Après trois mois de gel des relations diplomatiques, le Maroc a annoncé le 6 mai le rappel de son ambassadeur à Berlin. La frilosité de l’Allemagne sur le dossier du Sahara occidental, un Germano-Marocain, Mohamed Hajib, accusé de déstabiliser le royaume chérifien et un souvenir amer des négociations sur la Libye… Les points de discorde sont nombreux.
Le rappel par Rabat de son ambassadeur en Allemagne était prévisible depuis le 1er mars, date de la fuite d’une correspondance officielle du ministère des Affaires étrangères du Royaume incitant les administrations du pays à suspendre tout rapport ou contact avec des institutions allemandes. « Le Maroc voulait envoyer un message à Berlin pour l’inviter à se mettre à table pour discuter de plusieurs dossiers, explique une source proche du dossier. Face à l’indifférence de l’Allemagne, il est tout à fait légitime de monter d’un cran avec ce rappel d’ambassadeur. »
Pour expliquer cette escalade diplomatique, Nasser Bourita a évoqué une « attitude négative sur la question du Sahara marocain » de l’Allemagne qui s’était précipité de convoquer le Conseil de sécurité suite à la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara, ainsi qu’un « acharnement continu à combattre le rôle régional du Maroc, notamment sur le dossier libyen », en référence à la conférence de Berlin en Janvier 2020 de laquelle le royaume a été exclu.
Mais le communiqué officiel met en évidence un nouvel grief à l’égard de Berlin. « Les autorités de ce pays agissent avec complicité à l’égard d’un ex-condamné pour des actes terroristes, notamment en lui divulguant des renseignements sensibles communiqués par les services de sécurité marocains à leurs homologues allemands. »
Refoulé d’Allemagne, condamné au Maroc
Si la nature des « renseignements sensibles communiquées » restent, pour l’heure, difficile à déterminer précisément, l’identité de l’ex-condamné est évidente. Il s’agit de Mohamed Hajib, une vieille connaissance des services de sécurité marocains. Ce natif de Tétouan en 1981, fils d’un professeur d’arabe originaire de Tiflet et d’une mère fonctionnaire, avait émigré en 2000 en Allemagne dont il a obtenu la nationalité en 2008.
Une année plus tard, cet islamiste qui se présente comme un adepte de la mouvance prosélyte « Jamaat Al Tabligh » choisit de se porter volontaire au jihad en zone pakistano-afghane. Il passe plusieurs mois en détention au Pakistan où il est entré illégalement avant d’être réexpédié en Allemagne. Berlin choisit néanmoins de le refouler à l’aéroport de Francfort, en février 2019, en l’expédiant à Casablanca.
Au Maroc, il se retrouve alors condamné pour « constitution d’une bande criminelle », sur la base d’aveux qu’il a toujours contestés. Après sept ans derrière les barreaux, il recouvre sa liberté grâce, entre autres, à une campagne menée en sa faveur par le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU.
Appel au meurtre
Depuis, Hajib est rentré en Allemagne pour s’installer dans les environs de Düsseldorf tout en saisissant la Cour constitutionnelle de Berlin afin d’obtenir réparation pour « torture et isolement sévère » de l’ordre de 1,5 million d’euros. Sur les réseaux sociaux, il poste des vidéos où il porte souvent de graves accusations à la police marocaine. Celle-ci a d’ailleurs émis à son encontre un mandat d’arrêt international, le 13 août dernier, mais qui a été au final jugé irrecevable par le siège d’Interpol.
Tout récemment, en pleine brouille diplomatique maroco-allemande, Mohamed Hajib a récidivé avec la publication d’une nouvelle vidéo où il incite à ce qui peut être assimilés à des opérations de kamikazes. « Si vous avez dépassé la peur de mourir au point de vouloir mettre fin à vos jours, alors faites-le en hommes et en femmes dignes de ce nom, et emportez avec vous ces ‘chiens’ qui vous entourent », lance-t-il aux Marocains depuis l’Allemagne où on considère de tels propos comme relevant de la liberté d’expression…