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Les réunions de bailleurs de fonds sont des marchés de dupes

Organisées à grands frais et en grandes pompes, les tables rondes des bailleurs de fonds des pays africains sont devenues des foires à promesses non tenues. 

Une chronique de Francis Sahel

Le scénario est immuable : un pays africain réunit ses donateurs dans un endroit huppé, de préférence dans une capitale occidentale. Paris ou Bruxelles pour les francophones ; Londres pour les anglophones ; Lisbonne pour les lusophones. Après des échanges d’une journée ou deux, tout se conclut par des promesses mirobolantes.

On octroie 23 milliards de dollars au Niger et 17 milliards au Tchad !

Des chiffres qui donnent le tournis. Le Niger est reparti en décembre 2017 de sa table ronde organisée à Paris pour le financement de son Programme national de développement économique et social (PDES, 2017-2021) avec 23 milliards de dollars de promesses de financement. Le pays n’en demandait que 17 milliards.

Quelques mois plus tard, le Tchad avait obtenu en septembre 2017 à Paris toujours 17 milliards de dollars de promesses de financement de son Plan national de développement (PND 2017-2021). Les autorités tchadiennes n’en demandaient pas autant : elles avaient besoin de 10 milliards seulement.

Autre pays, mais même décor et même pluies de milliards de dollars: en 2018 le Sénégal avait obtenu à Paris 14 milliards de dollars de promesses de financement pour le second volet de son Plan Sénégal émergent qui ne coutait que 10 milliards.  

À vrai dire, ces tables rondes sont devenues des marchés de dupes qui arrangent tout le monde

Plus de quatre années après l’organisation de ces tables rondes des donateurs, au mieux quelques millions de dollars sont arrivés à Niamey, N’Djamena et Dakar. Le plus surprenant, c’est qu’on n’entend pas les Etats concernés hausser le ton pour dénoncer les promesses non tenues des bailleurs de fonds.

A vrai dire, ces tables rondes sont devenues des marchés de dupes qui arrangent tout le monde. Les délégations nationales généralement conduites par les chefs d’Etat, retournent triomphalement aux pays annoncer ses promesses des milliards qui viendront changer la vie des citoyens. Atterrir pour annoncer 23 milliards de dollars de financement au Niger, 17 milliards au Tchad, 14 milliards au Sénégal permet aux dirigeants de ces pays de vendre l’illusion d’un avenir meilleur à leurs concitoyens.  

 Les donateurs eux-aussi trouvent leur compte dans cette surenchère de promesses en se montrant plus généreux les uns que les autres. Ils savent que leurs promesses, qui ne sont assorties d’aucun échéancier, n’ont aucune valeur contraignante. Ni les bailleurs de fonds, ni les pays bénéficiaires de la générosité ne demandent la mise en place d’un mécanisme de suivi ou l’organisation de revues à mi-parcours pour s’assurer de la tenue des promesses.

Parfois, les bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires n’ont même pas la même lecture des promesses.  

Ces promesses de financement se substituent à « l’argent frais » qu’attendent les États. 

En effet, des engagements déjà en cours et des conversions de dettes sont comptabilisés dans ces promesses de financement par certains donateurs là où les Etats africains attendaient de « l’argent frais ».  

Il y a peu de chances que ces grand-messes sans aucun impact sur le développement des pays africains s’arrêtent définitivement. Elles reprendront certainement dans les capitales occidentales après les limitations de voyage imposées par la pandémie de Covid-19. 

Francis Sahel  

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