Notre série Iran/Israël (3), les alliés des mollahs quittent le navire

Alors que la guerre Iran–Israël entre dans une nouvelle phase, les derniers alliés de Téhéran s’étiolent. Les Houthis tirent, le Hezbollah se tait, l’Irak se rétracte, la Syrie se retourne. 

Dans le long bras de fer qui oppose désormais l’Iran à Israël en confrontation ouverte, l’un des éléments les plus remarquables est le délitement de l’« axe de la résistance », ce réseau de groupes armés pro-iraniens construit depuis des décennies au Liban, en Syrie, en Irak, au Yémen et ailleurs. Aujourd’hui, cet ensemble montre des signes de fragilité, d’isolement et de dislocation stratégique.

Les Houthis, seuls à l’offensive

Depuis Sanaa, les Houthis apparaissent comme les derniers alliés actifs de Téhéran dans cette guerre. Mahdi al-Mashat, chef du Conseil politique suprême, a affirmé : « Nos opérations de soutien à Gaza et à l’Iran ne cesseront pas, quels que soient les sacrifices. » Le mouvement yéménite continue de lancer des missiles vers Israël et tente d’interrompre le trafic maritime en mer Rouge, mais ses capacités restent limitées.

Mais Israël est passé à l’offensive : dans une frappe menée dans la nuit du 18 au 19 juin, l’armée de l’air israélienne a visé le chef militaire houthi al‑Amri. Le raid a échoué à le tuer, mais selon i24 News, il en est ressorti grièvement blessé.

Et ce ciblage n’est pas isolé : Israël élimine un à un les proxys du régime iranien, dans une stratégie de décapitation systématique. De la Syrie au Liban, en passant par l’Irak et le Yémen, le réseau régional de Téhéran est méthodiquement attaqué, comme pour désarticuler l’influence militaire transnationale de la République islamique

Si l’action des Houthis a une forte valeur politique, elle ne pèse que peu dans l’équation militaire régionale. Les missiles sont pour la plupart interceptés. Les Houthis offrent une résonance idéologique, mais pas une aide décisive sur le champ de bataille.

Le Hezbollah silencieux : calcul ou repli ?

C’est sans doute la plus grande surprise de cette guerre : le Hezbollah, pourtant considéré comme le joyau de l’armée supplétive iranienne, ne s’engage pas pleinement. Officiellement, le mouvement chiite libanais conditionne son intervention à une frappe américaine contre l’Iran.

En réalité, selon plusieurs analystes libanais, il s’agit d’une stratégie de conservation. Le Hezbollah a été fortement éprouvé par les frappes israéliennes sur le Sud-Liban et sur la banlieue sud, il préfère préserver ses ressources pour s’imposer à l’interne dans le cadre d’un conflit plus localisé ou d’une crise politique à Beyrouth. Ce choix d’attente rompt avec l’activisme habituel du parti et signale un repli tactique profond.

L’Irak, prudence et double discours

Bagdad se trouve dans une position équilibriste. Les milices pro-iraniennes comme Kataib Hezbollah ou al-Nujaba ont proféré des menaces verbales, mais n’ont pas mené d’actions directes.

Selon plusieurs sources concordantes (Al Jazeera, The National), le gouvernement irakien a même exigé que les avions israéliens n’utilisent pas l’espace aérien irakien, et a fermé son espace depuis le 13 juin. Cette posture, entre dénonciation diplomatique et réalisme militaire, montre que Bagdad ne souhaite pas être entraîné dans le conflit.

L’équilibre est d’autant plus fragile que Washington reste présent militairement sur le sol irakien, et que le gouvernement tente de contenir les milices tout en préservant ses liens avec Téhéran. En définitive, l’Irak choisit la retenue.

La Syrie, nouveau relais d’Israël

Là où l’équation change radicalement, c’est en Syrie. Depuis la destitution de Bachar el-Assad le 8 décembre 2024, et la prise de pouvoir d’Ahmed el-Chareh, un nouveau cap a été franchi : la Syrie autorise les avions israéliens à survoler son territoire pour frapper l’Iran.

Ce choix est révélateur. Il traduit une inversion des alliances : là où Damas était hier un partenaire de Téhéran, elle devient aujourd’hui un facilitateur tacite des opérations israéliennes. La fracture est d’autant plus brutale qu’elle prive l’Iran d’un couloir logistique clé vers le Liban et les hauteurs du Golan.

La combinaison de ces facteurs donne à voir une régression rapide de l’influence régionale iranienne. Le fameux « croissant chiite » paraît fracturé. Téhéran est engagé dans une guerre frontale sans ses appuis traditionnels.

Les Houthis sont isolés, le Hezbollah prudent, l’Irak distant, la Syrie retournée. Le pari de la confrontation directe avec Israël s’est fait au prix de la désintégration de l’appareil de projection iranien. Plus que jamais, Téhéran semble seul.