Après avoir fêté ses 94 ans en janvier passé, le président du sénat algérien, Salah Goujil, compte se maintenir à la présidence du conseil de la nation, l’équivalent du Sénat en Algérie, sans respecter la loi fondamentale constitutionnelle. En dépit de l’expiration de son mandat en février dernier, Salah Goujil demande au président de la République algérienne un renouvellement de son mandat. Histoire de devenir centenaire dans ses fonctions actuelles et d’inscrire ainsi son nom dans le Guinness World record.
À moins d’assurer pendant 90 jours l’intérim du chef de l’état soudain empêché en raison de son état de santé ou après une démission brutale.
La chambre haute est un levier important dans l’architecture législative. Aucun projet de loi énoncé par le parlement ne peut passer sans son aval. Le tiers de ses membres nommés par la Présidence fait la pluie et le beau temps comme si leur role n’était pas d’amender les projets législatifs mais de bloquer tout initiative contrevenante à la politique du président.
Il n’est pas innocent de constater que le président du sénat fasse une requête au chef de l’État pour un prolongement de son mandat et non pas aux membres de sa chambre. Une situation est ubuesque dans un pays qui regorge d’une jeunesse dynamique, qui a montré son civisme et un niveau de conscience politique lors du Hirak, pour finalement assister avec une passivité déconcertante à un scénario de voir transformer le sénat à un club de Gérontocrate.
Le président du Sénat n’est pas le seul exemple de cete gérontocratie qui accapare le pouvoir. L’ancien Wali de Mostaghanem en 1963, puis ministre de l’intérieur de Bouteflika en 2010, Dahou Ouled Kablia a été lui aussi nommé par le tiers présidentiel en 2022. L’ambition de l’ancien membre du MALG, n’a pas de limite, il est nommé, en octobre 2024, président de la commission chargée de la révision des lois relatives à la commune et à la wilaya (département).
L’homme qui a fait presque tout son parcours au sein des collectivités territoriales vient finaliser en apothéose sa carrière par un dernier coup verrouillage administratif présenté comme une réforme. Avant Goujil et Ouled Kablia, il y avait Mohammed Cherif Messaadia, ancien patron de du parti unique le FLN au temps de Chadli, qui a été rappelé par Bouteflika au conseil de la nation pour y mourir quelque temps après.
Nombreux sont les exemples, mais ce qui se tient comme constante, c’est la culture politique de compter que sur l’entre soi, les anciens du même clan. Cette pratique, illustrée par les hommes du pouvoir, est un frein au renouvellement des élites politiques. Elle génère au sein de la jeunesse, une frustration qui ne trouve d’espoir que de traverser la méditerranée. La migration devient ainsi le seul échappatoire pour vie meilleure.
Les complots des colonels
On dit que le passé est souvent un écho du présent. Le président de l’actuel sénat algérien (conseil de la nation) est un contemporain de la guerre de libération. Son nom est évoqué dans l’affaire dite du « complot des colonels ». Son rôle et son degré d’implication n’a jamais été définie. Il n’en demeure pas moins que le groupe dont il faisait parti a payé le prix fort de l’exécution.
En effet, l’affaire a coulé beaucoup d’encre que les historiens n’ont pas encore cerné les contours d’un « dit complot » qui demeure encore non clarifiée. Le CCE (Comité de coordination et d’exécution dirigé par le trio Krim Belkacem, Bentobal, Boussouf) a chargé un jeune Colonel, dénommé Mohammed Boukharouba alias Houari Boumédienne futur chef de l’État à l’indépendance, de régler la crise survenue à Tunis durant la fin de l’année 1957 après la liquidation de Abbas Laghrour et ses hommes ainsi celle de Abane Ramdane.
Pour faire court, le président du tribunal Le colonel Boumedienne condamna à mort les quatre colonels impliqués dans le pseudo complot. Il s’agit des colonels Laâmouri mohamed, Ahmed Nouaoura, Aouachria, et Moustapha Lakhal qui furent liquidés par un Daf (déserteur de l’armée française) homme de main du colonel Boumedienne. Or, lors de ce procès stalinien, des hommes ont été épargnés, comme Abdellah Belhouchet, Cherif Messadia, et Salah Goujil.
Les trois hommes ont eu un rôle dans le futur État indépendant sous la présidence de Chadli Bendjedid. Abdellah Belhouchet devenu chef d’état major de l’armée, Cherif Messadia patron du parti unique le FLN, et enfin Salah Goujil ministre des transports. On peut faire du passé une gloire comme on peut remonter de ce même passé des cadavres encombrants.
Ce court rappel d’histoire explique bien que le fonctionnement des appareils de l’État et du rôle des hommes, qui en dépit de leur âge avancé, se maintiennent et en maintenant au même titre un système en léthargie. Le refus des réformes structurelles des appareils de l’État, comme l’ajournement du passage du flambeau de la relève à une jeunesse avide de prendre son destin en main, projette le pays dans un futur incertain,