Les mouvements d’humeur d’Idriss Deby Itno vis à vis de Paris ne peuvent être ignorés. Son influence va au delà du Tchad.
Ainsi donc le président tchadien, Idriss Deby Itno, ne s’est pas rendu à New York pour la 72 ème session de l’Assemblée générale de l’ONU et en marge de celle-ci à la réunion du G5, structure composée du Burkina-Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et duTchad, avec la France et l’Union européenne comme architectes de ce groupement de lutte contre les djihadistes au Sahel.
L’Afrique aux africains
Si l’absence du président tchadien à l’Assemblée générale de l’ONU peut s’expliquer par des considérations logistiques ou des contraintes d’agenda, en revanche, son absence à la réunion du G5, à laquelle la France tenait tant, peut être considérée comme éminemment politique. Son absence n’est pas anodine et la France devrait s’en inquiéter.
Dépuis plusieurs mois, Idriss Deby Itno prend imperceptiblement ses distances avec la France. Ayant fait le constat amer que l’engagement du Tchad au Sahel, au côté de la France, n’a pas été payé en retour, il est devenu le chantre de « l’Afrique aux africains » et prône des solutions africaines aux crises du continent. Il est aussi le principal artisan de la campagne menée contre le Franc CFA. Après avoir été le »meilleur ami » de la France, il est devenu progressivement un pourfendeur de la politique africaine de la France.
Mauvaises ondes
Les déceptions du président tchadien sont de plus en plus nombreuses et profondes. Le point de non retour chez ce Zaghawa pourrait bien être franchi. L’influence anti française se fait déjà sentir dans plusieurs grandes institutions africaines.
Que ce soit au niveau de l’Union africaine (UA) grace à l’ancien ministre des Affaires étrangères tchadien, Moussa Faki Mahamat, président de la Commission; ou au sein de la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC), par l’intermédiaire d’un autre des anciens ministres des Affaires étrangères de Deby, Allam-Mi Ahmad, Secrétaire général de la CEEAC; ou encore avec Abbas Mahamat Tolli , son ancien ministre des Finances, à la tête de la Banque des Etats d’Afrique centrale. Idriss Deby Itno peut aussi compter sur l’Algérie, l’Afrique du sud et le Rwanda, ses nouveaux amis.
De simples aumônes
Idriss Deby Itno regrette que le président Macron ait préfèré se rendre à Bamako et prochainement à Ouagadoudou et Dakar alors que le Tchad est le principal allié de la France dans le Sahel. Son « ami » Jean-Yves Le Drian s’est fait discret, depuis qu’il est au Quai d’Orsay.
Sa discrète visite à Paris, le 11 juillet dernier, ne fut même pas considérée comme officielle et ce n’est pas la rencontre surprise avec Brigitte Macron qui a apaisé sa rancoeur. La Table ronde de Paris, du 6 au 8 septembre dernier, a certes confirmé l’engagement officiel de la France. Du coté tchadien, ces fonds de 223 millions € ne seraient pas à la hauteur de la grave crise économique et financière que traverse cet Etat pétrolier.
Idriss Deby Itno attendait plus de la France. En revanche, il constate que les mouvements d’opposition et notamment ceux de la société civile trouvent un accueil bienveillant à Paris. Le président Macron n’est pas sous influence des militaires comme l’était François Hollande et on oublie pas à l’Élysée que Marine Le Pen avait été reçue par Idriss Deby Itno, en février 2017.
Rejet du franc CFA
Déjà en Centrafrique, la politique de la main tendue aux anciens présidents Bozizé et Djotodia et aux chefs rebelles musulmans est appliquée, via l’Union africaine de Moussa Faki Mahamat. La campagne anti Franc CFA redouble d’intensité. Un retrait progressif du G5 n’est pas à exclure pour renforcer la lutte contre Boko Haram qui menace directement le Tchad, dans une certaine indifférence de la communauté internationale. Le prochain Forum de Dakar, appuyé par la France et l’Union européenne, sur la Paix et la Sécurité sera boycotté par Idriss Deby Itno.
Enfin la création de « hotspots » au Tchad et en Libye, ces super centres de tri envisagés par Emmanuel Macron et chargés de lutter contre les flux migratoires, ne rencontre guère l’adhésion enthousiaste du président Deby. Sur ce plan là et quand on voit la main tendue du gouvernement italien aux seigneurs de la guerre libyens, qui persécutent les migrants dans des quasi camps de concentration, on ne peut que se féliciter des réserves tchadiennes.