Aux Etats-Unis d’Amérique, le président Trump et son Administration s’appuient ouvertement et sans retenue sur les Églises évangéliques, notamment Pentecôtistes, qui lui fournissent d’importants bataillons d’électeurs. et représentent un accès privilégié vers l’Afrique centrale
Cet électorat populaire, sensible aux discours primaires et plutôt défavorisé par la nouvelle économie, se réfugie avec une foi inébranlable dans un christianisme de combat contre les » forces du mal ». Parmi ces chrétiens fondamentalistes, il y a de nombreux Afro–Américains, généralement originaires d’Afrique centrale, dont la ferveur est popularisée par les Gospels et les sermons interminables de pasteurs qui électrisent les foules de fidèles. Le président Trump a vite saisi tout l’avantage qu’il pourrait tirer en Afrique de ce renouveau religieux messianique.
L’ intérêt de la diplomatie américaine
La diplomatie américaine encourage l’osmose entre ces Églises évangéliques américaines et leurs homologues africaines pour en faire un vecteur de leur politique d’influence dans certains pays où l’État est en décomposition et où les populations sont de plus en plus laissées à elles-mêmes, comme en RDC, au Burundi, au Congo, au Gabon et surtout en Centrafrique.
En ces terres, où le christianisme s’est développé sur un fond d’animisme ambiant, l’islam n’irradie pas la société comme en Afrique de l’ouest. Le Département d’État trouve donc là une carte politique bien plus efficace que les ONG internationales de défense des droits de l’homme ou de lutte contre la corruption, non seulement pour contrer les offensives économico-financières de la Chine et davantage politiques de la Russie, mais aussi pour se rapprocher de chefs d’Etat et de leur entourage qui avaient pourtant pris leur distance avec les pratiques démocratiques et l’Etat de droit. Le retour des Etats-Unis d’Amérique en Afrique centrale passe aussi par la religion.
Les atouts des Églises américaines
Depuis plusieurs décennies, les Églises américaines pentecôtistes ont noué des liens fraternels avec les Églises dite du réveil d’Afrique. Ces Églises du courant baptiste sont en plein essor, sur les terres jadis christianisées par des pasteurs européens ou évangélisées par des missionnaires catholiques venus de l’étranger. Les » envoyés de Dieu » de ces Églises américaines ne manquent pas de rappeler à leurs ouailles africaines qu’il était temps de consolider l’indépendance religieuse, en mettant un terme au clergé non national qui était encore trop lié à la période coloniale. L’Église catholique romaine est surtout en ligne de mire.
De surcroît, par ses prélats, l’Église catholique n’hésite pas à condamner les dérives antidémocratiques des régimes autocratiques, ce qui est très rarement le cas des Eglises évangéliques qui se sont glissées dans cet environnement politique de plus en plus éloigné du droit et de la démocratie. Les Églises évangéliques prônent le salut personnel par la prière, le mysticisme, les exercices de contrition physique. Elles encouragent la réussite financière et l’accumulation de richesses qui est » un don de Dieu », ce qui n’est pas pour déplaire aux prédateurs et corrompus et, en particulier, aux chefs de l’Etat qui ont vu tout l’intérêt de rejoindre ces Églises du réveil et au-delà le soutien qu’ils pourraient attendre des Églises évangéliques américaines, influentes près de l’Administration de Trump.
La religion au service de la politique
En Afrique centrale, les politiciens ont vite compris l’intérêt qu’ils pourraient avoir en devenant pasteur ou diacre d’une Église qui serait à leur dévotion. Après tant de malheurs subis, les populations s’en remettent à Dieu pour obtenir la résolution de tous leurs problèmes. On ne s’étonnera donc pas de voir de nombreux hauts fonctionnaires, de parlementaires, des ministres et même des chefs de l’État s’investir dans un christianisme aux couleurs locales pour jouer aux intercesseurs auprès de Dieu. Ce faisant, les mécontentements grandissants pourront être anesthésiés et de nouvelles sources de revenus pourront être développées. Ces Églises seront aussi un vivier électoral irremplaçable, alors que les partis politiques sont largement discrédités.
