Abdelmadjid Tebboune coincé entre l’Algérie et les Emirats Arabes Unis

Abu Dhabi avait  ouvert à la fin de 2020 un consulat au Sahara Occidental, où il ne compte aucun ressortissant, pour signifier clairement à Alger qu’ils ne sont plus définitivement dans le même camp. Les Emirats et l’Algérie vivaient une lune de miel à l’époque du défunt Ahmed Gaid Salah, chef de l’armée algérienne. Mais depuis l’arrivée  d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir et ses compromis avec le lobby truc, les relations ont été totalement sabotées et dérivent vers une dangereuse guerre froide.

Un article de notre partenaire  The North Africa Journal

Alors que des désaccords sur la manière de traiter les  du Mali ont peut-être été le dernier catalyseur de cette crise, l’Algérie travaille à réduire la présence des Émirats arabes unis dans l’industrie algérienne, en commençant par le ministère de la Justice ordonnant la suspension des contrats liant la United Tobacco Company à la Société algérienne des tabacs émiratie. En envoyant son ordre aux notaires impliqués dans la rédaction des contrats, le ministère de la Justice a déclaré que sa décision était « une mesure préventive, destinée à mettre fin à toutes les opérations suspectes ».

Hésitations présidentielles

Bien que le président algérien Abdelmadjid Tebboune reste hésitant à aborder la question des Émirats arabes unis, il est soumis à une pression intense pour rompre avec la nation du Golfe, qui a été accusée par ses détracteurs de s’immiscer dans la politique algérienne et de soutenir des groupes au Maghreb et au Sahel qui s’opposent aux politiques et à l’agenda de l’Algérie dans la région. Trois domaines où l’Algérie estime être contrecarrée par les Émirats arabes unis sont le soutien qu’ils apportent au seigneur de guerre libyen Khalifa Haftar, le soutien au Maroc et les efforts pour nuire aux relations entre le Mali et l’Algérie, avec la récente fin de l’Accord d’Alger annoncé par Bamako, vu par Alger comme une influence directe des Émirats arabes unis.

Les investissements émiratis en question

Étant donné l’approche présumée prudente du président Tebboune pour traiter avec les Émirats arabes unis, et afin de contourner l’utilisation directe d’arguments politiques, les autorités algériennes ont dû utiliser les termes des contrats où il y avait des violations apparentes et présumées. Dans ce cas, l’instruction du ministère de la Justice suit des plaintes des autorités algériennes contre le côté émirati pour non-respect d’un accord commercial signé en 2005.

Selon ces dernières, les Émiratis devaient augmenter la capacité de production de la société de tabac et faire de l’Algérie un exportateur vers l’Europe et l’Afrique. Bien que cet argument soit faible, les Algériens affirment que « ces engagements n’ont jamais été respectés, suscitant même des soupçons de détournement possible de millions de dollars et du secteur du tabac, avec des pertes s’élevant à des milliards pour l’Algérie sur plus de deux décennies. »

Les médias algériens disent également qu’en 2008 déja, les investissements émiratis en Algérie étaient censés dépasser 50 milliards de dollars au cours des cinq années suivantes, citant des déclarations du ministre émirati de l’Économie de l’époque, Soltane Ben Saeed Al Mansur. « Mais jusqu’à présent, ils n’ont atteint que 5 milliards de dollars. »

Tensions entre Tebounne et MBZ

Les relations entre l’Algérie et les Émirats arabes unis ont commencé à rencontrer des vents contraires depuis que feu le président Bouteflika a été renversé et remplacé par Tebboune. En juin 2023, une campagne médiatique en Algérie a été déclenchée contre les Émirats arabes unis, commençant par la fausse nouvelle de l’expulsion de l’ambassadeur émirati à Alger. Le journaliste Abdou Semmar d’Algérie Part a alors rapporté que le président algérien Abdelmadjid Tebboune voulait apaiser les tensions avec une visite proposée à Abu Dhabi, avec qui il entretenait des relations tendues depuis qu’il est devenu président. Mais la visite officielle proposée aurait été invalidée par Mohammed bin Zayed Al Nahyan, le président des Émirats arabes unis, qui aurait refusé de saluer formellement Tebboune. Le président algérien n’a finalement été invité qu’à « se reposer » à Abu Dhabi en chemin vers la Chine.

