L’espoir d’une négociation entre l’Ukraine et la Russie définitivement enterré

Il n’était pas question pour Vladimir Poutine , ces dernières années, de laisser l’Ukraine rejoindre l’Union Européenne au risque de devenir l’arrière-cour de l’Alliance Atlantique. À moins d’obtenir de Kiev d’importantes concessions territoriales et de négocier un traité solennel. Telle était encore hier l’argumentaire du pouvoir russe qui expliquait qu’Emmanuel Macron tentait encore, cette semaine, une ultime négociation avec le maître du Kremlin.

Hélas, il semble bien que Vladimir Poutine, y compris dans ce qu’il a affirmé lors de son entretien avec Emmanuel Macron, a basculé dans une volonté d’en découdre militairement sans négociation possible. Le président russe est  décidé désormais à conquérir l’ensemble de l’Ukraine, un pays qui serait sous l’influence du nazisme, et à réunifier les peuples slaves contre ce qui serait l’impérialisme occidental incarné par l’OTAN

Notre journaliste, Joelle Hazard, revient sur l’histoire de cette impossible négociation qui aurait pu éviter le scénario du pire auquel on assiste aujourd’hui.

                                                La rédaction de Mondafrique 

Le président russe est  décidé désormais à conquérir l’ensemble de l’Ukraine. Quiite à laisser un champ de ruines

L’image qui restera celle du  président ukrainien Volodymyr Zelensky, en Visioconférence depuis Kiev, devant les Eurodéputés réunis en séance extraordinaire à Bruxelles, est celle de la « Force ». Comparée à la force de Poutine, elle émeut beaucoup plus. Le président ukrainien, en tee shirt kaki à côté du drapeau bleu et jaune, lève le poing après avoir  plaidé pour l’adhésion « sans délai » de l’Ukraine à l’Union Européenne « Prouvez nous que vous êtes à nos côtés, que vous n’allez pas nous laissez tomber!» dit-il  aux députés européens. Les parlementaires, debout, l’applaudissent à tout rompre. 

Le chef d’État Ukrainien a présenté la demande officielle d’adhésion de l’Ukraine à l’Union Européenne. Or ce n’est malheureusement pas si simple ! Le parlement européen en soutient le principe, mais « le sujet est difficile » rappelle Charles Michel, le président du Conseil européen, plus prudent que  la présidente de la Commission européenne, Ursula Van der Leyen, qui s’est laissée aller à l’émotion, la veille, dans un élan sincère : « Ils sont des nôtres, nous les voulons avec nous !» s’était-elle écriée.

Dans un climat atroce d’escalade militaire, les Européens, qui ne sont pas eux-mêmes en guerre, vont pourtant devoir négocier un cessez-le-feu pour l’Ukraine, une nation qui fait déjà partie – depuis mars 2014 – de l’espace de libre échange de l’Union. Pour pouvoir le faire, il leur faut  commencer par chercher à comprendre quels sont les griefs de chacun des belligérants. 

La Crimée, fixation de la crise

La guerre en Ukraine a commencé, voici huit ans, par l’annexion de la Crimée par l’Ogre Poutine qui répondait ainsi au choix par l’Ukraine de l’Europe de l’Ouest, une option stratégique qui a été largement à l’origine de l’actuel conflit. Encore faut-il de nouveau rappeler que des accords entre Poutine et l’Ukraine ont été ensuite négociés dans le cadre du fameux format Normandie (Allemagne, France, Russie et Ukraine). S’ils n’ont pas été respectés, ce n’est pas le fait de Vladimir Poutine.

La Fédération de Russie a dû suspendre alors, dès décembre 2015, l’adhésion de l’Ukraine à l‘Accord de libre-échange au sein de la Communauté des États indépendants, signé antérieurement (le 18 octobre 2011), entre la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie, l’Arménie, le Kirghizstan et le Kazakhstan. La Crimée valait bien l’échange, aussi amer fut-il.

 Pendant cinq ans, la situation est restée tendue à la frontière russo-ukrainienne ; les Accords de Minsk étaient branlants. La situation internationale était plus compliquée encore : le comportement particulier du président américain Donald Trump et la relation complexe qu’on lui prêtait avec la Russie n’arrangeaient pas les choses.

