française au Sahel ou de l’inefficacité des missions des Nations unies en Centrafrique, au Mali et en République démocratique du Congo.
Il faut aller dans les ateliers parallèles pour espérer entendre une parole un peu plus libre et une esquisse d’appréciation critique. Pour faire bonne figure, le Forum de Dakar autorise quelques ONG internationales ou des Think Tank à monter leur session. C’est dans ces seuls espaces qu’on peut retrouver des tableaux qui correspondent aux réalités du terrain. On ne peut guère être véritablement surpris que l’autosatisfaction prenne le dessus sur la situation réelle dans le monde lorsqu’on sait que ces forums ne procèdent à aucun bilan des éditions précédentes et ne s’achèvent jamais sur un mécanisme de suivi des décisions et recommandations.