L’algérien Mokhtar Belmokhtar, connu également sous le nom du « Borgne » et qui aura été l’homme clé de la guerre djihadiste au Mali contre les Français, aurait été abattu par les Américains en Libye. Portrait
Fondateur d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) en Algérie, Mokhtar Belmokhtar avait été un de ces djihadistes qui avait déplacé le combat pour le Califat islamqiue vers le Mali. Ce qui ne l’a jamais éloigné totalement de sa base arrière algérienne. Ainsi Belmokhtar connaitra son heure de gloire, durant l’été 2012, lors de l’attaque de ses troupes contre le complexe pétrolier algérien d’In Amenas.
Depuis, même s’il s’était fait discret jusqu’à la tuerie de Bamako le vendredi 6 mars 2015, le bandit peint en vert islam n’avait pas renoncé à sa guerre contre « les Croisés ». Depuis août 2014, après avoir fusionné son groupe, la katibat El Moulethemoune (« Brigade des Voilés »), avec le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), le « borgne » tente de reprendre le terrain perdu. C’est lui qui, est à l’origine des attaques récurrentes au Nord Mali, contre des cibles à Gao et Tombouctou. Coups de main dérisoire au regard des ambitions de Belmokhtar qui, selon des sources militaires, rêve d’une nouvelle attaque comparable à In Amenas…
Le califat for ever
Aux dernières nouvelles, la volonté de « Laaouar », comme on se surnomme dans le désert, est d’abord de relancer son projet de califat. Pourtant, en dépit de l’argent qu’il distribue, « le Borgne » laisse derrière lui nombre de mécontents. S’adressant à un journaliste de Magharebia, Ameknas Ag Akal, un jeune militant pour l’autonomie des touaregs du Mali, décrit les « atrocités » du leader jihadiste : « le mois dernier, dans le village de Tancotat, à cent kilomètres au nord de Kidal, vers la frontière algérienne, plus de trente civils ont été assassinés. Les tueurs appartenaient à la bande de Belmokthar. C’est lui qui finance tous ce gens-là ».
Toujours selon un témoignage recueilli par le même confrère, cette fois auprès de Mohamed Ag Ahmedu, « les populations du Nord-Mali commencent à prendre conscience du danger que représentent les terroristes. Ils s’en prennent même désormais aux bergers, pour voler leurs puits et leur bétail. Cela leur vaut une haine féroce, en particulier contre Laaouar, c’est lui qui les soutien ».
Cette analyse corrobore les confidences délivrées par Tahaoui, un terroriste repenti auprès du quotidien algérien El Watan. Ce jihadiste qui a accompagné Laaouar pendant des années dénie à son ancien maître le droit de se revendiquer de l’islam : » Belmokthar est juste un criminel. Son expérience en Afghanistan lui a permis de se distinguer parmi les autres terroristes. Mais cela ne l’a pas empêché de prendre certaines décisions qui ont par la suite engendré des litiges avec d’autres leaders.
Courageux mais pas téméraire
Mais le courage de cet homme a des limites. Ainsi, en 2006, par peur de mourir il n’a pas hésité, dans le cadre de la « réconciliation nationale », à prendre langue avec l’autorité algérienne. Mais il faut savoir qu’il est capable de trahir chacun de ses frères. Les personnalités politiques qui, au Burkina Faso, au Niger, en Mauritanie, au Mali et en Guinée, entretiennent des relations avec lui devraient se méfier, c’est un traitre dans l’âme ».
Affaibli par la chasse lancée contre lui par Alger, et aussi pas l’opération Serval, Belmokthar ne semble pas être en mesure de capturer de ces otages que naguère il libérait à prix d’or. Mais le terroriste algérien n’est pas « à sec » dans la mesure où il règne toujours sur le trafic de cigarettes et facilite l’acheminement de la drogue du Golfe de Guinée vers l’Europe. Jadis homme de terrain, Laaouar aujourd’hui se terre, sans doute dans un pays situé hors du « champ de bataille », et c’est depuis son repaire qu’il envoie ses ordres et les décisions du Conseil de la Shoura qu’il préside. Rester dans l’ombre est sa façon de survivre, mais elle laisse la bride sur le cou à des lieutenants qui peuvent, d’un moment à l’autre, le marginaliser.
Belmokthar suit heure par heure l’évolution de la situation à Kidal et dans le Nord Mali. La situation économique accablante, la politique humiliante du pouvoir central et l’impossibilité de la France à imposer une « solution pour les touaregs », provoquent de telles tensions que Laaouar sait qu’il pourra, un jour, s’allier à nouveau avec des guérilleros de « l’Azawad libre »… contre Bamako et la France.