Dans un entretien au Monde, le ministre des affaires qatari, Khaled Al-Attiyah défend à demi mot le Front al-Nosra, branche officielle d’al-Qaïda qui combat le régime syrien de Bachar Al-Assad
Il y a dix jours, quand le marchand d’armes Hollande paradait au Qatar, serrant la main des tyrans locaux, toute la France qui compte, celle des élus d’importance, celle des patrons huppés, applaudissait. Il fallait être bien aigri ou un pacifiste attardé pour ne pas aider les esclaves locaux à étirer le tapis rouge sous les escarpins de notre président. Bien sûr formulées par des atrabilaires mal dans leur peau, des critiques avançaient -outre les Droits de l’Homme bafoués- que ce micro pays est complice du terrorisme. Outrage ! Les porte-cotons de l’émir, du genre Alexis Bachelay un député PS ami numéro un du dictateur-roi, montaient aux échauguettes. Pour certifier cette réalité, celle d’un Qatar terroriste, les odieux critiques adeptes du « Qatar bashing », avaient beau s’appuyer sur un rapport de Trésor Américain ou sur le travail du CRS, un groupe d’enquête du Congrès US : ils ne faisaient pas le poids.
Les gentils d’Al Nosra
Manque de chance pour ce vaste club sans frontière, droite-gauche, celui des amis de Doha, Khaled Al-Attiyah, le ministre des Affaires étrangères de la petite dictature, vient de cracher le morceau. La scène se passe à Paris. Où Christophe Ayad, candidat déclaré à la direction du quotidien de référence, interroge le susnommé Al-Attiyah, membre d’une des deux tribus qui « gouvernent » le pays depuis plus de cinquante ans. Avec le calme qui sied aux pasteurs du désert, l’excellent Khaled explique au sourcilleux Ayad : « Nous sommes contre tout extrémisme. Mais, à part Daech, tous ces groupes combattent pour la chute du régime (syrien). Les modérés ne peuvent pas dire au Front Al-Nosra : « Restez à la maison, on ne travaille pas avec vous. » Il faut regarder la situation et être réaliste ». Pour ceux qui auraient manqué un épisode, le Front Al-Nosra est une métastase d’Al-Qaïda née, sous la lampe couveuse de la guerre en Syrie, des efforts conjugués de l’Arabie Saoudite, de la Turquie et du Qatar. On aurait pu imaginer que notre confrère Ayad sursaute, et même saute à la gorge du ministre. Lui fasse une clé à la langue afin de lui faire avouer comment son pays s’est allié aux disciples de Ben Laden. Et de quelle façon cet amour fou allait se prolonger ? Rien du tout. « Le Monde » adhère aux desseins du peloton conduit par l’Arabie Saoudite et Doha afin de fracasser l’Iran. Dans le quotidien les articles élogieux de Benjamin Barthe, sur les vaillants et démocrates frères ou cousins royaux de Riyad, avaient annoncé la couleur. Elle est noire comme le drapeau du djihad.
Cette posture est aussi celle de Laurent Fabius, grand ami du Qatar qui, lors d’un passage au Maroc a benoîtement déclaré que : « La décision des États-Unis de placer le Front Al-Nosra, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition syrienne. Tous les Arabes étaient vent debout contre la position américaine, parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot ». C’était très net, et le président de la Coalition était sur cette ligne. »
Le maestro du Quai ne donne-t-il pas le « la » ?
L’El Dorado iranien
Comme Pascal Boniface, grand ami du Qatar et géo-politologue aussi inlassable qu’un moulin à prière, pourrait l’écrire : à partir de l’automne nous assistons à une redistribution des cartes ! Pour faire court, depuis que les Américains ont compris que l’avenir de leur business était dans la signature de la paix avec l’Iran, ils ont retiré le pied des bourbiers qu’ils ont eux-mêmes créés en Irak et en Syrie. A Téhéran les femmes conduisent des voitures, étudient et facilitent la production d’un très bon cinéma. Une réalité plus facile à défendre en public que le fouet de Riyad appliqué à ses blogueurs, sans compter les coups de sabre. L’Iran et son arrière-pays d’Asie centrale, sont des marchés prometteurs dont il serait sot de se priver. Déjà des Chrysler neuves roulent sur les routes de la République Islamique alors que toutes les Renault et Peugeot du pays, jadis pionnières, sont des autos vintage, fonctionnant à coup de rustines. L’embargo levé, l’Iran va pomper à plus soif dans sa nappe de gaz, celle qui est commune avec le Qatar. Et la nouvelle défrise l’émir de Doha et ses cousins.
Israël, allié improbable de Doha et Riyad
Bien sûr Israël face à cette paix Perse, en dépit de ses tonnes de bombe H, continue d’avoir besoin d’un ennemi officiel. Pour justifier l’accroissement continu d’un arsenal de « défense », pourtant essentiellement utilisé pour bombarder les palestiniens. Et nous vivons un clash feutré entre Obama et Netanyahou. Ce dernier, par une politique aussi habile que secrète, a réussi à réunir sur sa ligne anti Téhéran, un pays aussi improbable que l’Arabie Saoudite. Il y a quelques jours, pour la première fois de l’histoire, un avion de ligne Saoudien s’est posé à Tel Aviv. Sur cet accord non écrit entre Riyad et Netanyahou, le prince Al-Walid, fleuron de la famille royale saoudienne, met de la lumière en déclarant à la chaine américaine Bloomberg : «L’Arabie saoudite, les Arabes et les musulmans sunnites n’affirment pas ce soutien à Israël publiquement mais ils l’expriment lors de rencontres secrètes». Les Arabes estiment que le danger auquel ils sont confrontés vient de l’Iran et non pas d’Israël».
Voilà donc un étonnant duo qui semble fonctionner, et même un trio puisque le Qatar et Israël sont, les meilleurs amis du monde depuis 1995. Cette année-là Clinton a donné son feu vert au coup d’état d’Hamad Al-Thani contre son père. En échange il devait s’engager à soutenir Israël et Doha a derechef ouvert une ambassade.
Aligné sur les positions de Netanyahou, Fabius a convaincu Hollande que le parti qu’il fallait prendre était celui de la « Coalition », celle qui bombarde actuellement le Yémen et rêve, à court terme, d’installer des amis à Damas et en Irak. Ceux-là sont les gentils démocrates du Front Al-Nostra. Déjà, traversant le plateau du Golan, des combattants de ce Front, blessés, viennent se faire soigner en Israël qui par son armement et ses conseils appui également ces vaillants guerriers qui ont toujours un portrait de Ben Laden gravé au fond du cœur. Pour marquer son soutien à ces monarchies, les plus réactionnaires au monde, la France a déjà expédié des hommes de ses Forces spéciales chargées d’appuyer leurs nouveaux amis saoudiens dans leur campagne au Yémen. Pour être cohérent, et battre froid une Russie considérée comme trop amicale avec l’Iran, le Président de la République française s’est abstenu d’assister à la commémoration, organisée par Moscou, afin de fêter l’anniversaire de la défaite nazie. Les vingt-huit millions de morts soviétiques, civils et militaires, auront ainsi reçu un crachat sur leurs tombes. Au nom de Riyad et Doha, les deux nouvelles capitales de la liberté.