La grande ville nigérienne d’Agadez, dans le nord du pays, sur les frontières avec l’Algérie et la Libye, était encore sous le choc et plongée dans l’inquiétude , plus de cinq jours après le kidnapping de l’Autrichienne Eva Gretzmacher qui y vivait depuis près de 30 ans.
Installée à Agadez depuis vingt-huit ans, l’Autrichienne Eva Gretzmacher, âgée de 73 ans, a été kidnappée par des hommes armés, samedi dernier, vers 19h, à son domicile sis au quartier Sabon Gari d’Agadez, dans le nord du Niger. Depuis l’annonce de son enlèvement, c’est la tristesse et la désolation qui se lisent sur les visages de plusieurs milliers d’Agadéziens. Une énorme tristesse qui s’explique par la parfaite intégration de cette autrichienne dans la communauté locale. Ici, tout le monde connaît « Eva » que l’on appelait affectueusement par son prénom ou aussi « nassaria », « la Blanche », en langue haoussa.
Une figure locale
Ce jeudi matin encore, le rapt d’Eva revenait dans toutes les conversations dans les fadas (lieu de regroupement) de la belle cité de l’Air où Eva Gretzmacher a choisi d’installer ses valises depuis belle lurette. « Qui nous a enlevé notre mère Eva ? » se demandait Abdoul Wahab un tailleur au quartier Sabon Gari. Abdoul Wahab ajoute aussitôt : « je connais Eva depuis mon enfance. Elle habitait juste à côté de chez nous avant qu’elle ne démange vers Caritas. Je me souviens encore de ces petits cadeaux ajoute ce jeune trentenaire qui n’en revient plus sur cet acte qu’il juge d’autre temps. »
Eva, de par son comportement et son mode de vie, a toujours considéré le Niger comme son Autriche, et Agadez comme sa Vienne. Elle parle couramment « tamasheq », la langue parlée par la communauté touarègue d’Agadez. C’est pour cette raison, que plusieurs voix se lèvent pour exiger la libération de cette philanthrope basée à Agade depuis 28 ans. « Ceux qui ont enlevé Eva, doivent rapidement la libérer. C’est une femme formidable et très humaine. Eva c’est notre grande sœur, notre mère, notre grand-mère », indique avec une colère peu contenue Maghinia Mohamed, une sexagénaire qui connait l’Autrichienne depuis une quinzaine d’années.
En 28 ans de service à la fois humanitaire, Eva a fondé Amanay, un foyer pour aider la population d’Agadez, particulièrement les femmes et les jeunes de la commune urbaine d’Agadez, et au-delà, ceux des autres communes de la région.
Mme Gretzmache soutenait notamment des initiatives de maraîchage, de couture pour les jeunes filles, et de musique pour les jeunes garçons. Sa contribution au développement local et son engagement envers la communauté font d’elle une figure emblématique de la région.Fati Alhaji, travaillait avec Eva dans son foyer Amanay depuis 2011 et apprécie la dame Eva en ces termes « Je n’ai jamais vu Eva en colère. Moi je suis parmi la vingtaine de personnes qui travaille avec elle, et je la considère comme ma famille indique-t-elle. Je puis vous dire qu’avant et aujourd’hui encore plus, Eva est plus nigérienne qu’autrichienne. Sincèrement, son enlèvement m’a beaucoup troublé et m’a fait peur. On ne sait pas ce qu’on va devenir sans elle et ce que joyau (Amanay) va devenir sans Eva. »
A Tekazam et aux alentours de Caritas, beaucoup se demandent s’ils vont revoir Eva un jour. Pour Fatima Abo, c’est la sidération : « Nous avons peur d’en parler, avertit-elle pleine d’angoisse. Peut-être que ceux qui l’on enlevée, nous suivent.»
La peur est d’autant plus grande que les populations de la ville d’Agadez pensaient en avoir fini pour de bon avec les enlèvements depuis celui du Français Michel Germaneau en avril 2010 à In-Abangharet (Agadez), décédé en 2011 aux mains de ses ravisseurs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Les populations de la région ont également encore en mémoire l’enlèvement en septembre 2010 à Arlit de 7 ressortissants français travaillant le groupe Areva (devenu Orano) et de son sous-traitant Vinci.
Un Conseil Régional de Sécurité extraordinaire
Relativement à cette affaire qui défraie la chronique, les autorités régionale d’Agadez ont convoqué le conseil de régional de sécurité (CRS) extraordinaire le lundi 13 janvier 2025. A cette occasion, les responsables militaires et sécuritaires de la région se sont réunis autour du gouverneur de la région le général Ibrahim Boulama pour faire point sur l’enlèvement d’Eva Gretzmacher. Aux termes de celui-ci, des mesures de sécurité renforcées ont été immédiatement mises en place depuis l’enlèvement alors que les forces de défense et de sécurité sont pleinement mobilisées pour retrouver Mme Gretzmacher. Les autorités régionales ont également exhorté la population à « renforcer [sa] vigilance » et à signaler tout comportement suspect. En dépit de sa proximité avec la Libye, Agadez ne faisait pas l’objet de menace terroriste, mais plutôt des défis sécuritaires liés à la circulation d’armes à feu venues de Libye et à la délinquance ordinaire : vols, braquages, coupures de route par des bandits armés
L’absence de revendication cinq (5) jours après l’enlèvement d’Eva Gretzmacher ajoute aux troubles et au choc des populations d’Agadez et bien au-delà.
Idiwane Hamid