Le Hamas est « affaibli, isolé mais toujours debout », remarque le New York Times, le 16 janvier, au lendemain de l’annonce d’un prochain accord de cessez le feu entre Israël et le mouvement islamiste palestinien.
Le quotidien new Yorkais estime en effet que, en dépit de l’assassinat de ses principaux dirigeants ainsi que ceux de la branche armée du mouvement et la mort de milliers de ses combattants sous les bombardements israéliens, le Hamas reste « la force palestinienne dominante à Gaza, continue à régner en maître dans les camps de personnes déplacées et n’a pas été contraint à la reddition ». Le Hamas n’a pas « hissé le drapeau blanc », souligne le journal.
Le New York Times précise que, même si de nombreux Palestiniens ont critiqué la décision du mouvement de lancer l’attaque du 7 octobre 2022 qui a provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes et a réduit Gaza à un champ de ruines, le Hamas » a fait face à relativement peu d’agitations populaires ». La réponse disproportionnée d’Israël aux attaques du 7 octobre aurait-elle donc été menée en vain? « Si l’accord à plusieurs niveaux [entre le mouvement islamiste palestinien et l’Etat Hébreu] porte ses fruits, le Hamas pourrait bien être en mesure de réimposer sa poigne de fer sur Gaza, ou tout au moins de maintenir un rôle décisif sur ce territoire », analyse le New York Times, qui donne du poids à cette prédiction en citant l’analyste Ibrahim Madhoun, considéré comme proche du mouvement : ce dernier estime en effet que « le Hamas va rester partout présent dans Gaza et ignorer son influence reviendrait à enterrer sa tête dans le sable »… Une remarque d’autant plus pertinente que, comme vient d’admettre le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, « si le Hamas a perdu beaucoup d’hommes, il en a aussi recruté beaucoup durant cette année et demi durant ces quinze mois de conflit… »
Les Palestiniens se réjouissent du cessez le feu entre Israël et le Hamas … jusqu’à un certain point
Le Washington Post relativise la bonne nouvelle, citant un Gazaoui éploré : « La joie de certains me brise le coeur car, au fond, que nous reste-t-il? », s’interroge Mohammed Abu Alkas, un responsable marketing de 32 ans vivant avec 33 autres personnes dans un immeuble en partie effondrée de la ville de Nuseirat, au centre de Gaza (1)
Interviewé sur son lieu de résidence, Mohammed Abu Alkas porte toujours la même paire de jeans troué qu’il avait lors du début des bombardements et a été blessé une fois avec sa mère lors d’une explosion. Jeudi dernier, une bombe qui a pulvérisé un immeuble voisin du sien a projeté des lambeaux de corps humains chez lui, « une jambe et des morceaux de visage », détaille le quotidien de la capitale des Etats-Unis. Et de citer encore Abu Alkas : « Jusqu’au bout la mort aura frappé ».
Le Financial Times de Londres s’avère, pour sa part, un peu plus positif que son collègue américain, préférant insister sur les raisons de se réjouir à la veille de l’application du cessez le feu
« Les gens sont très heureux », confie ainsi Shifa Al Ghazali, une mère de quatre enfants résidente de Gaza ville, qui a perdu son mari, sa mère et deux oncles depuis le début de la guerre.
« En dépit de ma douleur et de ma peine, je suis optimiste », ose pour sa part la femme d’affaires gazaouie Nida Aita, qui ajoute : » Même si on a tout perdu, je pense qu’il est temps que ce torrent de sang se tarisse « . Celle qui vit sous une tente dans un camp de déplacés et qui a dû déménager 14 fois parvient à se réjouir de pouvoir bientôt rentrer chez elle et « vivre dans les ruines » de son immeuble.
Haaretz, le grand quotidien de la gauche libérale israélienne, affirme que l’accord entre le Hamas et l’état hébreu n’aurait pas pu être signé sans Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Donald Trump au Proche Orient
» Une grande partie des raisons de la percée [diplomatique] de la semaine dernière est à mettre au crédit de Witkoff », écrit Haaretz, soulignant » l’habileté démontré par Witkoff qui est parvenu à faire pression sur le premier ministre Benjamin Netanyahou, amenant ce dernier à accepter des compromis qu’aucun envoyé du président américain Joseph Biden n’avait réussi à lui arracher ces quinzes derniers mois ».
Le quotidien israélien prend certes la précaution de rappeler que les négociations avec les intermédiaires qataris et Israël ont été, côté américain, l’œuvre conjointe de l’envoyé de Trump et de son homologue pour les affaires moyen orientales de l’administration Biden, Brett Mac Gurk. Mais, en dépit de l’auto satisfaction affichée sur ce tournant diplomatique au Proche orient par le président américain sortant dans son allocution de départ, jeudi, Haaretz s’interroge tout de même sur cette incapacité de Biden à faire plier le premier ministre israélien : le fait que Witkoff ait réussi, en un seul meeting avec Netanyahou, début janvier. « ce que les officiels envoyés par Biden se sont montrés incapables de faire en plus d’un an pose de sérieuses questions, celle de savoir si l’administration américaine sortante a bien fait tout ce qu’elle pouvait pour pousser Israël [ au compromis], remarque non sans une certaine perfidie ce journal qui est l’honneur de la presse israélienne.
(1) Selon les autorités sanitaires du Hamas, 46 600 Gazaouis ont été tués depuis le 7 octobre 2022, tandis que, au terme de l’accord qui devrait entrer en vigueur dimanche 19 janvier, 33 otages israéliens et plus d’un millier de prisonniers palestiniens en Israël devraient être libérés