Le Niger, pays pétrolier confronté à une pénurie de carburants

C’est la première grande épreuve sociale pour les militaires au pouvoir depuis le coup d’Etat qui a renversé le 26 juillet 2023 le président Mohamed Bazoum. Depuis plusieurs jours le pays est confronté à une pénurie de carburants qui entraîne de longues files de véhicules devant les stations-services et provoque des mécontentements populaires. A Niamey, la capitale nigérienne, comme dans le reste du pays, les Nigériens ne comprennent pas comment leur pays devenu en 2011 producteur du pétrole en vient à manquer du carburant. Une situation d’autant plus incompréhensible que la production du pétrole est passé de 20.000 barils/jours à 110.000 barils/jour depuis janvier 2024, à la faveur de la mise en service de nouveaux puits sur le bloc pétrolier d’Agadem, situé à l’extrême est du pays.

Niandou Kindo, à Niamey

Spectacle déconcertant de désordre et de branle-bas au niveau d’une station-service, avec de longues files de véhicules en attente, pare-chocs contre pare-chocs, par-ci, un attroupement de motos, de tricycles et autres usagers munis de bidon par-là, des automobilistes impatients et des pompistes sur le qui-vive, etc.

Non loin de là, une autre station-service, une toute autre ambiance. Avec des cuves apparemment à sec, celle-ci est entièrement déserte, avec les pompes en veilleuse et sans l’ombre d’un client. Telles sont les scènes de désolation qu’on a pu voir ces derniers jours à Niamey et dans les villes de l’intérieur du pays.

Depuis déjà près de 10 jours les automobilistes et les motocyclistes nigériens se trouvent confrontés à des difficultés quotidiennes pour s’approvisionner en carburant. Avec un grand nombre de stations-services en rupture de carburants, la quête du précieux ‘’jus’’ prend l’allure d’un véritable parcourt du combattant pour les consommateurs englués dans des embouteillages monstres au niveau de quelques rares stations qui continuent encore d’être approvisionnées par les citernes, de façon sporadique.   

 carburant, le nerf de la guerre

Cette situation qualifiée de “tension de stock’’ du côté de la Société nigérienne de pétrole (SONIDEP), qui est en charge de la distribution et la commercialisation des produits pétroliers, commence à susciter des inquiétudes, voire des grincements de dents, chez les usagers qui ont du mal à comprendre et à supporter la persistance de ces turbulences dans la fourniture de l’essence.

Face au tollé d’inquiétudes et d’interrogations soulevé par la situation au sein de l’opinion publique, les services compétents semblaient avoir opté pour le silence, laissant les réseaux sociaux faire le travail en véhiculant des esquisses de réponses plutôt officieuses tendant à défendre la gestion des deux sociétés intervenant dans le circuit pétrolier, à savoir la Société de Raffinage de Zinder (SORAZ) et la Société nigérienne de pétrole (SONIDEP).

Large dépendance à la fraude

Et c’est finalement que le 8 mars qu’interviendra la réaction formelle par la voix du Directeur Commercial de la SONIDEP, M. Maazou Oumani Aboubacar, s’exprimant sur les antennes de la chaîne publique nationale où il est venu éclairer l’opinion publique sur les causes de la pénurie ainsi que les mesures prises pour l’endiguer.

Aux dires de l’intéressé, deux raisons principales expliquent cette situation. Ainsi, il a invoqué d’une part, la levée de la subvention sur le carburant au Nigéria ayant entraîné une flambée des prix dans ce pays voisin, donc l’impossibilité d’importer l’essence nigériane vers le Niger. La seconde raison qu’il a invoquée, c’est le résultat des efforts menés par les Forces de Défense et de Sécurité ayant permis de stopper efficacement la fraude, sachant que la part de la fraude qui représentait autrefois 40 à 50 % de la consommation nationale.

Il y a ajouté aussi le fait que la Société de Raffinage de Zinder (SORAZ), principale pourvoyeuse de carburant du pays, ne parvient pas à livrer les quantités requises. « Nous recevons en moyenne 25 citernes par jour, alors que la demande de la capitale seule est de 25 à 26 citernes, et celle du pays entier entre 40 et 50 citernes », a confié le directeur commercial de la SONIDEP.

Cargaisons attendues de Lomé

Une situation qui, depuis un an, a amené la SONIDEP à se tourner vers l’importation de carburant. Pour rassurer les automobilistes, M. Maazou Oumani a annoncé la disponibilité de stocks considérables à Lomé, au Togo, ajoutant que «les camions sont en route pour assurer l’approvisionnement du pays ».

A Niamey, ces explications sont loin d’avoir convaincu les consommateurs qui sont déjà à bout de souffle. Surtout que les arguments développés par le Directeur commercial de la SONIDEP n’expliquent pas à l’opinion pourquoi dans la panoplie de compagnies de distribution de carburants opérant à Niamey, ce sont presque toujours les mêmes (moins d’une dizaine) qui sont desservies par les citernes pour sécher les larmes des consommateurs.

En attendant de voir clair, les files d’attente continuent de s’allonger devant les stations, et tous les regards sont rivés vers les routes de Lomé d’où sont censés provenir les stocks annoncés.

Depuis 2011, année de la sortie du premier baril de pétrole nigérien, le Niger produit 20. 000 barils du pétrole raffiné par jour, avec 7 000 barils affectés à la consommation nationale, et les 13 000 autres barils destinés à l’exportation vers les pays voisins.

A partir de 2024 , la production est montée à 110 000 barils/jour, sur lesquels les 90 0000 barils sont destinés à l’exportation et les 20 000 restants affectés à la consommation nationale.

A partir du 23 juillet 2024, les autorités militaires actuellement au pouvoir, ont décidé de revoir à la baisse les prix des hydrocarbures, faisant ainsi passer le prix à la pompe du litre d’essence de 540 francs CFA à 499 francs CFA, et celui du gas-oil de 668 francs CFA 618 francs CFA.