L’Union européenne met la junte malienne sous surveillance

La Commission de l’Union européenne a refusé de débloquer une aide conséquente au pouvoir de transition au Mali, faute d’avoir obtenu toutes les garanties de transparence sur son usage. 

Dans le petit monde feutré des bailleurs des fonds, la décision de l’Union européenne de geler près de 38, 5 millions d’euros d’aide au gouvernement malien de transition a été perçu comme un tournant, voire une révolution. Jusqu’ici l’UE, un des plus grands donateurs au Sahel, se contentait de verser des sommes importantes aux gouvernements de la région sans exiger de vrais comptes. La situation a changé.

Pour mettre un terme aux détournements à grandes échelles, l’UE exige, entre autres mesures, des autorités maliennes qu’elles fassent transiter par les banques locales le paiement des soldes de l’armée malienne. Derrière cette exigence, apparait la volonté de Bruxelles d’avoir une traçabilité de l’usage de ses fonds pour payer les forces armées maliennes (FAMA) dont les effectifs et le niveau de rémunération selon le grade restent flous avec le système de solde actuellement en vigueur.  

 Les sept dernières années, environ 8,5 milliards d’euros d’aide ont été versés aux Etats du Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) sans qu’on en perçoive la valeur ajoutée sur la vie des populations. Le Mali illustre jusqu’à la caricature cette distorsion entre le volume de l’aide versée et les réalités sur le terrain. Selon une étude effectuée en 2018 par le Canada, près de 741 milliards de FCFA (environ 1,13 milliard d’euros) accordés par les partenaires internationaux ont été détournés au Mali entre 2005 et 2017, soit environ 35% du volume total de l’aide apportée au pays.   

Agenda électoral incertain 

En posant des conditions pour le déblocage des crédits gelés, l’Union européenne entend également faire pression sur les autorités maliennes pour qu’elles respectent le calendrier de transition. Il y a de plus en plus de doute sur la capacité du pouvoir malien à tenir dans de bonnes conditions et en si peu de temps les différentes échéances électorales programmées. Annoncé en avril dernier, l’agenda électoral commence par des élections régionales et locales en décembre 2021 précédées par le référendum constitutionnel le 31 octobre 2021.  Les premiers tours de la présidentielle et des législatives sont censés être organisées le 27 février 2021. Les seconds tours des deux scrutins sont prévus pour le 13 et le 20 mars 2022. La tenue de ces différents scrutins en si peu de temps alimente le scepticisme sur la capacité des autorités maliennes à relever les défis logistiques et organisationnels qui se posent. Il s’y ajoute la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Beaucoup doutent en effet de la possibilité d’organiser sereinement des opérations électorales dans le nord, le centre et même une partie du sud du pays. Reste à savoir si les pressions et l’aide de la communauté internationale obligeront le pouvoir à tenir finalement son engagement de respecter le délai initial de dix-huit mois de transition.