En décidant, le 31 octobre 2019, de suspendre le Cameroun des avantages commerciaux de l’African Growth and Opportunity Act ( AGOA), le président Donald Trump a douché les espoirs que Paul Biya avait mis dans le Grand dialogue national (30 septembre-4 octobre).
Par la suspension du Cameroun de l’AGOA, le président américain entend aussi répondre au satisfecit attribué par Emmanuel Macron à Paul Biya. La danse du ventre du ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, grand artisan du rapprochement de Paul Biya avec la France, n’a échappé à personne. Lors de sa première visite au Cameroun en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, le 23 octobre 2019, Jean-Yves Le Drian avait été élevé à la dignité de Grand Officier de l’ordre de la valeur.
Une semaine après le voyage du ministre français, le Cameroun sortait de l’AGOA. La rupture était consommée entre les présidents camerounais et américain.
Trump perd patience
« Mondafrique » a récemment rendu compte du retour du président camerounais dans le pré carré français. Cette posture diplomatique a probablement déplu au Département d’Etat et surtout au Sous-Secrétaire d’État chargé des affaires africaines, Tibor Nagy, qui a multiplié les déclarations peu amènes envers le géroncrate de 86 ans, au pouvoir depuis 37 ans, qui a connu six présidents américains.
La décision de Donald Trump de suspendre le Cameroun prendra effet le 1er janvier 2020. La motivation de cette sanction a été confirmée par l’ambassade américaine0 à Yaoundé. Il s’agit bien pour les autorités camerounaises de ne pas avoir mis un terme » aux violations flagrantes des droits de l’homme reconnues internationalement » . Évidemment, il s’agit des exactions commises par les forces de sécurité et militaires dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Les quelques avancées obtenues avec le Grand Dialogue National, comme les libérations d’opposants et notamment de Maurice Kamto, ont été jugées insuffisantes par Washington.
Le rapprochement Macron-Biya
Cette décision est davantage politique qu’économique. L’ambassade américaine de Yaoundé rappelle opportunément que les exportations en biens et services du Cameroun vers les États-Unis ne sont que d’environ 230 millions de dollars par an et que les exportations affectées par la suspension de l’AGOA ne représentent que 67 millions de dollars, essentiellement en pétrole brut.
Nul doute que le Département d’État suivra avec la plus grande attention la préparation des prochaines élections législatives, reportées depuis 2018 et désormais programmées pour février 2020, pour lesquelles la France a promis son soutien.
Ĺ’avenir du Cameroun est un sujet de forte préoccupation pour les diplomaties françaises et américaines. Alors que le président Paul Biya répugne à faire des visites officielles à l’étranger, il en aura effectué deux en France en un mois. En marge de la conférence du Fonds Mondial sur le sida, le paludisme et la tuberculose, qui eut lieu à Lyon du 8 au 10 octobre 2019, Paul Biya renoua avec Emmanuel Macron. De nouveau en France, du 11 au 14 novembre 2019, Paul Biya participera au Forum de Paris sur la paix.
Cette nouvelle rencontre entre les deux chefs d’Etat ne passera pas inaperçue, notamment au Cameroun.