Le mardi 3 septembre 2019, Emmanuel Macron recevra Denis Sassou Nguesso dont le soutien est jugé à Paris indispensable pour sauver la forêt en Afrique centrale.
Certes les questions politico-financières relatives au Congo seront à l’ordre du jour de la rencontre entre les présidents congolais et français. Il sera probablement aussi question des situations de crise en Libye et en Centrafrique, dans lesquelles le président congolais joue un rôle de médiateur. Mais les échanges entre Emmanuel Macron et Denis Sassou Nguesso seront surtout consacrés au Bassin du fleuve Congo, second « poumon » de notre planète.
Le Bassin du fleuve Congo, oublié du G7
Un peu plus d’une semaine après la fin du G7 de Biarritz, la visite de Denis Sassou Nguesso permettra d’effacer un oubli. L’ Afrique avait été médiatiquement mise à l’honneur dans ce G7 avec la participation de cinq chefs d’États africains (Afrique du Sud, Burkina Faso, Egypte, Rwanda et Sénégal) et des responsables de plusieurs organisations africaines. Très curieusement, alors que les changements climatiques et la préservation des écosystèmes étaient à l’ordre du jour et que l’Amazonie avec ses 5 millions km2 était dans toutes les discussions, le Bassin du fleuve Congo, avec sa superficie de 4 millions de km2 et ses 220 millions d’hectares de forêt était à peine évoqué. L’ avenir du Bassin du fleuve Congo est pourtant tout aussi préoccupant que celui de l »Amazonie.
A posteriori, Paris s’est probablement rappelé que le président Denis Sassou Nguesso est un incontournable interlocuteur pour cette question de gouvernance mondiale.
Denis Sassou Nguesso à nouveau fréquentable
Il va de soi que le régime du président Denis Sassou Nguesso est la référence en matière de mauvaise gouvernance, de détournement des ressources naturelles du pays et de démocrature africaine. Qu’à cela ne tienne, « Otchouembe » – le surnom de Sassou signifiant vieux lutteur invincible – est bien plus que le chef de l’État de la République du Congo. Ses hautes responsabilités maçonniques lui confèrent une aura et une influence bien au-delà de l’Afrique centrale.
Beaucoup plus que le Camerounais Paul Biya ou l’Équatoguinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, ses aînés, Denis Sassou Nguesso (75 ans) est certainement le chef d’État africain le plus expérimenté (33 ans cumulés de pouvoir) et le plus soucieux des affaires diplomatiques. Il est considéré comme le « patriarche », » le vieux sage », ce qui compte évidemment beaucoup sur le continent africain. Il apparaît comme le digne successeur de feu Omar Bongo, qui avait épousé sa fille.
Denis Sassou Nguesso sait également entretenir un réseau influent d’amitié qui s’est mobilisé pour cette visite. Mondafrique avait publié plusieurs enquêtes d’Éric Lafitte à ce sujet. Sa ministre du Tourisme et de l’Environnement, madame Arlette Soudan-Nonault, connaît bien les milieux médiatiques parisiens et les organisations écologiques mondiales.
Sauver la forêt en Afrique centrale
Si on peut dresser une liste non exhaustive des méfaits de Denis Sassou Nguesso, on ne peut pas lui retirer sa proximité avec la nature. L’agro businessman d’Oyo est le président de la Commission climat d’Afrique centrale et de son bras financier qu’est le Fonds bleu du Bassin du Fleuve Congo.
La Commission climat d’Afrique centrale est l’organisation régionale dédiée au changement climatique et à la sauvegarde de l’écosystème du Bassin du Fleuve Congo, le plus important puits de carbone terrestre après l’Amazonie. Évidemment la forêt du Bassin du Congo, qui s’étend sur six États ( Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale et RDC), est victime de la prédation de grandes entreprises qui sont sans véritables contrôles. Contrairement à l’Amazonie, en Afrique centrale la déforestation est surtout réalisée par des entreprises étrangères et accessoirement par les agriculteurs locaux. La Chine, la Russie et des États asiatiques sont accusés de vastes plans de déforestation pour des cultures d’exportation comme le palmier à huile et pour des exploitations minières. Les dégâts causés par les pollutions chimiques des sites aurifères constituent déjà des scandales écologiques de grande ampleur, au Cameroun et en Centrafrique. Le projet pharaonique du détournement des eaux de l’Oubangui vers le Lac Tchad est également un sujet de débats.
Qui fait quoi ?
Denis Sassou Nguesso avait lancé un appel à la Communauté internationale, lors de la réunion de Brazzaville du 28 avril 2018, en prolongement de la COP22 de Marrakech, de novembre 2016. Cette Commission climat d’Afrique centrale coiffe d’autres organisations régionales également chargées de la gestion durable, de la protection de l’écosystème, de l’exploitation des forêts et de l’utilisation des eaux fluviales. Face aux financements qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, on peut s’interroger sur cette inutile dispersion. Le président congolais devra montrer l’intérêt de ces organisations régionales, car outre la CEMAC et la CEEAC, directement concernées avec leurs propres structures, il y a la Commission internationale du Congo, de l’Oubangui, et de la Sangha (CICOS) avec son siège à Kinshasa et la Commission internationale des forêts d’Afrique centrale ( COMIFAC) avec son siège à Yaoundé.
Inévitablement, la protection de l’écosystème du Bassin du fleuve Congo et la recherche de financements se heurtent aux intérêts, souvent privés, des États concernés. On peut donc se demander si Denis Sassou Nguesso est vraiment le meilleur avocat de la protection de l’écosystème du fleuve Congo.