Après la libération de Jean Pierre Bemba puis celle de Laurent Gbagbo, qui était en prison depuis sept ans, la Cour Pénale Internationale (CPI) est plus que jamais marquée par le discrédit.
Les mêmes incriminations de crime de guerre et de crime contre l’humanité ont été portées contre Bemba et Gbagbo, les deux plus célèbres détenus de la prison de Scheveningen dans la banlieue de La Haye, la capitale des Pays-Bas.
De même, les multiples demandes de libération conditionnelle de Laurent Gbagbo avant sa libération ce mardi 15 janvier ont été refusées, comme cela avait été le cas pour Bemba.
Enfin il semblerait que des vices de procédures, des preuves peu probantes, des erreurs d’interprétations et des témoignages douteux soient présents dans les deux affaires.
Un troisième dossier, celui de Charles Blé Goudé, le chef de la milice ivoirienne des patriotes, présente les mêmes caractéristiques que les deux premiers. La CPI aurait-elle failli?
Des juges sans légitimité
Le bilan politique n’est pas glorieux. Qu’il s’agisse de la RDC ou de la Cote d’Ivoire, les procédures judiciaires de la CPI n’ont en rien amélioré le climat politique local. Dans le premier de ces pays, le maintien de Joseph Kabila au pouvoir est juste anti constitutionnel. Dans le second, la gouvernance décevante d’Alassane Ouattara est source d’inquiétudes majeures. Dans ces conditions, Jean-Pierre Bemba et Laurent Gbagbo pourraient revenir comme des acteurs majeurs. Leur popularité ne semble pas avoir été touchée par leur longue détention. A quoi aura servi alors le détour par la CPI?
L’action de la Procureure générale gambienne, Fatou Bensouda, en poste depuis 2012, est de plus en plus contestée. La nomination de cette ancienne conseillère juridique et ministre de la Justice de l’ancien dictateur Yahia Jammeh, lui-même passible de la CPI, avait été surpenante. Il en est d’ailleurs de même avec la nomination d’un colonel magistrat, proche de Kabila , comme Procureur spécial de la Cour Pénale Spéciale de Centrafrique, un succédané de la CPI, chargé des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité depuis 2003. Soit la période concernant les incriminations contre Jean-Pierre Bemba en Centrafrique. Le prédécesseur de Fatou Bensouda, l’Argentin Luis Moreno Ocampo, est mêlé à de multiples affaires de corruption notamment dans son activité de lobbyiste en Libye et avec ses sociétés off shore dans des paradis fiscaux.
Le cout annuel: 147 million d’euros
Les insuffisances, les compromissions, la politisation des nominations et les doutes sur les preuves apportées sont, à l’évidence, la marque de fabrique de la CPI. L’heure est de plus en plus à la mise en cause de cette Cour destinée surtout à juger quelques dirigeants africains déchus ou une poignée de chefs de guerre de second rang.
La CPI est à l’image du « machin » de l’ONU. Ne compte-t-elle pas un effectif de près de 800 personnes, huit bureaux délocalisés dans le monde, dix-huit juges internationaux pour seulement 26 affaires dont six sont au stade du procès, une en appel et trois pour des réparations. Seuls sept accusés sont actuellement détenus. Le budget annuel de cette juridiction dispendieuse et peu productive est de 147 millions d’euros pour 2018. Il faudra probablement bientot aussi ajouter les lourdes indemnisations des prévenus acquittés ayant accomplis de longues années de prison.
Des voix dissidentes
Christine Van Den Wyngaert est la présidente de la Chambre d’appel de la CPI qui a acquitté Jean-Pierre Bemba. Spécialiste du droit international pénal et de la common law, la baronne flamande peut faire valoir une grande expérience dans les Tribunaux internationaux, comme la Cour internationale de Justice et le Tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie. La juge belge s’est déjà fait remarquée par son opinion dissidente dans l’affaire Laurent Gbagbo en critiquant, en mars 2014, la décision de la Chambre d’accusation d’avoir réuni des preuves discutables et peu probantes contre Laurent Gbagbo. Elle avait notamment déclarée : » il n’y a aucune preuve convaincante qui montre notamment que Laurent Gbagbo se soit mis d’accord avec son supposé cercle rapproché pour commettre des crimes contre des civils ». Elle avait aussi fait remarquer que les proches d’Alassane Ouattara avait été épargnés par la CPI .
Les accusations étaient portées dans un seul sens. Cette opinion dissidente avait été mal prise par la Procureure générale, la gambienne Fatou Bensouda, qui avait même stigmatisé « une entrave à la justice « .
L’acquittement de Jean-Pierre Bemba est une nouvelle accusation portée contre le bilan de Fatou Bensouda à la CPI. Le coup de grâce pourrait bien être porté par le probable acquittement de Laurent Gbagbo et de son co-accusé Blé Goudé. A part quelques ONG internationales, qui y trouvent leur compte, qui s’en plaindra ?