« l’Algérie a demandé à l’ambassadeur des Émirats de quitter son territoire »

 Cette décision, selon Semmar, a été perçue par les Algériens comme du mépris pour l’ensemble de l’Algérie. Et c’est à la suite de cet épisode diplomatique, considéré comme offensant par Alger, que le déchaînement médiatique sans précédent contre les Émirats a été organisé par des groupes de pression en Algérie. Le mardi 20 juin 2023, la chaîne algérienne Ennahar a annoncé que « l’Algérie a demandé à l’ambassadeur des Émirats de quitter son territoire. Il lui a été donné 48 heures. Cette décision d’expulsion fait suite à l’arrestation de quatre ressortissants émiratis qui espionnaient pour le compte de l’agence de renseignement israélienne Mossad. »

Le lendemain, le président algérien Abdelmajid Tebboune a limogé son ministre de la Communication après que les autorités ont rejeté toutes les allégations médiatiques. Le communiqué annonçant le limogeage n’a pas expliqué les raisons de la décision. Bien que ces événements de l’année dernière aient peut-être empêché une crise diplomatique dramatique avec les Émirats arabes unis grâce à une action rapide de la présidence algérienne, le drame entre les deux pays persiste, notamment en ce qui concerne le prétendu soutien militaire et financier des Émirats arabes unis au Maroc, son ingérence de plus en plus envahissante en Tunisie et le prétendu lobbying des Émirats en Mauritanie pour que le pays normalise ses relations avec Israël.

Regain de pression

La version 2024 de ces événements est la pression continue et croissante sur le président Tebboune, cette fois-ci présumée par les plus hautes autorités militaires. Diverses sources, dont Abdou Semmar, affirment que les chefs de l’armée algérienne ont exercé des pressions sur Tebboune pour qu’il prenne des mesures décisives pour rompre les liens avec les Émirats arabes unis. Pour ce faire, ils ont même sollicité l’aide de personnalités de partis d’opposition pour faire des déclarations publiques directes attaquant les Émirats arabes unis comme voulant saper l’Algérie.

En Algérie, la manière d’aborder les Émirats arabes unis est un gros problème. Tebboune reconnaît que les Émirats arabes unis ne sont pas seulement un petit acteur régional, mais un influenceur mondial majeur. Il n’est pas enthousiaste à l’idée de rompre les liens de manière aussi abrupte, mais ceux qui recherchent un divorce sont forts sur la scène de la propagande et sont susceptibles de maintenir la pression. De l’autre côté, les Émirats arabes unis sont également susceptibles de subir leur propre pression. Plusieurs groupes ont beaucoup à gagner à voir les tensions entre les deux éclater, et donc les chances pour l’Algérie et les Émirats arabes unis de rester en bons termes sont de plus en plus compromises.

 

 

 

1 COMMENTAIRE

  1. Il ne faut pas chercher trop loin, l’Algérie a fait du Maroc son ennemi stratégique, elle se ruinent depuis cinquante ans pour contrer le Maroc (un budget de la défense irrationnel). Va savoir pourquoi cette haine, étant donné que ce pays profite des frontières qu’un autre des ses « ennemi » lui a gracieusement offertes au détriment de ses voisins, dont la Maroc. De ce fait, tout pays pro-marocain est de facto ennemi de l’Algérie.
    Sauf que les autres pays ne vont pas couper avec le Maroc pour les beaux yeux de l’Algérie.
    Etonnants aussi ces revers dans sa politique africaine, maintenant qu’elle ne plus compter sur son fans club des anciens pays « progressistes » qui étaient des inconditionnels de sa politique.
    J’ai mis les guillemets à ennemi concernant concernant la France parce que l’Algérie est consciente de ce qu’elle lui doit (2 millions de km2 en plus).

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