La communauté internationale semble être montée au créneau ces derniers jours pour pousser l’Etat libanais à reprendre en main la situation au Liban.
Une chronique de Michel Touma
Les hautes sphères du pouvoir libanais paraissent vivre « dans le déni » – comme l’a relevé explicitement la Banque mondial – face à la situation de crise multidimensionnelle dans laquelle se débat le pays depuis plus de deux ans. En cause : la ligne de conduite du parti chiite pro-iranien (le Hezbollah) qui a pris pratiquement le Liban en otage pour servir les intérêts stratégiques du nouvel « empire perse », plongeant de ce fait la population dans la plus grave crise économique, financière, sociale et institutionnelle de son histoire contemporaine.
Jusqu’à récemment, ce sont le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Mgr Elias Audi, et l’opposition plurielle et transcommunautaire hostile à l’emprise de l’Iran sur le pays qui stigmatisaient régulièrement le laxisme, voire la complicité, du pouvoir en place face à l’effondrement global provoqué par le comportement du Hezbollah qui s’est impliqué directement dans les grands conflits du Moyen-Orient (Yémen, Irak, Syrie, Liban …) aux côtés des alliés de Téhéran.
A l’ombre de cette crise existentielle – dans toute l’acception du terme – le patriarche maronite et l’opposition souverainiste réclament avec insistance la non implication du Liban dans les conflits régionaux, l’application des résolutions de l’Onu réclamant la dissolution de toutes les milices (dont celle du Hezbollah), et la mise en chantier de réformes, comme prélude à l’octroi d’une aide financière substantielle au Liban – par le biais du Fonds monétaire international (FMI).
Le Conseil de Sécurité mobilisé
L’élément nouveau qui a émergé ces derniers jours est l’évolution des positions des instances arabes et internationales dans un sens qui converge vers les revendications de l’opposition souverainiste portant sur le dossier du Hezbollah. Fait particulièrement significatif sur ce plan : le Conseil de Sécurité des Nations-Unies a publié la semaine dernière une déclaration présidentielle – rendue publique, de surcroît, par le délégué permanent russe – qui reprend dans les grandes lignes les thèmes des pourfendeurs de l’influence iranienne concernant la non implication dans les conflits régionaux, l’application des réformes et l’exécution des résolutions de l’ONU sur la dissolution des milices, notamment la 1559, constamment décriée par le Hezbollah.
La déclaration présidentielle, qui a une portée politique et diplomatique indéniable, va même jusqu’à réclamer le respect de la « Déclaration de Baabda », adoptée en juin 2012 sous l’impulsion de l’ancien président Michel Sleiman et qui réclame la distanciation du Liban par rapport aux guerres régionales. Un document également stigmatisé par le Hezbollah qui l’avait pourtant signé avant de retirer sa signature quelques jours plus tard, sur l’insistance vraisemblablement du pouvoir iranien !
La Déclaration onusienne va même plus loin en pressant l’Etat, d’une part, de laisser la justice suivre librement son cours afin de dévoiler et juger les responsables de l’explosion du 4 août au port de Beyrouth, et d’autre part, d’enquêter sur les multiples agressions perpétrées récemment contre des unités des Casques Bleus onusiens postés au Liban-Sud. Cette dernière clause est perçue à Beyrouth comme une dénonciation à peine voilée du laxisme délibéré de la justice libanaise dans certaines situations ayant une dimension politique qui n’échappe à personne.
Cette même critique – portant sur l’instrumentalisation de la Justice par certains pôles politiques – a été d’ailleurs formulée de manière très explicite par le patriarche maronite dans son homélie dominicale de dimanche dernier. Quelques jours plus tôt, ce sont plusieurs ambassadeurs occidentaux, et non des moindres – les ambassadeurs des Etats-Unis, de France, de Grande Bretagne, d’Allemagne, de Suisse, et d’Autriche – qui dénonçaient eux aussi ouvertement la passivité de la justice libanaise dans l’enquête sur l’assassinat d’un intellectuel chiite anti-Hezbollah, dont la première commémoration a été organisée en présence des ambassadeurs en question en plein fief du Hezbollah.
Hasard ou coïncidence bien orchestrée ? Les interventions musclées des ambassadeurs occidentaux lors de la commémoration de l’assassinat de l’opposant chiite (LoKman Slim) ont été accompagnées de la publication d’un rapport accablant de l’organisation Human Rights Watch (HRW) qui a clairement mis en évidence les nombreuses failles et les manquements qui ont marqué les investigations sur quatre assassinats à caractère politique.
L’initiative du Golfe
Ces diverses positions en flèche convergent en outre de manière concomitante avec deux initiatives diplomatiques de poids dont la scène libanaise a été récemment le théâtre : une visite très remarquée du chef de la diplomatie du Vatican à Beyrouth, qualifiée par les milieux du Hezbollah de « mission politique », sans doute parce qu’elle a apporté un clair soutien aux positions souverainistes du patriarche maronite ; et en parallèle, mais évoluant dans le même sens, l’initiative des pays du Golfe qui a été exposée, lors d’une visite à Beyrouth il y a quelques jours, par le ministre koweitien des Affaires étrangères qui a affirmé parler au nom des instances arabes et de la communauté internationale … Un détail qui est loin d’être anodin puisque le ministre koweitien a soumis aux dirigeants libanais une « feuille de route » qui reprend, presque point par point, les principales positions de l’opposition. souverainiste opposée à une mainmise iranienne sur le Liban.
La scène libanaise a ainsi connu une étonnante convergence, en très peu de temps, de positions arabe, internationale, onusienne et vaticane vers un même objectif … Un objectif commun que partagent aussi toutes les factions locales qui s’opposent activement à toute emprise iranienne via le Hezbollah en sa qualité de principal instrument de la politique expansionniste des Pasdarans dans la région.