L’accord entre Paris et Ryad pour créer une caisse commune à but humanitaire de plusieurs dizaines de millions d’euros en faveur du Liban sera signé, ce mardi, dans un grand hotel de Beyrouth. Un signe, parmi d’autres ,que le prince héritier Mohammed Bin Salmane, dit MBS, compte bien peser sur l’issue des élections législatives libanaises du 15 mai
Les fonds humanitaires affectés par la France et l’Arabie Saoudite au Liban s’élèveront-ils à 35 millions de dollars ou bien au double, soit 70 millions? Les régions chiites du Liban Sud seront-elles également concernées par cette aide conjointe, alors que la prince héritier séoudien, MBS, est en guerre contre l’Iran et ses alliés libanais du Hezbollah? Peu d’informations ont filtré sur la teneur de cet accord, qui a été préparé dans une grande discrétion lors de la visite du conseiller diplomatique de MBS à Paris.
Cet homme discret rencontrait, outre le patron des services français, Bernard Émié, et les conseillers diplomatiques de l’Elysée, deux représentants de la communauté sunnite libanaise: un ancien Premier ministre et un ex ministre de la Justice et qui plus est candidat à Tripoll, le fief du sunnisme au Nord du pays, lors des élections législatives à venir. Dans la foulée, l’ambassadrice française au Liban, Anne Grillo, effectuait dans la foulée une visite à Ryad pour cadrer l’arrivée des fonds (1).
L’Arabie Saoudite méfiante
Lors du voyage qu »Emmanuel Macron a effectué cet automne dans le Golfe, le dernier déplacement à l’étranger du quinquennat, MBS lui avait confirmé que son pays boudait le Liban tant que celui ci se montrait incapable de limiterl ‘influence du Hezbollah pro iranien. La violente fâcherie du Prince héritier MBS avec le chef des sunnite libanais jusqu’à récemment, Saad Hariri, l’héritier de son père, n’avait guère apaisé le climat. Ultime contentieux et non des moindres, les Séoudiens en voulaient aussi à leurs amis libanais d’utiliser leurs aides à des fins très personnelles plus que pour aider un peuple en voie de paupérisation
L’ambassadeur séoudien à Beyrouth, Walid Boukhari, avait d’ailleurs été rappelé à Ryad après une déclaration hostile d’un ministre libanais. S’il est revenu sur place mi Avril c’est pour veiller à ce que les élections du 15 mai soient les plus favorables possibles aux amis politiques que le Royaume compte encore au pays du Cèdre. « Une fois de plus, le Royaume saoudien prouve, par le retour de son ambassadeur , que le Liban est dans son cœur et son esprit, et qu’il ne le quittera jamais », a écrit le ministre libanais de l’Intérieur Bassam Maoulaoui sur Twitter avant d’ajouter à l’adresse de M. Boukhari : « Bienvenue au sein de vos proches fidèles à l’arabisme ».
La caisse commune en faveur des ONG libanaises créée par Paris et par Ryad permet à MBS de revenir plus fort sur la scène libanaise. C’est qu’il le fait en compagnie d’un des principaux partenaires et amis du pays du Liban, qu’est encore la France d’Emmanuel Macronfort de son deuxième mandat.
Ces radins de Français
Dans cet arrangement inédit qui fait de Paris une sorte de caution pour un régime séoudien en mal de reconnaissance, la France en retire un avantage certain: Les Français géreront ces fonds, mais ce sont les Séoudiens qui règleront l’addition. Au début du nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron, l’heure est aux économies.
Seul souci, la politique d’Emmanuel Macron au Liban tend la main à toutes les communautés « en même temps ». Est ce vraiment pertinent? Rien n’est moins sur. Lors de son premier voyage au Liban après l’explosion du Port, le 4 aout 2020, Emmanuel Macron tentait une alliance avec le Hezbollah pour imposer, sans succès finalement, un Premier ministre qu’il avait hoisi avec la chancelière allemande de l’époque, Angela Merkel. Le voici maintenant qui revient sur le ring libanais, mais cette fois après un accord humanitaire avec les Séoudiens. Avec une assurance constante, le président français revendique ces rapprochements successifs, sans passer par des canaux diplomatiques plus discrets.
À force d’être l’amie de tout le monde tout en donnant des leçons à la terre entière, la diplomatie française devient indéchiffrable
(1) Mondafrique n’a pas cherché à joindre l’ambassadrice de France qui au printemps dernier n’avait pas pris la peine, pas plus que le service de presse, de répondre à nos demandes d’entretien.