Mauritanie : l’exfiltration ratée d’un condamné à mort pour blasphème

Plus de deux ans après les faits, l’affaire du jeune mauritanien  Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir condamné à la peine de mort pour blasphème connait de nouveaux rebondissements.

« Ordre social inique »

Arrêté en décembre 2014, ce jeune habitant de Nouadhibou, la deuxième ville du pays, avait été condamné pour apostasie après avoir publié sur internet un billet dans lequel il critiquait certains versets du Coran et leur utilisation en Mauritanie. Il accusait notamment la société mauritanienne de perpétuer un « ordre social inique » hérité de l’époque des guerres saintes. Un système de caste très inégalitaire perdure en Mauritanie où l’esclavage demeure notamment pratiqué malgré son abolition extrêmement tardive en 1981.

A l’époque, l’énoncé du verdict avait donné lieu à de bruyantes scènes de joie dans la salle d’audience du tribunal et à travers la ville de Nouadhibou. Dans la capitale Nouakchott plusieurs centaines de manifestants avaient marché vers le palais présidentiel où le chef de l’Etat Mohamed Ould Abdel Aziz avait promis de « prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre l’islam et son prophète ».

Toujours inscrite dans le droit mauritanien, la peine de mort n’a plus été appliquée dans le pays depuis 1987.

En avril 2016, la Cour d’appel de Nouahdhibou avait confirmé la peine de mort et requalifié les faits d’apostasie en « mécréance », une accusation moins lourde prenant en compte le repentir de l’accusé. Le dossier a ensuite été transmis à la Cour Suprême chargée de confirmer ou de casser la décision de la Cour d’appel début 2017.

Accord d’exfiltration

Or, selon des sources diplomatiques, un accord aurait été conclu courant janvier entre des représentants de l’Union européenne et les autorités mauritaniennes dans le but d’obtenir la libération et l’exfiltration de l’accusé vers le Sénégal voisin. De là, toujours selon les mêmes sources, le jeune homme aurait du être pris en charge et transféré vers l’Europe.

Il n’en fut rien. Le 31 janvier, la Cour suprême a décidé de ne pas trancher invoquant un vice de procédure dans l’application de la loi par la Cour d’appel sans pour autant préciser l’erreur commise. L’affaire est alors renvoyée devant une nouvelle Cour d’appel. Une dérobade que plusieurs associations de défense des droits de l’homme attribuent aux violentes réactions de la rue. Lors de chacune des audiences, des manifestants se sont mobilisés à l’appel d’associations islamistes pour demander l’application de la peine de mort. De quoi provoquer l’intervention de l’éxecutif mauritanien dans la procédure judiciaire contre l’accord passé avec les partenaires européens ?