La nouvelle ministre des AffairesEtrangères, Catherine Colonna, doit affronter un grave conflit d’Emmanuel Macron avec le corps diplomatique. L’Afrique est sans doute le dossier le plus sensible…
C’est peu de dire que Jean-Yves le Drian a laissé sur le bureau qu’il vient de quitter des bombes à retardement. En cinq ans, le désormais ancien ministre des Affaires étrangères en duo avec le Président de la République a réussi la prouesse de porter le rejet de la politique française en Afrique à un niveau stratosphérique. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest plus rien ne va… Les populations sont vent debout contre la France, comme l’ont encore démontré les dernières manifestations violentes, qui s’en sont pris aux entreprises et aux drapeaux français dans la capitale tchadienne, mais aussi à l’intérieur du pays, à Abéché. Après chaque événement, de plus en plus fréquent, un peu partout au Mali, en Centrafrique, au Burkina Faso, les autorités françaises pointent un doigt accusateur vers la Russie. Paris a trouvé un bouc émissaire idéal qui lui permet de rester dans le déni, de ne pas faire son introspection, même si sans conteste, le Kremlin joue habilement sur les failles et sait profiter des erreurs commises.
Le Sahel à vau-l’eau…
Le dossier le plus épineux reste bien évidemment le Sahel, dans l’attente des législatives, Emmanuel Macron reste totalement muet et évite consciencieusement tous les sujets qui pourraient lui nuire. A quoi ressemblera le deuxième quinquennat dans la région ? Va-t-il une nouvelle fois laisser l’armée française monter seule au front et continuer sa politique du tout sécuritaire ? Ou mettra-t-il en place une véritable stratégie avec une vraie vision ? La question reste entière. Hormis, réagir au coup par coup à chaque accident de parcours, le chef de l’Etat ne s’est plus prononcé sur cette question depuis l’annonce en juin 2021 de la fin de Barkhane. Autre sujet d’interrogation, le Quai d’Orsay reprendra-t-il toute sa place dans la gestion du Sahel ou celui-ci restera-t-il dans les mains de l’Elysée, de ses conseillers et du Chef d’Etat-major ? En tout état de cause, la nouvelle stratégie de la France dans la région ne devrait pas être déclinée avant le 19 juin, date du deuxième tour des élections et ce malgré les urgences. Selon, Martin Griffiths, le Secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires humanitaires, 7,5 millions de Maliens soit un tiers de la population a besoin d’aide et seulement 11% des besoins sont financés. La situation est identique au Burkina Faso qui en plus doit faire face, comme nombre d’autres pays à une inflation record. Sans parler évidemment des problèmes sécuritaires et politiques. Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) s’interroge dans une note publiée le 31 mai sur « le double jeu » que pourrait jouer Ouagadougou. Il craint que la junte au pouvoir ne suive l’exemple de celle de Bamako en faisant appel aux mercenaires de Wagner !
L’erreur rwandaise
Autrefois très actif, Emmanuel Macron se montre très effacé sur le dossier libyen où il est vrai, il n’a connu aucune réussite. Malgré tout, la France continue à croire aux formules magiques et plaide, comme un mantra, aux Nations unies, pour la tenue d’hypothétiques élections. Sans progrès sur ce front-là, difficile d’obtenir des améliorations dans la Bande sahélo-saharienne.
Les décisions peu judicieuses prises lors de son premier quinquennat peuvent aussi avoir un effet boomerang. Il en va ainsi du rapprochement avec Paul Kagamé, qui risque fort de devenir un allié très encombrant. Avec la reprise de des affrontements dans le Kivu entre l’armée congolaise et la rébellion du M23 un mouvement soutenu par Kigali, les relations entre Kinshasa et le Rwanda sont électriques. C’est tout un peuple qui est debout pour dénoncer les exactions et les agissements de leur voisin. Jamais Kagamé n’a été aussi conspué en RDC, y compris par les autorités. Si ce président continue d’avoir le soutien de quelques-uns de ses homologues, cela peut ne pas durer, qui soutiendra ce chef d’Etat aura 100 millions de congolais francophones contre lui…
A l’impossible nul n’est tenu
De l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique centrale en passant par le Maghreb… On se souvient des franches hostilités qui ont ponctué le premier mandat d’Emmanuel Macron avec l’Algérie. Celles-ci seraient en passe d’être réglées si l’on en croit le message du président Tebboune lors de la réélection du Président français. Bonne nouvelle, mais cette fois c’est avec le Maroc que les relations sont devenues glaciales ! Plusieurs dossiers sont sur la table, celui des visas, du Sahara occidental mais aussi des histoires d’espionnage après le rapprochement de Rabat avec Israël. Selon le journaliste Georges Malbrunot qui cite un agent de la DGSI « Que des éléments de la diaspora marocaine en France servent de sous-traitants au Mossad israélien, ça ne passera pas ».
En conclusion, ce quinquennat qui commence risque d’être long, pour les journalistes comme pour les diplomates, l’un deux s’exprimant de manière anonyme : « On veut un outil diplomatique permettant de tenir (notre) rang, or on a l’impression d’être déconsidérés, de ne pas avoir les moyens nécessaires. Quels sont les grands succès de (notre) diplomatie depuis la COP 21 en 2015 ? Rien. »