Alors qu’elle hausse le ton depuis mardi contre les militaires maliens, auteurs du coup d’Etat contre le président Bah N’Daw et le Premier ministre Moctar Ouane, la communauté internationale affiche une totale bienveillance envers Mahamat Idriss Déby Itno, qui a pourtant pris le pouvoir par la force, au Tchad après le décès de son père.
Est-ce son aura personnelle? Est-ce la prime à la lutte contre le terrorisme laissée en héritage par son père ? En tout cas, la communauté internationale fait preuve d’une grande mansuétude à l’égard du général Mahamat Idriss Déby Itno, président du Conseil militaire de transition (CMT), la junte qui s’est installée au pouvoir au Tchad, après la mort le 20 avril dernier du président tchadien Idriss Déby Itno.
Le sommet des chefs d’Etat de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) réuni mardi dernier à Abuja a apporté son soutien total à la transition menée par le CMT.
Exigences minimales
Avant la CBLT, l’Union africaine, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Union européenne avaient renoncé à sanctionner la prise de pouvoir par la force, au motif qu’il faut privilégier la stabilité du Tchad et son engagement dans la lutte contre le terrorisme à la défense des valeurs de la démocratie et des libertés.
À bien analyser sa position, la communauté internationale n’exige plus désormais des militaires que le respect du délai de 18 mois pour organiser des élections libres, transparentes, démocratiques et remettre le pouvoir aux civils. Plus personne parmi les partenaires du Tchad ne pose la condition de non-participation des militaires du Conseil Militaire de Transition (CMT) à toute prochaine élection.
Pour les militaires, cet enjeu-là est plus important que le respect du délai de transition et le partage du pouvoir avec le gouvernement civil et le futur du Conseil national de transition (CNT) qui fera office de parlement pendant la période transitoire.
Succession dynastique
En n’exigeant pas la non-participation des militaires du CMT aux prochaines élections, la communauté internationale laisse le boulevard ouvert à une candidature de Mahamat Idriss Déby Itno à la prochaine présidentielle. Dans les rangs des partisans de la succession dynastique, on a déjà échafaudé le plan qui permet au fils du président Déby de succéder à son père à travers l’onction du suffrage universel. A la fin de la transition, le président du CMT démissionnera des rangs de l’armée nationale tchadienne (ANT). Comme aucune disposition ne l’en empêche actuellement, il pourra alors se présenter en tant que candidat civil à l’élection présidentielle. La seconde étape du scénario de la candidature de Mahamat Idriss Déby Itno après sa démission de l’ANT sera son investiture en tant que candidat par le Mouvement patriotique de salut (MPS), le parti de son père. Pour les tenants de ce scénario, il ne fait aucun doute que Déby fils peut gagner la prochaine présidentielle démocratique en capitalisant sur la machine rodée du MPS, parti qui dirige le Tchad depuis plus d’une trentaine d’années.
Les mêmes invoquent comme autres arguments qui rendent vraisemblables la victoire de Déby fils les moyens financiers dont dispose le clan du défunt président ainsi que les divisions internes et les querelles d’écho des opposants tchadiens.
Tout porte à croire que la communauté internationale s’accommodera d’une victoire de Mahamat Idriss Déby Itno à la présidentielle, si tant est que le CMT y met un peu de forme. Pour la France, l’Union africaine, l’Union européenne et le reste de la communauté internationale, le plus important c’est la poursuite de l’engagement du Tchad dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et dans le Bassin du Lac. Mahamat Idriss Déby Itno, qui l’a bien compris, en a donné des gages solides à travers le maintien de la présence de 1200 soldats tchadiens dans la zone dite des trois frontières communes au Burkina Faso, au Mali et au Niger.