Un Joe Biden conciliant

Le fond du problème est que les Russes et les Américains détiennent à eux deux 90 % des armes nucléaires dans le monde. Moins d’une semaine après son investiture,  le président américain Joe Biden va heureusement jouer la carte du dialogue – les relations de Washington avec Moscou étaient des plus exécrables depuis la guerre froide. En fin Janvier 2021, le nouveau locataire de la Maison Blanche parvient à sauver in extremis le Traité de limitation des armes nucléaires « New START » et à signer sa prolongation pour 5 ans, comme l’a fait six jours avant lui  le chef du Kremlin. 

Les arsenaux des deux pays ont réduit leurs stocks de 30% par rapport à 2002. Cette accalmie a laissé en suspens nombre de questions vitales pour la plus grande frustration du Kremlin, qui donnera ensuite la priorité à la protection immédiate de ses frontières.

Au mois de février 2021 – à peine un mois après – l’UE et l’Ukraine entreprennent d’étendre le domaine d’activité de leur Accord d’Association de 2014, une initiative passée précautionneusement sous silence. Il y a là de quoi agacer sérieusement les Russes, d’autant plus que leurs cousins d’Ukraine ont subrepticement détourné le canal de Crimée du Nord, destiné à l’irrigation des basses terres de la mer Noire et à l’approvisionnement en eau de la Crimée. C’était peut-être de bonne guerre mais cela n’a rien arrangé !

Vladimir Poutine, héritier de Catherine II de Russie

L’obsession anti OTAN

Après l’Accord historique d’Association entre Bruxelles et Kiev (cause de la Révolution de Maïdan, il faut le rappeler), l’OTAN est devenu l’obsession de Vladimir Poutine et sa bête noire : on parle de déployer en Pologne des armes qui ne devraient pas l’être ! L’année 2021 est riche en rebondissements qui ne laissent pas d’agacer la Russie : débutée en février par le prolongement du traité « New START », elle se termine en Octobre, à Kiev, par le sommet annuel des dirigeants de l’UE, à l’occasion duquel le président Zelensky renforce sensiblement son Accord d’Association avec l’UE. En marge de ce sommet, l’UE et l’Ukraine concluent un Accord historique sur la création d’un espace aérien commun.

Voilà quinze longues années que Kiev espérait pouvoir bénéficier des mêmes avantages que tout autre membre de l’UE. La multiplication des échanges entre Ukrainiens et Européens allait être enfin assurée grâce à des liaisons aériennes sans la moindre restriction. Kiev se rapprochait radicalement de l’Europe : c’était afficher l’adultère !

En arrimant sa politique étrangère et sa sécurité à celles de l’Europe occidentale, Kiev se détachait inexorablement de sa famille slave. Vladimir Vladimirovitch Poutine, héritier de Catherine II de Russie, qui avait en 1783 annexé la Crimée pour l’appeler de son ancien nom de « Tauride » pouvait difficilement l’accepter. Dans ce jeu de rôle, il ne pouvait pas faire moins que d’exiger le retour de cette possession à la couronne, avec tous ses attributs d’origine, c’est-à-dire sa Mer privative d’Azov, l’eau du Dniepr et quelques millions de moujiks, ses serfs de toujours.

La démarche très diplomatique du président français

La main tendue de Macron

Ce n’est pas faire allégeance à l’Ogre Poutine que de raconter les faits comme ils se sont passés ! C’est pour ne pas lui faire stupidement offense et pour éviter qu’il n’aille plus loin dans ses revendications, qu’elles soient légitimes ou non. C’est sans doute ce qui a sous-tendu la démarche très diplomatique du président français, au nom de l’UE.

0 bien y réfléchir, on aurait pu retrouver un certain équilibre régional en remettant d’aplomb des pans entiers de l’Histoire récente depuis la fin de l’URSS.

Et cela, contrairement au spectacle dramatique auquel on assiste aujourd’hui, sans s’autodétruire mutuellement.

Vladimir Poutine est moins isolé qu’on veut le croire en Europe