Bien qu’un jeune qui tentait de franchir, avec un groupe de manifestants, la barrière de sécurité à la frontière a été tué par des tirs israéliens, les autorités libanaises s’emploient à éviter tout nouveau dérapage.
Michel Touma
Les opérations militaires en cours entre Israël et les organisations fondamentalistes palestiniennes de Gaza ont atteint un degré de violence sans précédent dans la zone des territoires palestiniens. Pour la première fois, des villes israéliennes en plein cœur d’Israël, plus particulièrement Tel Aviv et la périphérie de Haïfa, ont été soumises à des bombardements aveugles du fait des centaines de missiles tirés à partir de la bande de Gaza, laquelle a été, dans le même temps, la cible d’un pilonnage intensif et continu mené par l’aviation, la marine et l’artillerie israéliennes. Les images de hautes tours à Gaza s’effondrant sous les coups des bombardements israéliens ont été retransmises en boucle par les chaînes de télévision arabophones.
Un tir de Katioucha
En dépit de cette grave escalade qui se poursuit depuis plusieurs jours, le front entre Israël et le Liban-Sud restait toujours calme, vendredi 14 mai. Tard dans la soirée de jeudi, trois roquettes tirées à partir de la région méridionale du Liban se sont toutefois abattues sur le nord d’Israël sans faire ni victimes ni dégâts. L’origine de ce tir est située dans un secteur situé à la périphérie du camp de réfugiés palestiniens de Rachidieh, à proximité de la ville de Tyr, non loin de la frontière avec Israël.
Cette attaque ponctuelle et limitée contre le nord d’Israël n’a pas rompu le calme le long de la frontière. Côté libanais, on s’est empressé ainsi de minimiser au maximum la portée du tir de Katioucha. Le Hezbollah n’a pas tardé à réagir en affirmant carrément qu’il n’y avait pas eu de tir de roquettes en direction d’Israël, exprimant ainsi une volonté d’éviter toute escalade avec l’armée israélienne. Ce même souci est perceptible aussi au niveau de l’Etat hébreu qui a souligné qu’il ne ripostera pas.
Incident à la frontière
Pour leur part, les services libanais de sécurité ont rapidement rejeté la responsabilité du tir sur les organisations palestiniennes, en prenant bien soin de préciser que les auteurs de cette attaque ont été arrêtés et que des missiles dirigés contre le nord d’Israël ont été découverts à proximité du camp de Rachidieh. Selon l’armée libanaise, les roquettes sont tombées dans la mer face au littoral israélien.
A cette détermination évidente d’éviter toute escalade entre Israël et le Liban en dépit des développements à Gaza, s’ajoute une absence de réaction au niveau de la rue sunnite libanaise. En d’autres temps, un pilonnage comme celui qui vise actuellement Gaza aurait provoqué une vive réaction au niveau de la rue sunnite libanaise qui avait traditionnellement une propension à se solidariser avec les Palestiniens. Cela n’est pas le cas, au stade actuel, vraisemblablement parce que le Hamas et le Jihad islamique qui mènent la bataille à Gaza sont devenus un instrument aux mains de l’Iran qui est en conflit ouvert avec le monde sunnite. Sans compter également le poids de la grave crise socio-économique et financière qui secoue le Liban depuis plus d’un an et demi et qui inhibe dans une large mesure le potentiel de mobilisation de la population libanaise.
Il n’en demeure pas moins qu’un incident s’est produit dans l’après-midi de vendredi à la frontière libano-israélienne lorsqu’un groupe de jeunes a tenté de franchir la barrière de sécurité entre les deux pays pour exprimer leur condamnation des bombardements de Gaza. Un jeune a été tué lorsque les forces israéliennes ont ouvert le feu en direction des manifestants. Une unité de l’armée libanaise s’est aussitôt rendue sur les lieux pour rétablir le calme. Par ailleurs, après la prière du vendredi, des rassemblements ont été organisés dans les camps palestiniens de Aïn Heloué et Rachidieh, au sud, ainsi qu’à Tripoli, au Liban-Nord, pour protester contre l’escalade à Gaza.
En tout état de cause la grande question au stade actuel reste de savoir, d’une manière générale, si Israël aurait l’intention de crever l’abcès iranien, d’une façon ou d’une autre, dans le prolongement des opérations militaires en cours. Auquel cas, de graves menaces pèseront à n’en point douter sur le front avec le Liban.