Les ambiguités des Saoudiens face au Hamas palestinien

Le président iranien Massoud Pezeshkian, qui avait été vivement félicité par MBS, le prince héritier d’Arabie Saoudite lors de son élection en juillet, est parvenu à convaincre ce dernier de condamner Israel après l’assassinat survenu à Téhéran lors de son intronisation d’Ismaël Haniyeh, le chef politique du mouvement palestinien.

Lors d’une réunion de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) le 7 août dernier, le vice-ministre saoudien des Affaires étrangères, Walid ben Abdelkarim El-Khereiji, a en effet qualifié l’assassinat du chef du Hama s de « violation flagrante de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de la sécurité nationale de la République islamique d’Iran (…) ». Selon lui, cette attaque constitue « une menace pour la paix et la sécurité régionales ». 

Une telle prise de position n’avait rien d’évident compte tenu des très mauvaises relations des Séoudiens avec les dirigeants du Hamas dont plusieurs dizaines sont emprisonnés encore en Arable Saoudite.

Mais deux facteurs ont certainement joué pour expliquer un tel retournement diplomatique. Premier facteur d’explication, le régime séoudien, comme nous l’expliquons dans l’article ci dessous, a toujours maintenu certaines passerelles de dialogue avec le mouvement armé palestinien. Contrairement aux Émiratis et aux Marocains, le Royaume wahhabite n’a pas reconnu pour l’instant l’État d’Israel tant que la question palestinienne, expliquait-on ces derniers mois à Riyad, ne connaitra pas un début de solution.

Deuxième évolution à prendre en compte, Séoudiens et Iraniens sont très attentifs à consolider ces relations désormais apaisées depuis que la diplomatie chinoise est parvenue, en avril dernier, à réconcilier les deux frères ennemis sunnite et chiite grace à une rencontre au sommet à Pékin de leurs ministres des Affaires étrangères respectifs.. 

 

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Le Royaume d’Arabie Saoudite qui traditionnellement considère le mouvement des Frères Musulmans comme une organisation terroriste n’ a guère d’indulgence pour le Hamas. MBS considère le mouvement palestinien comme une partie intégrante des Frères musulmans couvés par le Qatar, ce frère ennemi. De plus, les relations étroites entre le Hamas et l’Iran, notamment via l’aile militaire d’Yahya al-Sinwar, chef du Hamas à Gaza en plein accord avec les Gardiens de la révolution iraniens, ne sont pas de nature à plaider pour le moindre rapprochement

« Les accords d’Abraham », une opportunité

En 2019, les relations entre l’Arabie saoudite et le Hamas ont atteint leur pire stade.L’arrestation du leader du mouvement et ancien représentant dans le Royaume, Muhammad al-Khudari, et de son fils, dans le cadre d’une campagne visant des dizaines de palestiniens, dont certains possèdent la nationalité jordanienne, fut l’illustration de cette hostilité grandissante.

Des peines de prison ont été prononcées à leur encontre. C ‘est ainsi qu’en août 2021, la Cour pénale saoudienne a condamné Al-Khudari à 15 ans de prison pour soutien à la résistance, dans le cadre de jugements qui ont touché 69 Jordaniens et Palestiniens, allant de l’acquittement à 22 ans de prison.

Mais c’est à l’automne 2020 qu’interviennent les Accords d’Abraham qui avaient pour objectif de remodeler totalement, sous l’ombrelle américaine, la carte du Moyen Orient.Le principe de ces accords historiques de paix signés par le Maroc, les Émirats arabes unis le Soudan et Bahreim et qui devaient s’élargir à l’Arabie Saoudite était de favoriser la montée en puissance des relations commerciales entre les pays de la région avec l’espoir d’un développement économique fort et du coup d’une stabilisation politique. Si le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre n’avait pas eu lieu, Israël aurait été en paix avec ses voisins, l’Iran relativement marginalisé et le Moyen Orient en voie d’apaisement. 

Est ce un hasard? Dans le climat optimiste marqué la signature des accords d’Abraham, la Cour d’appel saoudienne a réduit un an plus tard, en décembre 2021, la peine d’emprisonnement d’Al-Khudari à trois ans. En octobre 2022, le Hamas a annoncé que l’Arabie saoudite avait libéré Al-Khudari et son fils avant son arrivée en Turquie. 

