L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a annoncé, mardi 24 septembre, avoir décidé de lever la suspension de la Guinée qui pourra participer à son 19e sommet, les 4 et 5 octobre à Villers-Cotterêts (France). La Guinée avait été suspendue de l’organisation après le coup d’Etat perpétré en septembre 2021 par le général Mamadi Doumbouya. Ce putsch constituait « une rupture de la démocratie et de l’ordre constitutionnel », selon la décision alors prise par l’organisation.
Cette décision assortie d’arguments spécieux est la caricature d’une politique à géométrie variable tant décriée en Afrique. Ce n’est pas avec un tel verdict que la France et l’OIF redoreront leur image déjà bien ternie sur le Continent. Et ce d’autant que le pays dirigé par Mamadi Doumbouya s’éloigne jour après jour de l’Etat de droit.
Comme tous les pays ayant connu des putschs, la Guinée Conakry a été suspendue des instances de l’OIF après le coup d’Etat de septembre 2021 perpétré par Mamadi Doumbouya. Cet Etat étant toujours dirigé par une junte, qu’elles sont donc les raisons qui ont conduit cette organisation à la « levée totale de la suspension de la Guinée » ? Selon le communiqué de l’OIF, cette décision « s’inscrit dans le cadre d’un nouveau mécanisme de suivi et d’évaluation adopté en juin dernier par le conseil permanent de la Francophonie, visant à rétablir progressivement la participation des Etats suspendus en fonction des avancées constatées dans le rétablissement de l’ordre constitutionnel et du respect des droits et des libertés. » L’organisation dirigée par la Rwandaise, Louise Mushikiwabo n’en est pas à une contradiction près. D’un côté, il s’agit de « rétablir progressivement la participation des Etats» de l’autre la Guinée bénéficie d’une « levée totale ». Quant à la phrase concernant le rétablissement de l’ordre constitutionnel et du respect des droits et des libertés, elle laisse pantois.
La charte de la transition violée
S’agissant des droits et des libertés, 24 heures après ce communiqué, Conakry annonçait la mort du colonel Célestin Bilivogui. Cet officier enlevé par les services de sécurité depuis le 9 septembre 2023 n’avait pas donné signe de vie depuis. Son corps a été rendu à sa famille le mercredi 25 septembre et selon son épouse au vu de l’état de son corps : « il était mort depuis une semaine. » Tout laisse à penser que les autorités ont attendu la réintégration de leur pays au sein de l’OIF pour annoncer ce décès qui fait suite à de nombreux autres.
En juin dernier, l’ancien chef d’Etat major, le général Sadiba Koulibaly, est mort, lui aussi en détention, dans des circonstances troubles. En juillet, les deux activistes du Front National pour la défense de la constitution Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah ont été interpellés par les Forces armées et depuis lors, ni leurs familles, ni leurs avocats, n’ont eu de nouvelles.
Mais, apparemment pour l’OIF, ces faits ne comptent pas puisque, selon elle, le « rétablissement du respect des droits et des libertés » en Guinée Conakry est en bonne voie.
Quant au « rétablissement de l’ordre constitutionnel », le vin est tiré du même tonneau. La junte au pouvoir s’est contentée de vagues promesses, rien n’est prêt pour une élection alors que la présidentielle était prévue pour décembre 2024.
Mieux, Mamadi Doumbouya est bien décidé à revenir sur sa promesse faite au lendemain du coup d’Etat ne pas se représenter. Il violerait ainsi la charte de la transition qui a inscrit noir sur blanc l’impossibilité pour les membres du Comité du Rassemblement national pour le développement de briguer la magistrature suprême.
La France soutien de Mamadi Doumbouya
Les arguments de l’OIF sont au mieux bancals, il n’y a que deux raisons qui expliquent la réintégration de la Guinée. La première réside dans les excellentes relations entre Kigali et Conakry, les ressources minières de Guinée accentuant, sans aucun doute, l’attrait de Paul Kagamé pour cet Etat. La seconde se lit dans la bienveillance à toute épreuve de Paris envers l’ancien légionnaire.
Le député insoumis Aurélien Saintoul demande une commission d’enquête parlementaire pour répondre à cette question que se pose tous les Guinéens : « Pourquoi la France d’Emmanuel Macron est-elle aussi complaisante avec M. Doumbouya » ? Une interrogation partagée par de nombreux diplomates, l’un deux confie à Mondafrique, la France reste le dernier soutien occidental, plus personne, même les Etats-Unis ne donne crédit à cette junte.
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