Prolongez l’été avec dix romans africains à (re)découvrir

Août bat son plein : certains rentrent, d’autres prennent enfin la route des vacances, et pour beaucoup, l’été se prolonge jusqu’à septembre, entre beaux jours et envies d’ailleurs. Que votre transat soit posé sur une plage, un balcon, ou dans un coin de jardin, voici dix romans africains contemporains à glisser dans vos bagages. Dix invitations à l’évasion, à la découverte, et à prolonger la saison sous le signe de la lecture.

1- La plus secrète mémoire des hommes – Mohamed Mbougar Sarr

Ce roman magistral débute à Paris, où Diégane Latyr Faye, un jeune écrivain sénégalais, découvre un roman oublié publié en 1938 par T.C. Elimane, surnommé le « Rimbaud nègre », mystérieusement disparu après avoir été accusé de plagiat. Intrigué, Diégane se lance dans une enquête littéraire qui le conduit du Sénégal à la France, puis jusqu’en Argentine, à la poursuite des traces effacées d’Elimane et de la vérité sur son destin.

 

À travers cette quête, Mohamed Mbougar Sarr explore la filiation littéraire, les silences de l’histoire, les rapports complexes entre Afrique et Occident, et les questions universelles de l’exil, de la création et de la mémoire. Roman foisonnant, hommage à la littérature et à la liberté d’inventer, La plus secrète mémoire des hommes a remporté le prix Goncourt 2021, consacrant une voix majeure du continent africain.

Éditions Philippe Rey/Jimsaan, 2021, 448 pages. Prix Goncourt 2021.

2- Les Aquatiques – Osvalde Lewat

De retour au Cameroun pour les funérailles de sa mère, Ana, ingénieure indépendante installée à l’étranger, se retrouve plongée dans l’univers familial qu’elle avait fui. Face au deuil, aux secrets de famille et aux traditions, elle doit affronter un monde où l’émancipation féminine se heurte encore à la morale, à l’homophobie et au poids du collectif. Mais Ana découvre aussi la force de la sororité, de l’amitié et du pardon, dans un roman où l’humour allège la gravité des sujets abordés. Osvalde Lewat signe ici un premier roman à la langue vivante, qui célèbre la complexité des liens familiaux et la modernité des femmes africaines.

Éditions Les Escales, 2021, 304 pages. Grand Prix panafricain de littérature 2022.

3 – Cœur du Sahel – Djaïli Amadou Amal

Après le succès de Les Impatientes, Djaïli Amadou Amal revient avec un roman tout aussi poignant consacré à la vie des femmes peules dans l’extrême-nord du Cameroun. Faydé, l’héroïne, est contrainte de quitter son village pour fuir un mariage forcé. Elle doit alors survivre dans la grande ville, livrée à la précarité, au travail domestique éprouvant, au harcèlement et à la violence ordinaire faite aux femmes. Mais Faydé croise aussi la solidarité féminine, la force des amitiés nées dans l’adversité, et l’espoir d’une vie digne.

À travers ce récit intense, Djaïli Amadou Amal expose l’envers du décor sahélien : les traditions étouffantes, le poids de la misère, mais aussi la capacité de résilience et le courage de celles que l’on n’entend jamais. Sa plume simple et puissante, nourrie de témoignages réels, éclaire la complexité de la condition féminine au Sahel, entre fatalité et résistance. Un roman bouleversant, qui porte haut la voix des femmes d’Afrique.

Éditions Emmanuelle Collas, 2022, 364 pages.

4 – Le Commerce des Allongés – Alain Mabanckou

Dans ce roman aussi inventif qu’irrévérencieux, Alain Mabanckou nous transporte dans un cimetière du Congo, théâtre insolite où les morts n’ont rien perdu de leur verve. Liwa Ekimakingaï, narrateur récemment décédé, découvre l’étrange vie sociale de l’au-delà, faite de rivalités, de potins et de souvenirs entremêlés à l’histoire du pays. À travers ces conversations entre « allongés », Mabanckou dresse une fresque féroce et drôle des travers de la société congolaise : corruption, inégalités, nostalgie de la grandeur passée et petites trahisons quotidiennes. Les morts observent les vivants avec ironie, sans jamais perdre leur humanité, et se remémorent leurs existences pleines de passions, de rêves inaboutis ou de drames oubliés. Satire politique, réflexion sur la mémoire, poésie de la débrouille et du collectif : ce roman est un joyau d’humour et d’intelligence, qui interroge le rapport à la mort aussi bien qu’à la vie.

Éditions du Seuil, 2022, 304 pages.

5- Black Manoo – Gau

Avec ce roman à la fois drôle, nerveux et profondément humain, Gauz nous plonge dans le Paris bigarré des années 90, vu à travers le regard de Manoo, fraîchement débarqué d’Abidjan. Sans papiers et sans repères, Manoo traverse Belleville, Barbès, les squats, les bars et les caves, multipliant petits boulots, combines et amitiés de galère. Il découvre une communauté africaine soudée par l’exil, la débrouille, la musique et le rêve d’ailleurs. Entre scènes nocturnes, portraits de personnages hauts en couleur et tranches de vie insolites, Black Manoo raconte le quotidien précaire des immigrés, leurs espoirs, leurs éclats de rire et leurs coups durs. Gauz brosse un tableau à la fois critique et tendre de la France métisse, où le tragique côtoie le burlesque, et où chaque instant de survie devient une affirmation de liberté.

