La nomination d’un nouvel ambassadeur du Tchad à Bangui, le général Noh Tamour Aldjidey, ancien attaché militaire aux Etats Unis, pourrait aider la diplomatie américaine à contrer l’offensive russe dans la région.
Par un Décret du 7 octobre 2019, le général Noh Tamour Aldjidey a été nommé ambassadeur du Tchad en Centrafrique. Il remplace un autre général, Yaya Dahoud Brahim, qui avait été rappelé par Idriss Deby Itno afin de faire partie du gouvernement, le 9 novembre 2018 pour devenir, pour peu de temps, ministre délégué à la présidence chargé de la Défense nationale.
Pendant presque une année le Tchad n’avait donc plus d’ambassadeur en titre. La gravité de la situation à la frontière tchadienne, qui a toujours été une grande préoccupation pour Idriss Deby Itno, devenait une impérieuse nécessité pour Ndjamena de nommer un ambassadeur. Idriss Deby Itno reste le meilleur connaisseur, sinon acteur, de la situation en Centrafrique.
La diplomatie américaine face à Idriss Deby Itno
Noh Tamour Aldjidey était précédemment attaché militaire à l’ambassade du Tchad aux Etats-Unis d’Amérique où il a pu nouer des liens de confiance avec le Pentagone et le Département d’État. Il aura pu constater que les critiques américaines contre Idriss Deby Itno étaient de moins en moins feutrées. Le communiqué de l’ambassade US à Ndjamena, du 9 juin 2019 avait été inhabituel, par sa virulence, qui dénonçait les atteintes aux droits de l’homme, le non-respect des règles démocratiques et les échéanciers électoraux.
Évidemment le sort réservé au nouveau parti d’opposition » Les Transformateurs » du jeune (35 ans) président Succès Masra était en arrière-plan. Les Etats-Unis accepteraient mal que Succès Masra ne devienne le Kamto Tchadien.
Un militaire-diplomate connu à Washington
Le nouvel ambassadeur tchadien à Bangui connait bien Geesa Pasi, qui fut ambassadrice des Etats-Unis au Tchad jusqu’au 30 août 2018. Cette experte du continent africain est désormais l’une des Sous-Secrétaires d’État adjointe aux affaires africaines, sous l’autorité de Tibor Nagy, le Sous-Secrétaire d’Etat qui exerce une diplomatie active, au pas de charge, en Afrique centrale. On l’a constaté au Soudan, en RDC et récemment au Cameroun.
La tentative russe de faire une sorte de projet pilote et de hub en Centrafrique, avec la complicité de ses dirigeants actuels, ne peut plus rester sans réponse américaine. L’ancien attaché militaire à Washington pourrait éventuellement y avoir une contribution.
On pourrait alors se demander si le président tchadien ne serait pas prêt à aider le Département d’État, en contrepartie d’une diminution de cette pression non équivoque qu’il subit aujourd’hui.
La riposte américaine
Les liaisons particulières sinon dangereuses de Faustin-Archange Touadera avec la Russie et le sulfureux groupe Wagner commencent à aiguiser les soupçons des Américains. Dans sa livraison, du 30 septembre 2019, The New York Times consacre un long article précisant la stratégie et les multiples interventions russes en Centrafrique.
Les rencontres de haut niveau et les déclarations apaisantes, faites au gré de ses incessants voyages à l’étranger, du président Touadera ne convainquent guère que les bisounours.
Des questions autour d’une nomination
Dans ce contexte tentaculaire, le nouvel ambassadeur du Tchad à Bangui a-t-il été nommé :
– Pour normaliser les relations diplomatiques entre deux régimes agonisants ?
– Pour mieux faciliter la diminution des problèmes sécuritaires dans le nord-ouest de Centrafrique qui impactent le sud du Tchad ?
– Pour développer un partenariat agissant Tchad-Etats-Unis d’Amérique en Centrafrique pour mieux contrer la Russie et tenter ainsi d’atténuer la pression américaine qui pèse actuellement sur le président tchadien ?
En tout état de cause, la promotion de l’attaché militaire de l’ambassade du Tchad à Washington pour devenir ambassadeur du Tchad à Bangui est loin d’être anodine.