L’armée israélienne a affirmé jeudi avoir “éliminé” le chef du Hamas Yahya Sinouar lors d’une opération dans la bande de Gaza.
Sinouar, également connu sous le nom d’Abu Ibrahim, est né le 29 octobre 1962 à Khan Younès. Longtemps inconnu du grand public, il s’est fait connaître pour son rôle présumé dans les événements du 7 octobre, qu’il aurait orchestrés. Âgé de 61 ans et chef depuis 2017 du mouvement à Gaza, il a été nommé chef politique du Hamas après la mort d’Ismaïl Haniyeh tué à Téhéran le 31 juillet dans une attaque imputée à Israël.
Sinouar est un vétéran du Hamas, ayant dirigé le service de renseignement du groupe à la fin des années 1980. Il a été impliqué dans de nombreuses actions contre Israël, y compris l’enlèvement et l’assassinat de plusieurs Israéliens et Palestiniens soupçonnés de collaboration avec l’État hébreu. En 1987, la première Intifada (le soulèvement contre l’occupation israélienne) éclate dans un camp de réfugiés du nord de la bande de Gaza. Lui qui est né à Khan Younès, un camp du sud du territoire, rejoint le Hamas tout juste fondé. À 25 ans, il dirige déjà l’Organisation du Jihad et de la prédication, l’unité de renseignement du Hamas qui punit les « collaborateurs », ces Palestiniens châtiés pour intelligence avec l’ennemi israélien.En 1988, il fonde Majd, le service de sécurité intérieure du Hamas.
Incarcéré en 1989, il s’impose en leader des prisonniers. Condamné plusieurs fois à la perpétuité, il sort en 2011 avec un millier de détenus libérés par Israël, en échange du soldat Gilad Shalit, otage du Hamas pendant cinq ans. Il avait été condamné par la justice israélienne pour l’assassinat d’une douzaine de personnes. Pendant son incarcération, il a souffert de problèmes de santé graves, mais a été libéré en 2011 dans le cadre d’un échange de prisonniers.
Une stratégie radicale
Depuis sa libération, il a réintégré les rangs du Hamas, devenant le chef de la bande de Gaza en 2017. Il impulse une stratégie « radicale sur le plan militaire et pragmatique en politique ».
« C’est quelqu’un dont le Hamas sait qu’il est totalement intransigeant », ajoute Tahani Mustafa de l’International Crisis Group (ICG) tout en insistant sur le fait que le mouvement « veut toujours un cessez-le-feu ».
Les médias israéliens ont publié des extraits de ses interrogatoires. Il y raconte avoir enlevé un traître, conduit au cimetière de Khan Younès: « Je l’ai mis dans une tombe et étranglé avec un keffieh (…) il savait qu’il méritait de mourir ». Placé sur la liste américaine des « terroristes internationaux », il fait l’objet de multiples tentatives d’assassinat.
Souvent décrit comme un « faucon », Sinouar incarne l’aile la plus dure du Hamas, contrastant avec l’approche plus modérée de son prédécesseur, Ismaïl Haniyé. Alors que la direction politique du Hamas est principalement basée au Qatar, Sinouar exerce une influence considérable en dirigeant de facto la bande de Gaza.
Coûte que coûte, il entend forcer Israël et le monde à s’intéresser au sort des Palestiniens. La stratégie de la respectabilité des « politiques » du Hamas échoue: il choisira la violence.
La politique du pire
Sur fond de désintérêt mondial pour la cause palestinienne et d’une normalisation naissante des relations entre des États arabes et Israël, Sinouar pousse en 2018-19 pour les « Marches du retour ». Les affrontements le long de la barrière de séparation avec Israël font près de 300 morts à Gaza, en prélude à l’opération « Inondation d’Al-Aqsa » du 7 octobre 2023.
Sur le front des négociations, Yahya Sinouar a fait preuve de fermeté. Selon des sources médiatiques israéliennes, il a présenté plusieurs exigences pour un éventuel cessez-le-feu avec Israël, y compris une cessation immédiate des hostilités sans conditions, l’opposition à l’exil forcé de certains prisonniers palestiniens et des clarifications sur les matériaux autorisés pour la reconstruction à Gaza, en particulier ceux nécessaires à l’infrastructure militaire.
Sur le plan politique, il prône une direction palestinienne unie pour tous les Territoires occupés: la bande de Gaza, tenue par le Hamas, la Cisjordanie, administrée par le Fatah de Mahmoud Abbas, et Jérusalem-Est.