Le retournement de l’action du Niger en matière de migrants

A pick-up truck carrying migrants in its cargo bed rides in Agadez on June 1, 2015, en route to Libya, as the migrants attempt to reach Europe. The passengers hold on to sticks attached to the truck, to not fall off while riding in the desert. AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO / AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO

Le 26 mai 2015, le Niger adopta la loi 2015-36 criminalisant la migration africaine qui empruntait la route d’Agadez. Une sorte d’approche sécuritaire initiée avec le concours de l’Union européenne afin de freiner la migration irrégulière vers l’Europe. Ce à quoi la junte militaire qui depuis 2023 dirige le pays a mis fin

De 2016 au 25 novembre 2023, le Niger aurait bloqué environ 95 200 migrants, en particulier à Assamaka, petite ville désert, région d’Agadez, à proximité de la frontière algérienne.  Au lendemain du sommet euro-africain de La Valette,  Malte, (11 et 12 novembre 2015), et alors que l’UE traversait une grave crise migratoire, Niamey reçut d’importants financements pour contrôler les flux et réduire le nombre de migrants irréguliers.

La collaboration se déroulait si bien que les deux partenaires décidèrent de ‘’ passer à la vitesse supérieure’’, en signant un partenariat opérationnel pour combattre le trafic, le 18 juillet 2022. Ce nouvel acte devait permettre au Niger d’améliorer l’impact de l’équipe d’enquête conjointe établie dans le cadre de la mission civile européenne (EUCAP) Sahel-Niger.

2023, un virage à 180 degrés

Cette belle entente vola en éclats avec le coup d’État militaire du 26 juillet 2023. Suite à cet événement, le chef de la diplomatie européenne d’alors, Josep Borell, annonça la suspension totale des activités et des programmes mis en place avec les autorités nigériennes, y compris celles liées au contrôle des frontières. L’UE a décidé d’autres sanctions dont certaines ciblant les auteurs et co-auteurs du putsch. En réaction, les nouvelles autorités abrogent la loi anti-passeurs, le 26 novembre 2023, ouvrant la voie au retour des migrations irrégulières. Le Niger a cessé d’être la frontière sud de l’Europe. La migration irrégulière au Niger cesse d’y être un crime. Conséquence : en application de ladite loi, les passeurs qui se trouvent derrière les barreaux, retrouvent  la liberté et leur emprisonnement ne sera pas notifié dans leur casier judiciaire, comme si la loi n’avait jamais existé. Il ne prendra plus de dispositions pour interdire aux migrants, en transit sur son territoire, de converger vers l’Europe, via la Libye ou l’Algérie.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)