L’Egypte est encouragée par ses amis émiratis et français à intervenir massivement en faveur du maréchal Haftar qui, au nom de la lutte anti terroriste, combat le gouvernement de Tripoli pour imposer sa férule sur l’ensemble du territoire libyen
Le vent tourne en Libye. Les drones de la Turquie, ainsi que des militaires discrètement envoyés sur place, ont permis aux forces du gouvernement de Tripoli de conquérir la stratégique base militaire d’Al-Watiya située dans la Tripolitaine à quelques dizaines de kilomètres de la Tunisie. Soit une cinglante défaite pour le Maréchal Haftar dont l’avancée inexorable vers Tripoli vient d’être stoppée. Au grand désespoir de ses amis émiratis, français et russes qui soutiennent massivement l’intervention militaire qu’il mène dans l’ensemble du territoire libyen.
C’est donc toute la stratégie militaire, imaginée notamment par Jean Yves Le Drian et son ami MBZ, le prince héritier d’Abou Dhabi, qui se trouve contrariée par l’intervention militaire turque. L’expertise militaire de l’armée d’Ankara a pu retourner une situation qui semblait compromise pour les troupes du premier ministre Fayez El-Sarraj, chef du gouvernement de Tripoli soutenu par la communauté internationale.
Ni les mercenaires russes affrétées par les Emirats, ni les armes fournies par Abou Dhabi et encore moins les frappes aériennes imprécises de l’aviation égyptienne n’ont pu contrebalancer l’effort de guerre massif de Recep Erdogan, le président turc.
Revirements américains
Ultime revers pour les troupes du maréchal Haftar, les Américains ont changé leur fusil d’épaule en Libye, Autant la posture anti terroriste d’Haftar avait semblé, voici quelques mois, séduire les conseillers de Donald Trump, autant aujourd’hui les militaires américains voient dans leur allié d’hier le bras armé de Poutine. Pour dénoncer l’influence russe dans cette région sensible, le Pentagone vient de publier des clichés d’avions de combat, Mig 29 et Soukaïs 24, qui auraient transité de la Russie vers les forces d’Haftar, via l’Iran et la Syrie.
Selon des sources bien informées à Alger, les dirigeant français, égyptiens et émiratis craignent une avancée des milices du gouvernement d’union nationale vers le sud-est libyen, notamment vers les villes de Tarhouna et d’El Jufrah. Ce qui mettrait définitivement fin à leur ambition de mettre la Libye entre les mains de l’homme fort de la Cyrénaïque, le maréchal Haftar. Dans une vision manichéenne de la situation au Sahel, Jean Yves Le Drian, à qui les présidents français Hollande et Macron, ont remis les clés de l’Afrique, est persuadé que le sud libyen est la base arrière du terrorisme pour l’ensemble de la région?
L’Egypte écartelée
La diplomatie française souhaite jouer un rôle central dans la région mais, après le précédent que fut l’intervention de Nicolas Sarkozy en 2011, avoir de présence militaire sur le terrain à l’exception de commandos discrets de la DGSE (services français). Ces dernières semaines, Jean Yves Le Drian s’est rapproché du régime algérien à qui il a demandé, mais sans succès d’apaiser les ardeurs impérialistes de la Turquie. Aujourd’hui, la France est tente de pousser le président égyptien Abdelfattah Al-Sissi à s’engager plus directement dans le conflit. Pour Paris, l’autoproclamé maréchal Haftar n’est plus capable tout seul de conquérir et d’unifier la Libye. Ill lui faut s’adosser régionalement à un allié de poids.
La présomption des Français à organiser, avant la fin 2018, et aux forceps des élections en Libye lors d’une réunion qui s’est tenue à Paris entre les principaux protagonistes libyens, aurait du amener Jean Yves Le Drain à un peu moins d’activisme. Tel n’est pas apparemment le cas.
Nouveau souci que n’a pas d’avantage ému notre omniprésent ministre français des Affaires Etrangères, les Egyptiens sont écartelés entre leurs alliés occidentaux. Certes, le maréchal Sissi entretient de bonnes relations avec son ami Le Drian qui fournit au régime autoritaire égyptien des armes anti émeutes en fermant les yeux sur les atteintes gravissimes aux droits élémentaires commises dans ce pays. Mais l’allié historique, celui qui finance depuis les années Moubarak, les achats de matériels militaires égyptiens, reste les Etats Unis où -on l’a noté plus haut- un revirement d’alliances spectaculaire est opéré par le Pentagone .
Le risque d’embrasement
Autre souci que ne prend guère en compte un Le Drian plus marchand d’armes que stratège, une intervention militaire égyptienne directe en Libye pourrait aboutir à un affrontement avec les Turcs. Une perspective qui si elle enchante les dirigeants émiratis, n’apporte pas l’adhésion des généraux égyptiens.
Le président égyptien, empêtré dans le bourbier du Sinaï où les combattants de Daech infligent aux égyptiens, des revers sanglants, est extrêmement hésitant sur la conduite à tenir. « Le maréchal Al-Sissi pourrait être tenté par une incursion chez son voisin de l’Ouest. Tout dépend de la tournure que prendront les événements dans le sud libyen », explique un ancien dirigeant libyen, cité par nos confrères marocains de Maghreb Intelligence..