Le 1er ministre espagnol à Dakar pour parler d’immigration clandestine

Pour décourager l’immigration clandestine qui déferle sur ses côtes, le premier ministre espagnol a prévu de se rendre au Sénégal pour discuter avec les autorités sénégalaises des moyens de juguler le phénomène qui a progressé cette année de 126%.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Rien ne les décourage, et pas même la mort qui attend la majorité des immigrés clandestins qui déferlent sur les côtes espagnoles, une des portes d’entrée vers l’Europe où tous veulent vivre et travailler. Selon les chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur, quelque 22.304 migrants ont atteint les côtes du pays entre le 1er janvier et le 15 août, contre 9.864 sur la même période de l’année dernière, soit une augmentation record de 126 %. 

Poussés par le désespoir, les jeunes candidats à l’exil affichent leur détermination à travers une devise wolof « Barsa wala Barsakh » qui signifie en français « Barcelone ou la mort ». Quatre jeunes sur dix sénégalais, soit 30% à peu près, déclarent en effet être sans emploi. Ces dernières décennies, le secteur de la pêche traditionnelle était le plus grand pourvoyeur d’emplois dans le pays. Pour l’Union monétaire ouest africaine (UEMOA), cette activité est à la fois un moteur durable de croissance, un moyen d’inclusion sociale tout en assurant l’alimentation de la population.

 

Des accords de chômage

Mais les accords de pêche signés avec les grandes firmes industrielles européennes et chinoises ont phagocyté la pêche artisanale qui faisait vivre des millions de sénégalais. En 2014, le nombre de pêcheurs était de 68000 personnes réparties sur plusieurs régions du pays : Thiès (40%), Saint-Louis (22%) et Dakar (15%), où on retrouve de fortes communautés spécialisées dans la pêche.

La surpêche instaurée par ces grands groupes industriels a également décimé les ressources halieutiques du pays et réduit des milliers de jeunes au chômage, les jetant sur la route de l’immigration clandestine. « Même en restant ici, nous sommes en danger. Si vous êtes malade et que vous ne pouvez pas payer le traitement, n’êtes-vous pas en danger ? Alors, il faut tenter sa chance. Soit on y arrive, soit on n’y arrive pas », résume un pêcheur cité par Africanews.

Pour sa part, depuis qu’il a eu 22 ans, Salamba Ndiaye tente régulièrement de rejoindre l’Espagne, où elle rêve d’une carrière dans l’immobilier. Sa première tentative a été enrayée par la police sénégalaise qui a arraisonné son embarcation. L’année suivante, elle renouvelle l’expérience elle mais une tempête force son bateau à accoster au Maroc, d’où elle est finalement renvoyée au Sénégal. Mais en dépit de ces deux échecs et désormais âgée de 28 ans, Salamba est toujours résolue à essayer : « s’il y avait un bateau pour l’Espagne, je partirais sans hésiter », dit-elle sans sourciller.

 

Rester, c’est risquer la mort

La grande pauvreté dans laquelle vivent ces jeunes et le manque de perspective poussent inexorablement des milliers de sénégalais vers l’immigration clandestine. Car rester, c’est aussi risquer la mort. « Ces jeunes ne connaissent que la mer (la pêche), et maintenant la mer n’a plus rien à offrir. Si on fait quelque chose pour aider les jeunes, ils ne partiront pas. Autrement, on ne peut pas les obliger à rester. Il n’y a pas de travail ici », déplore Fatou Niang, la mère de la jeune récidiviste.

Pour fuir la pauvreté et le chômage, tous empruntent des embarcations de fortune vers les îles Canaries, l’autre porte d’entrée vers l’Europe. Cette traversée est l’une des plus meurtrières au monde. Selon l’association Walking Borders, elle a coûté la vie à des milliers de personnes. Dans certains cas, les bateaux perdus dérivent et ne sont retrouvés que des mois plus tard, avec seulement des restes humains.

Les pays européens tentent de contenir les vagues d’immigrés qui débarquent chaque année à la recherche d’une vie meilleure. Pour enrayer cette vague, l’Espagne a décidé de visiter le Sénégal, l’un des pays pourvoyeurs d’immigrés clandestins, pour discuter des dispositifs pouvant aider à contenir le phénomène. Mais son gouvernement n’a pas encore communiqué la date de cette visite.