L’exemple centrafricain
En Centrafrique, le général-président François Bozizé avait bien compris l’intérêt électoral qu’il pouvait tirer de son Église » du christianisme céleste- Nouvelle Jérusalem » mais, contrairement à son successeur, il n’avait pas vu l’aspect international des liens évangéliques dont il aurait pu tirer avantage avec les Églises américaines. Tout en se mettant sous la protection de la Russie et du groupe Wagner, le président Touadera a réussi à obtenir les bonnes grâces du Département d’État, par l’intermédiaire des Églises d’obédience baptiste américaines. Lui-même diacre, il participe aux offices banguissois, plein de ferveur mystique, en mettant de côté sa fonction de chef d’un Etat laïc. Il s’entoure de pasteurs qui lui servent plus ou moins d’oracles et ponctue, de plus en plus, ses discours de chef de l’Etat par des références à Dieu. A chaque séjour aux États-Unis d’Amérique, il ne manque pas de faire fructifier les liens avec l’Alliance internationale baptiste, ce qui facilite ses contacts avec le Département d’État. Lors de sa dernière tournée en Afrique, le Sous Sous-secrétaire d’État pour l’Afrique, Tibor Nagy, avait fait une escale de deux jours à Bangui afin de prodiguer des encouragements pour la tenue d’élections fin décembre 2020, sans s’appesantir sur la situation catastrophique du pays. Une nouvelle ambassadrice US a été nommée. Elle fait preuve de bonnes dispositions à l’égard du président Touadera, notamment en présidant le G5 Centrafrique, en apportant un soutien financier et technique conséquent, via l’Usaid, pour lutter contre le Covid-19 et les échéances électorales, pourtant de plus en plus improbables en 2020. La pression des Églises évangéliques américaines pour aider » un élu de Dieu », fut-il polygame, n’est peut-être pas étrangère à ce regain d’attention du Département d’État pour un pays ou les États-Unis d’Amérique n’ont aucun intérêt.
L’absence de soutien aux positions catholiques
Dans plusieurs États, où elle est bien implantée, l’Église catholique est beaucoup moins accommodante que les Églises évangéliques dont les pasteurs sont souvent des relais du pouvoir. L’Église catholique, par son centralisme, son universalisme et par son organisation hiérarchique, avec ses prêtres répartis sur l’ensemble du territoire, ses évêques dirigeant des diocèses, ses cardinaux, directement reliés au Pape, et les nonces apostoliques, ambassadeur du Saint-Siège, constitue une sorte d’État dans l’État. Alors que les Églises évangéliques interviennent rarement contre les pouvoirs établis, les admonestations des cardinaux et évêques à l’égard des Chefs de l’Etat ne manquent pas.
Citons les derniers exemples :
En RDC, les cardinaux, Laurent Monsengwo et Fridolin Ambogo étaient les plus virulents détracteurs de Joseph Kabila. Ils ont également dénoncé l’élection suspecte de Félix Tshisekedi, mais celle-ci, en revanche, fut curieusement très vite validée par les États-Unis d’Amérique.
En Côte d’Ivoire, le cardinal d’Abidjan, Jean-Pierre Kutwa n’hésita pas à faire remarquer à Alassane Drame Ouattara qu’un troisième mandat présidentiel « n’était pas nécessaire ».
Au Togo, la Conférence épiscopale du Togo a stigmatisé le manque de transparence, d’équité, de crédibilité de la quatrième réélection de Faure Gnassimgbé. L’ancien archevêque de Lome vit quasiment en liberté surveillée.
En Centrafrique, le cardinal Dieudonné Nzapalainga s’associe, de moins en moins, à la plateforme religieuse, initialement constituée avec un pasteur et un imam, pour stigmatiser les violences des groupes armés et mettre en cause l’inertie du président Touadera. Que ce soit en RDC, en Côte d’Ivoire, au Togo et en Centrafrique, on ne verra pas la diplomatie de Donald Trump soutenir ces positions de l’Église catholique.
Dans la plupart des États d’Afrique centrale avec la disparition de l’Etat de droit, l’effondrement du système scolaire, les mirages de la démocratie que constituent les élections, les crises se succédant aux crises accélérant la décomposition de l’Etat, la résilience atteint ses limites. Dans de nombreuses parties de l’Afrique, l’islam dans sa diversité apporte ses solutions. Dans les régions christianisées, la religion catholique marque le pas face aux Eglises évangéliques qui offrent une adaptabilité incontestable au contexte africain. Les Etats-Unis d’Amérique ont bien vu tous les avantages qu’ils avaient sur les autres Puissances pour accompagner voire diriger l’essor de ces Églises du réveil.