Le Nouvel Attila, août 2020 — 160 pages.

6- Petit pays – Gaël Faye

À Bujumbura, dans un petit lotissement tranquille, Gabriel grandit entre son père expatrié français, sa mère rwandaise, les copains et les escapades à vélo. Le monde de l’enfance, fait de rires, de bagarres et de premières amitiés, paraît à l’abri des bouleversements du monde adulte. Mais bientôt, l’ombre de la guerre civile au Burundi puis du génocide rwandais s’étend sur le quotidien, brisant l’innocence et emportant tout sur son passage.

Avec une sensibilité rare, Gaël Faye livre un roman d’apprentissage vibrant sur la perte de l’innocence, l’exil et la mémoire, traversé par la poésie, la tendresse et la nostalgie. Petit pays est un récit lumineux sur l’enfance en temps de chaos, une voix unique et universelle, couronnée du Prix Goncourt des lycéens 2016 et traduite dans plus de quarante langues.

Grasset, 2016, 224 pages. Prix Goncourt des lycéens 2016.

7- Nos jours brûlés – Laura Nsafou

Dans une Afrique imaginaire plongée dans une nuit sans fin depuis la disparition du soleil, Elikia, une adolescente curieuse et volontaire, vit avec sa mère Diba qui parcourt le continent en quête d’une lueur d’espoir. Ensemble, elles entreprennent un périple initiatique au cœur de paysages envoûtants, traversant des peuples et des mythologies réinventées, à la recherche d’une lumière qui redonnerait vie au monde.

Entre roman d’aventure, conte écologique et réflexion sur la transmission, Nos jours brûlés met en avant la puissance de la solidarité, la mémoire des ancêtres et l’importance de croire en l’impossible. Accessible aux adolescents comme aux adultes, ce récit vibrant, empreint d’afrofuturisme, célèbre la résilience, l’amour filial et la beauté de l’Afrique réinventée. Le livre a reçu le prix UNICEF Littérature Jeunesse 2021 pour sa portée universelle et poétique.

Albin Michel, 2021, 298 pages. Prix UNICEF Littérature Jeunesse 2021.

8- La Première femme de Jennifer Nansubuga Makumbi

Kirabo, jeune Ougandaise élevée entre deux mondes, revient dans son pays natal après de longues années en Angleterre. À mesure qu’elle tente de se réinsérer dans la vie de sa famille élargie, elle se heurte aux secrets, aux rivalités, aux traditions parfois étouffantes et à la mémoire vivante des femmes qui l’ont précédée. Son retour devient le point de départ d’une quête d’identité profonde : comment être soi quand on porte en soi plusieurs héritages, plusieurs langues, plusieurs regards sur le monde ? Porté par une écriture ample et sensible, ce roman explore les bouleversements de l’Ouganda moderne, le poids du passé, les liens intergénérationnels et la puissance des femmes. Jennifer Nansubuga Makumbi brosse une fresque lumineuse sur la migration, l’exil, et la nécessité de trouver sa place dans une société en mutation.

Éditions Métailié, 2022, 464 pages.

9 – Dans le ventre du Congo – Blaise Ndala

À la fois roman historique, enquête familiale et fresque politique, Dans le ventre du Congo retrace l’histoire bouleversante de la princesse Tshala Nyota, envoyée de force à Bruxelles pour être exhibée à l’Exposition universelle de 1958. Des décennies plus tard, sa nièce, Nyota, entreprend une quête haletante pour reconstituer le destin de cette aïeule effacée de la mémoire collective.

Au fil d’une narration éclatée entre le Congo, la Belgique, et plusieurs générations de femmes, Blaise Ndala interroge les non-dits de la colonisation, la violence du regard occidental, l’histoire de l’art africain spolié, et le combat pour la restitution des œuvres. Roman choral dense et bouleversant, il tisse avec puissance les destins individuels et les drames collectifs, la voix des oubliés et les grandes questions de la mémoire. Un livre salué par la critique, couronné par les prix Ahmadou-Kourouma et Ivoire.

Éditions du Seuil, 2021, 368 pages. Prix Ahmadou-Kourouma et Prix Ivoire 2021.

10 – Sans capote ni kalachnikov – Blaise Ndala

Premier roman percutant de Blaise Ndala, Sans capote ni kalachnikov suit Lucien, photographe africain invité au Canada après avoir remporté un concours littéraire. Plongé dans le monde feutré des humanitaires occidentaux et des conférences internationales, Lucien découvre, non sans ironie, les stéréotypes sur l’Afrique, les rapports de domination et les bons sentiments mal placés. Derrière l’humour grinçant et l’autodérision, Ndala met à nu le jeu des apparences, la réalité de la migration, les quiproquos culturels et les pièges de la représentation de l’Afrique en Occident. À travers le regard lucide et souvent moqueur de son narrateur, il interroge la place des diasporas et la quête de légitimité. Devenu un texte incontournable sur la littérature africaine de la migration, ce roman a été salué par la critique et sélectionné pour de nombreux prix littéraires.

Mémoire d’Encrier, 2017, 276 pages. Finaliste Prix Ivoire, Prix Trillium, Grand Prix d’Afrique noire.