Le cheikh qatari, prédicateur vedette de la chaîne Al Jazeera, a rebaptisé les attentats-suicides « opérations-martyrs ». Il justifie l’assassinat de femmes et d’enfants, sans que les organisations islamiques en Europe ne prennent leurs distances avec lui.
Le théologien Youssef Qaradawi s’est montré discret depuis les derniers attentats parisiens. Deux raisons à cela : il a fêté en septembre dernier ses 89 ans et le pouvoir à Doha lui conseille depuis quelques mois de mettre la pédale douce. Même si le Qatar appelle à la chute du président syrien Bachar al-Assad, l’émirat n’entend tout de même pas cautionner les délires de son prédicateur qui réclamait le « meurtre de tous les fonctionnaires syriens, de tous les soldats de l’armée régulière (…) et en général tous ceux qui soutiennent le pouvoir syrien ». Youssef Qaradawi ne fait pas dans la dentelle : selon lui, il faut tuer tous les Alaouites, ce groupe religieux musulman, au pouvoir à Damas, rattaché à l’islam chiite. Peu importe que sa religion interdise de s’en prendre aux femmes et aux enfants, ce frère musulman, né en Egypte et formé à Al-Azhar, la prestigieuse université du Caire, lui, il sait tout justifier.
Les nécessités absolues de la guerre
À commencer par le suicide, interdit en islam. Pour Youssef Qaradawi, il ne s’agit pas d’attentats-suicides, mais d’«opérations-martyrs », considérant que ces opérations « sont l’arme que Dieu a donnée aux pauvres pour combattre les forts. C’est une compensation divine ». Au départ, le théologien cautionnait les opérations-suicides du Hamas contre Israël. Non seulement, ceux qui les accomplissent « sont considérés comme des martyres », mais il n’y a pas de civils israéliens innocents. Car, en Israël, « tous, hommes et femmes, sont soldats. Ils sont dans leur totalité des troupes d’occupation » (*). Quant aux enfants ou aux personnes âgées tués dans les opérations, ils ne sont pas visés directement. Ce ne sont que des victimes collatérales, en raison des nécessités absolues de guerre. Et les nécessités absolues « lèvent les interdictions ».
Conseil européen de la fatwa
Cette autorisation de tuer ne s’adresse pas qu’aux Palestiniens, le prédicateur vedette de la chaîne qatarie Al-Jeezira l’étend à tous ceux qui luttent contre les pays en guerre contre les musulmans, comme les Etats-Unis et la France (et même la Serbie lorsqu’elle combattait les musulmans du Kosovo). Curieusement, les diatribes de Youssef Qaradawi ne paraissent guère préoccuper outre mesure la Fédération des organisations islamiques en Europe, et notamment l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). Au contraire, elles le présentent comme un savant prestigieux, qui cherche à promouvoir un islam du « juste milieu ». Qaradawi a créé en 1997 à Londres le Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche, qui prodigue sur le Vieux Continent des conseils pouvant faciliter la pratique des prescriptions de l’islam dans le cadre européen.
Le parrain de Tariq Ramadan
Ce Conseil, qui accueille une trentaine de “savants“, est ouvert à des oulémas ne résidant pas en Europe. Il a ainsi longtemps ouvert ses portes au Tunisien Rachid Ghannouchi. Est-ce le prestige dont jouit Youssef Qaradawi, grâce à son émission-fétiche « La charia ou la vie » sur Al-Jezira, qui incite les représentants des musulmans de France à se montrer particulièrement discrets dans leurs critiques? Alors que Tariq Ramadan se présente comme un réformateur de l’islam, capable de jeter les ponts d’un dialogue serein des civilisations entre l’Orient et l’Occident, il n’a pas hésité à demander à Qaradawi de parrainer son Centre de recherche sur la législation islamique et l’éthique (CILE), créé en 2012 au Qatar…
Les représentants des musulmans n’ont sans doute jamais entendu les propos tenus par le prédicateur le 30 janvier 2009 sur Al-Jazeera : « Tout au long de l’histoire, Allah a imposé [aux juifs] des personnes qui les punissaient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler (…) C’était un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera par la main des croyants ».
(*) Matthias Küntzel, « Jihad et haine des juifs », éditions du Toucan, page 173.