Grâce au Tribunal pénal fédéral, la plus haute instance judiciaire suisse, nous savons que Bechir Saleh est un bon père de famille. Il a viré 2,8 millions de francs suisses (3 millions d’euros) à son fils Hussein pour que celui-ci puisse se lancer dans la restauration.
Ian Hamel, à Genève
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Les longues ordonnances du Tribunal pénal fédéral ne sont pas forcément ennuyeuses. Elles se sont penchées à deux reprises en moins d’un an sur les économies de Hussein, le fils de l’ancien argentier du guide de la révolution libyenne. En 2011, le Conseil fédéral (le gouvernement helvétique) ordonne le gel de tous les avoirs de la famille Kadhafi et de ses fidèles. Bechir Saleh, qui gère le fonds d’investissement Libya Africa Investment (LAP) est bien évidemment dans le collimateur.
Tel n’est pas le cas de son fils, qui possède sur un compte en Suisse 2,8 millions de francs suisses versés par son papa. Le Ministère public de la Confédération (MPC) soupçonne bien Bechir Saleh de « blanchiment d’argent » et de « participation à une organisation criminelle ». En revanche, Hussein ne se doute de rien. Pour lui, c’est simplement un don de son papa, qui l’encourage vivement à investir dans un établissement haut de gamme. Grand seigneur, le MPC décide d’abandonner les investigations contre le fiston.
L’adresse introuvable de l’ami Bechir
L’histoire n’est pas terminée. Le site Gotham City, qui suit les affaires judiciaires, révèle qu’en janvier 2024 la justice suisse décide (enfin) de sévir implacablement contre Bechir Saleh : il est condamné à… cinq mois de prison avec sursis pour « participation à une organisation criminelle » et « blanchiment d’argent aggravé » (*).
Est-ce que pour autant tout a été fait à Berne pour contacter le principal intéressé ? La Suisse a bien envoyé une demande aux autorités judiciaires d’Afrique du Sud. Mais celles-ci n’ont jamais répondu. C’est là que le nom de Hussein apparaît à nouveau. Le Ministère public de la Confédération interroge le fils sur la localisation actuelle de son géniteur. Hussein répond « être de temps en temps en contact par téléphone avec son père ».
La justice suisse en déduit que Hussein a forcément informé son père, Bechir Saleh, qu’il y avait une procédure à son encontre. Et bien non, Hussein n’a rien dit à son papa, « sans doute parce qu’il pensait ne pas en avoir le droit et qu’il craignait des répercussions sur son propre sort judiciaire ».
Résultat, comme Bechir n’était au courant de rien, le Tribunal pénal fédéral a décidé le 18 décembre 2024 d’annuler la condamnation de l’ancien trésorier du dictateur libyen Mouammar Kadhafi. Elle n’est pas belle la justice ? L’histoire ne dit pas si Hussein a fini par se lancer dans la restauration, et dans quelle contrée ? Aux Émirats ?
(*) « La Suisse condamne le trésorier de Mouammar Kadhafi », 24 janvier 2024, « L’ex-trésorier de Kadhafi obtient l’annulation de sa condamnation », 5 février 2025.