Si le Président Bouteflika n’avait rien à refuser aux Émirats arabes unis, ses successeurs à la tète de l’État algérien sont pour la plupart très hostiles aux tentatives de Mohammed ben Zayed, dit MBZ, d’étendre son influence au Mali, en Libye ou en Tunisie, des pays où Alger a joué traditionnellement un rôle déterminant d’arbitre et de tuteur.
Depuis au moins deux ans, les titres algériens multiplient les reproches envers Abou Dhabi, qualifié de « capitale des embrouilles » par le journal arabophone privé El-Khabar. Le 12 décembre 2023, la radio publique avait accusé les Emirats d’avoir débloqué 15 millions d’euros au profit du Maroc pour « financer des campagnes médiatiques subversives ». Le média officiel, s’appuyant sur des « sources proches du dossier », affirmait que des campagnes de « désinformation et d’intox » sur les réseaux sociaux avaient pour but de « créer un climat de tension entre l’Algérie et les pays du Sahel ».
Début 2024, le président de la République algérienne, Abdelmadjid Tebboune, avait présidé une réunion du Haut Conseil de sécurité. Le communiqué de la Présidence avait indiqué que cette réunion a été consacrée à l’examen de la situation sécuritaire qui prévaut dans les pays voisins. Dans ce contexte, expliquait le communiqué de la Présidence, « le Haut conseil de sécurité a exprimé ses regrets concernant les agissements hostiles à l’Algérie, émanant d’un pays arabe frère ». Ce pays « frère » n’était autre que les Émirats Arabes Unis.
En avril dernier, le Président Tebboune, plus explicite, se lâchait dans la presse. «Partout où il y a des conflits, l’argent de cet État est présent, au Mali, en Libye, au Soudan», a-t-il débiné, avant de renchérir: «Si tu cherches à avoir avec nous les comportements que tu as avec les autres, tu te trompes. Nous avons 5.630.000 martyrs morts pour ce pays. Ceux qui veulent s’approcher de nous, qu’ils le fassent».
La réaction des Émirats fut immédiate. Anouar Karkach, conseiller diplomatique du président émirati Mohammed ben Zayed Al Nahyane, dit MBZ, et ancien ministre émirati des Affaires étrangères, a choisi X (anciennement Twitter) pour répondre en ces termes: «Comportement étrange et bizarre de la part de l’un des pays frères qui choisit les sous-entendus et les murmures sur ses relations avec les Émirats, et qui recourt à des insinuations à peine voilées sans clarifications ni explications.»
Les malentendus entre les deux pays viraient à la crise ouverte!
Une coupe pleine
Les différents anciens entre les deux pays sur deux dossier régionaux épineux, la Libye et le Soudan, se sont aggravés. En Libye d’abord, où MBZ joue à fond la carte du Maréchal Haftar, chef militaire de la cyrénaïque alors que l’Algérie se range du coté du Gouvernement d’Union Nationale (GUN), soutenu par le Qatar et la Turquie. Les deux pays s’opposent aussi au Soudan, où les émiratis soutiennent militairement le général dissident Hamiti alors qu’Alger porte un soutien diplomatique au gouvernement du général Burhan portant putschiste.
Plus grave, Alger considère que les Émirats ont franchi les lignes jaunes en établissant en décidant d’ouvrir un consulat émirati au Sahara occidental et en reconnaissant l’État israélien. Sans évoquer la décision des autorités émiraties, via Dubai Aéroport freezone, d’imposer un visa d’entrée aux ressortissants de treize pays dont l’Algérie, ce pays frère!
Bouteflika et MBZ, l’idylle !
Après sa réélection en septembre, le Président Tebboune était chaudement félicité par un coup de fil de MBZ. »Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a reçu ce jour un appel téléphonique de Son Altesse le président des Émirats arabes unis frères, Cheikh Mohammed Ben Zayed Al Nahyan, qui lui a exprimé ses félicitations en son nom et au nom des Émirats arabes unis, pour sa victoire aux élections présidentielles pour la deuxième fois, lui souhaitant plein de succès« , indique la Présidence de la République dans un communiqué diffusé le 10 septembre sur les réseaux sociaux. « Pour sa part, poursuit le communiqué, le président de la République a remercié le président des Émirats arabes unis et, à travers lui, toute la noble famille régnante et les dirigeants des Émirats, lui souhaitant ainsi qu’au peuple émirati de nouveaux progrès« .
Une réconciliation semble possible! Sauf qu’une campagne de presse virulente, animée par une partie de l’appareil sécuritaire qui combat l’influence émiratie au Sahel et son rapprochement avec le Maroc, a relancé la polémique à Alger. Ainsi un média arabophone a violemment critiqué l’ambassadeur des Émirats arabes unis, Youcef Saif Khamis Al-Ali, le qualifiant de « persona non grata ». L’ambassadeur aurait activement œuvré, pouvait-on lire, à « semer le chaos entre l’Algérie et les Émirats, détériorant ainsi les relations entre les deux nations«.
On est loin des relations au beau fixe qui rêgnaient l’époque de Bouteflika. Ce dernier, dès son arrivée à la présidence en 1999, avait grand ouvert l’accès au marché algérien à ses amis émiratis qui l’avaient soutenu dans sa traversée du désert. Ainsi, la gestion des ports ainsi que la relance de l’industrie du tabac ont été offert aux proches de MBZ sans même un appel d’offre.
L’appétence des émiratis ne s’arrêtait au secteur économique. Des projets communs furent imposés par la présidence dans le secteur militaire. Qu’il s’agisse du blindé Namre, pourtant conclu entre le département de l’industrie militaire et le groupe Mercedes et en cours de réalisation. Un autre oukaze de la Présidence a contraint les forces constituées, notamment la police, de s’équiper avec le pistolet Caracal. Ce projet de production de ce pistolet brésilien, sous licence émiratie, a montré ses limites lors de la phase de validation. En dépit de l’opposition des services qualité de l’industrie militaire, des unités de production ont été mises en fonction.
L’immobilier bradé
Les appétences des émiratis s’étendaient également au secteur de l’immobilier en Algérie. Le projet Dunia Parc, qui initialement était conçu pour la réalisation d’un parc de loisirs dans la capitale algérienne a été dévié de son objectif initial. C’est un fonds d’investissements détenu par la famille royale d’Abu-Dhabi à qui a été bradé un terrain de 800 hectares, après avoir procédé à l’expropriation des propriétaires. Le projet n’a u être mis en place que grace à des fonds publics du trésor public algérien à hauteur de 100 milliards de dinars. Ce que devrait être un lieux de loisir dans une capitale qui en manqu, est devenu un scandale qui s’apparente à une affaire d’escroquerie.
Plus grave encore, le fonds « Emirates international investment company » (EIIC) a recouru à l’arbitrage international pour mettre en cause le ministère algérien de la justice et l’agence algérienne de développement de l’investissement (ANDI). Les Émiratis obtiendront 280 millions de dollars. Cherchez l’erreur!