Mohammed Ben Salman qui ne rencontrera probablement pas le président Trump lors du G20 en Argentine, devrait demander aux autorités algériennes, lors de son étape du 6 décembre, une aide diplomatique.
Le journaliste et chroniqueur d’Europe 1 Vincent Hervouët résumait d’une formule, à l’occasion de la visite mouvementée en Tunisie du jeune Mohammed ben Salman, la situation nouvelle du prince héritier de l’Arabie saoudite: “MBS est en train de devenir un pestiféré”.
Des manifestations de protestation ont marqué en effet la visite de MBS en Tunisie. L’amabilité que lui a manifesté, en vieux politicien, Beji Caïd Essebsi, est purement intéressée. Le président tunisien voit dans les Séoudiens une source de financement pour les fins de mois difficiles de la Tunisie et des alliés possibles dans la lutte qu’il mène désormais contre ses alliés d’hier, les Frères Musulmans d’Ennahdha, soutenus par le Qatar. Mais le peuple tunisien, dans son immense majorité, condamne un régime séoudien qui abrite aujourd’hui l’ancien dictateur, Zine Ben Ali.
Plus grave sans doute pour l’allié inconditionnel des Américains qu’est MBS, il est très probable qu’il n’y aura pas de rencontre entre Trump et MBS sur le chemin du G-20 qui se tient en Argentine à la fin de la semaine.
Des poursuites en Argentine
Comble de stupéfaction horrifiée, on a appris avant-hier que la justice de ce pays envisage des poursuites contre MBS pour “crimes de guerre”. L’enquête portnerait encoresur les attaques menées par les forces saoudiennes au Yémen et sur les manœuvres orchestrées pour priver la population d’alimentation et d’aide médicale.
Selon le New York Times, « l’Argentine enquête sur MbS pour implication dans des “crimes de guerre”, dans ce que le journal décrit comme “le test le plus significatif à ce jour pour mesurer si le prince Mohammed est capable de surmonter et de dissiper le malaise international qui l’entoure depuis l’assassinat du dissident saoudien Jamal Khashoggi.” […] Mais l’enquête n’a pas pour seul objectif de déterminer si MbS a participé à l’organisation de la liquidation de Khashoggi. Les procureurs examinent également sa possible implication dans la myriade de “crimes de guerre” commis par l’Arabie Saoudite au cours de sa brutale guerre “par procuration” au Yémen.
Le pétrole trop cher
Dans le périple qui le mène en Argentine, MBS a tenu à s’arrêter le 6 décemnre en Algérie où pourtant il n’a pas que des amis. La chute actuelle du cours du pétrole, si elle fait plaisir président Trump, est une catastrophe pour les autorités algériennes confrontées à une situation politique très tendue et qui ne veulent à aucun prix imposer l’austérité à leur population. D’autre part, les Séoudiens ont considérablement augmenté le prix du pèlerinage à la Mecque, au grand dam des musulmans des pays du Maghreb. « Plusieurs questions vont être abordées, lors de cette visite de MBS, notamment le marché des hydrocarbures et le prix de pétrole, ainsi que celui des visas et des autres avantages économiques », annoncent les autorités algériennes.
Mais il ya beaucoup plus au menu des discussions entre les Séoudiens et les Algériens.. L’Algérie s’est toujours montrée très critique envers l’intervention séoudienne au Yémen, même lorsque même lorsque MBS, au temps de sa splendeur, était soutenu par une majorité de pays arabes. Cette position diplomatique avait d’ailleurs valu aux Algériens un certain isolement mais conforté leurs bonnes relations avec l’Iran et la Turquie.
Le recours algérien
Or aujourd’hui ce sont justement les bonnes relations d’Alger avec les principaux adversaires de l’Arabie Saoudite qui pourraient faire de l’Algérie un médiateur dans la crise actuelle. Cette démarche avait été amorcée en Juin dernier. L’ancien diplomate, Lakhdar Brahimi, une figure unanimement respectée dans la communauté internationale, avait été alors sollicité pour tenter une première médiation. Mais la répression féroce à laquelle s’était livrée l’Arabie Saoudite au Yémen l’été dernier, n’avait guère favorisé ces premiers pourparlers.
Lors des discussions qui auront lieu entre MBS et les autorités algériennes, ce dernier devrait demander à Alger de tenter une nouvelle démarche auprès des Turcs et des Iraniens. Aux yeux du Prince héritier séoudien, il faut éviter à tout prix qu’Ankara publie l’enregistrement calamiteux de la conversation qu’il a menée avec le commando chargé d’assassiner, le 2 octobre, le journaliste et opposant Jamad Khashoggi. Il serait bon également, selon lui, que les Iraniens assouplissent leurs exigences au Yémen et acceptent que les Séoudiens trouvent une honorable porte de sortie.
La Présidence algérienne et ses alliés qui tentent dans la transition actuelle d’imposer leur légitimité a besoin, plus que jamais, d’un succès diplomatique. Le porte parole du RND, le parti du Premier ministre Ouyahia, a salué l’arrivée à Alger, le 6 décembre, du Prince pestiféré.
Pour sauver le soldat MBS, il faudra à l’Algérie beaucoup de talent.