MBS à la manoeuvre

Mousa Abu Marzouk, le responsable du Hamas, rencontre les Séoudiens en avril dernier
Nouvelle étape du remodelage du Moyen Orient au printemps 2023, le rapprochement de l’Arabie Saoudite avec l’Iran, orchestré par Pékin, qui en a surpris plus d’un, voit la diplomatie séoudienne opérer un tournant spectaculaire. Le prince héritier prend langue avec les alliés de Pékin au Liban comme en Palestine.
 
C’est l’époque à Beyrouth où le puissant ambassadeur séoudien rencontre des représentants du Hezbollah, le mouvement chiite proche de Téhéran. Le message est clair: le Royaume ne soutiendra aucun candidat pour la présidentielle libanaise en cours, les gâteries traditionnellement dispensées lors des élections libanaises ne le seront plus. MBS souhaite devenir le parrain de la région toute entière et non un simple recours pour une communauté sunnite libanaise dont les appétits financiers sont sans limite et dont l’ex chef, Saad Hariri, l’aura totalement déçu.

Autre surprise en avril 2023, les hauts responsables saoudiens organisent une rencontre avec les dirigeants du Hamas. Aucune rencontre de ce type n’avait eu lieu depuis 2007.Le rétablissement de passerelles entre le Hamas soutenu par l’Iran et le royaume saoudien isolait le Premier ministre israélien dans sa négation du problème palestinien. Dans le cadre de ces pourparlers, les responsables du Hamas espèraient libérer des dizaines de prisonniers palestiniens détenus en Arabie saoudite. 

« Nous recherchons des relations avec toutes les forces de la région et du monde, et nous n’avons d’inimitié envers personne, à l’exception de l’ennemi sioniste », a tweeté Moussa Abu Marzouk, le responsable du Hamas réfugié à Doha qui participera à la réunion. Depuis le massacre du 7 octobre, le même Abu Marzouk devait déclarer qu’aucun des membres non militaires du groupe terroriste n’avait eu connaissance des détails ni du timing de l’attaque sanglante contre Israël.

MBS à nouveau à la manoeuvre

Dès la fin du mois d’octobre 2023, le président américain Joe Biden et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane ont convenu de « reprendre » les négociations menées sous les auspices des États-Unis pour normaliser les relations entre Israël et l’Arabie saoudite avant le déclenchement de la guerre de Gaza, a déclaré la Maison Blanche après un entretien des deux dirigeants, mardi.

Selon un communiqué de la Maison Blanche, Biden et ben Salmane « ont affirmé l’importance d’œuvrer pour une paix durable entre Israéliens et Palestiniens dès que la crise se sera apaisée, en s’appuyant sur le travail fait entre l’Arabie saoudite et les États-Unis ces derniers mois ».

Les responsables de l’administration Biden ont reconnu que l’effort de normalisation n’était plus la priorité du moment pour les États-Unis et Israël, absorbés par la riposte à l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier. La Maison Blanche a malgré tout tenu à dire qu’elle était toujours mobilisée sur la question, suggérant que le désir de saboter ces négociations était peut-être l’une des raisons du massacre perpétré par le Hamas.

Un champ de mines

Dans la foulée, MBS a réuni, en novembre dernier, un grand sommet arabe. Le dirigeant séoudien tente d’esquisser les contours d' »un après Gaza » dégagé de la tutelle occidentale, tout en cherchant des compromis sur la question palestinienne avec le gouvernement israélien. Entre les pressions des Émiratis et les oukases des Algériens, MBS tente de naviguer pour rester l’homme clé de la recomposition politique de la région.

Reste qu’avec l’escalade de la guerre à Gaza, des militants palestiniens ont lancé un hashtag intitulé « Détenus du Hamas en Arabie Saoudite » pour exiger leur libération. Pour l’instant, le Royaume séoudien, sans leur donner satisfaction, aide massivement sur le plan humanitaire les Palestiniens de Gaza dont on sait qu’ils font encore  pour beaucoup confiance au Hamas.

Une façon pour MBS qui connait le langage de l’argent d’avancer ses pions dans ce qui est devenu un champ de mines

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)

2 Commentaires

  1. Et Israël qui massacre le peuple palestinien depuis la 1936 à leurs tête les terroristes de la Hagana….??
    Mer Beau ,
    Vous êtes un grands sioniste….c ‘est Malheureux pour ses français qui devient plus juives sionistes que les juives eux même .
    Quel Honte.

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