Alors que se tient ce 13 décembre un sommet du G5 Sahel à Paris, l’éditorialiste mauritanien et directeur du « Calame », Ahmed Ould Cheikh, souligne combien le régime mauritanien est un rempart illusoire contre le terrorisme.
On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. Et la France dans ses relations avec le monde étranger, a bien retenu la leçon. Pour pue qu’un colloque soit organisé, le mardi 12 décembre, à l’Assemblée nationale française, par l’Association Europe-Mauritanie (AEM), sur la sécurité au Sahel, et la forme interrogative est d’usage: « G5 Sahel: une initiative régionale pour une nouvelle architecture de paix? ».
La présence parmi les intervenants de ce colloque de Jean-Louis Bruguière, ancien juge antiterroriste et soutien constant du régime maritanien, et de François-Xavier de Woillemont, l’ex-patron de Barkhane, signale, déjà, le filigrane guerrier des débats. Et l’on comprend bien par quelle logique sanglante les grands stratèges de ce monde auront-ils fait passer la sous-région sahélienne, pour y imposer leur paix, après l’avoir si longtemps assignée en zone de non-droit. L’exploitation des matières premières saharo-sahéliennes, désormais rentabilisées par leur inexorable raréfaction, passait par une sécurisation militarisée des espaces si opportunément menacés par les terroristes.
Est-ce chose accomplie? Là réside, peut-être, le sens de l’interrogation posée par Association Europe Mauritanie dans l’intitulé de son colloque.
Le « pré carré français »
Il n’est évidemment pas anodin qu’Ould Abdel Aziz, le président mauritanien, ait été prié d’assurer la présidence de cette petite sauterie. Non pas tant parce qu’il fut le forgeron commis à la fondation du G5 mais parce qu’il en a été un des plus troubles artisans de la reprise en main, par la France européanisée, de son « pré carré ». Il fallait tourner la page de l’offensive américaine des premières années de ce siècle (via, notamment, la Trans-Saharian Counter Terrorism Initiative). Ce qui lui vaut un singulier et durable soutien de l’Hexagone.
Et peu importe ses nombreux errements dans la lutte antiterroriste : la tragédie de Tourine, ses douze militaires décapités et tant de véhicules butinés ; la débandade, à Hassi Sidi, de nos troupes si lamentablement dirigées, depuis Nouakchott, par Ould Abdel Aziz lui-même, et qui ne furent sauvées que par l’intervention d’Ould Debagh, vice-président du groupe BSA, mettant un Boeing à disposition, en pleine nuit, pour transporter, de toute urgence, des troupes d’élite d’Atar à Néma (mention spéciale au courage du commandant El Hadj qui était, cette nuit-là, aux commandes dudit Boeing de Mauritania Airways) ; l’impéritie du coup de Wagadou où, sans l’intervention, là encore, d’Ould Debagh qui mit à nouveau un avion de sa compagnie à la disposition de l’armée, pour acheminer le kérosène et les munitions « oubliées » par l’intendance – mention également au courage du commandant Bennahi et de l’officier pilote Ould Jiddou qui acceptèrent de prendre les commandes de cette bombe volante.
Accords secrets
Et ceci quelques jours seulement après que le même Ould Debagh ait envoyé plusieurs téléphones satellitaires Thurayas, au chef de l’unité à Tombouctou, pour lui assurer des contacts sécurisés avec Ould Abel Aziz et l’état-major en Mauritanie… Le Parlement européen attend toujours les mille huit cents hommes de troupe mauritaniens promis, à Laurent Fabius, ex ministre des Affaires Etrangères, pour intervenir au Nord-Mali et les attendra aussi longtemps que durera le « gentleman » agreement conclu, par notre si fin « architecte de la paix », avec Al Qaïda au Maghreb Islamique notamment en 2010 et 2011.
A quel prix « Jeune Afrique », qui attribue ainsi la paternité de ladite architecture au chef de l’Etat mauritanien, s’est-il ainsi investi dans la déférence servile ? Il faut bien boucler les difficiles fins de mois.
Le nouveau désordre mondial
Soyons justes, Ould Abdel Aziz est un éminent architecte. Celui du mal gratuit, du délabrement de l’économie mauritanienne, de la destruction du secteur privé national ; de la vente du Domaine public : écoles, pans entiers de l’école de police, du Stade olympique, de la Cité de la fanfare, de la caserne de la gendarmerie d’escorte et tutti quanti. Il est aussi l’architecte du pouvoir personnel, du référendum anticonstitutionnel, de la disparition de l’Administration, du recul de l’Etat de droit et de la liberté d’expression. Des compétences idéales pour présider une nouvelle architecture de quelle paix !!!
A ce point fragile, hélas, qu’on en sent, ici même, déjà la poudre. N’est-ce pas là l’épice préférée des militaires et des juges antiterroristes, l’argument de leur gagne-pain, au service du grand désordre mondial ? De quoi valoir, on en admet le paradoxe, une belle jaquette, aujourd’hui, à l’Assemblée nationale française. Et demain une belle veste au tribunal des peuples du G5.
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