L’Afrique et l’énergie (volet 2), la Chine est devenue incontournable

Réunis les 27 et 28 janvier 2025 dans la capitale tanzanienne, une trentaine de chefs d’Etat africains et des dirigeants d’instiutions internationales de financement du développement ont adopté la Déclaration de Dar Es Salam qui vise à apporter l’électricité à 300 millions d’Africains dans les cinq prochaines années. Intitulée Mission 300, l’Initiative va bénéficier de plus de 50 milliards de dollars de financement apportés par les bailleurs de fonds internationaux et des institutions philanthropiques.
 
En Afrique où plus de 600 millions de personnes n’ont pas encore accès à l’électricité, l’énergie est un véritable enjeu de développement humain, social et économique. L’accès à l’énergie est un des espoirs pour contribuer au règlement de l’épineuse question du chômage des jeunes, une des raisons de leur embrigadement dans les groupes djihadistes.
 
Comme vous pouvez le voir dans cette série dont nous publions le deuxième volet, il existe déjà ici et là sur le continent de belles expériences en cours pour aider à rattraper le retard abyssal en matière d’accès à l’électricité en Afrique. 

 

                       La Chine au coeur de l’énergie en Afrique

                                          Stanislas Houël, Naphtomines, 21 janvier 2025

Benban, plus grande installation photovoltaïque d’Afrique, fruit d’un partenariat sino-égyptien de 4 milliards de dollars

Le soleil couchant illumine les milliers de panneaux solaires qui s’étendent à perte de

vue dans le désert égyptien. Nous sommes à Benban, plus grande installation

photovoltaïque d’Afrique, symbole éclatant de la nouvelle route de la soie énergétique.

Cette gigafactory solaire de 1.8 GW, fruit d’un partenariat sino-égyptien de 4 milliards

de dollars, illustre parfaitement l’ampleur des ambitions chinoises sur le continent

africain.

Une présence qui transforme le paysage

La présence chinoise dans le secteur énergétique africain dépasse aujourd’hui la

simple relation commerciale. Selon la Banque Africaine de Développement, les

investissements chinois dans les infrastructures énergétiques africaines ont atteint 18

milliards de dollars en 2023, transformant profondément le paysage énergétique du

continent.

Au cœur de l’Éthiopie, le corridor énergétique vers le Kenya prend forme. Cette ligne

de transmission de 2,000 kilomètres, financée à 80% par l’Export-Import Bank of

China, transcende les frontières nationales pour créer le premier grand réseau

électrique est-africain interconnecté. Coût du projet : 1.2 milliard de dollars, 2,000

emplois locaux créés, une capacité de transport de 2,000 mégawatts.

En Guinée, le complexe hydroélectrique de Souapiti raconte une autre histoire de cette

collaboration. Ses turbines de 450 MW, installées par China International Water &

Electric Corp, fournissent désormais 60% de l’électricité du pays. Plus qu’une centrale,

c’est un exemple vivant du « modèle chinois » : financement, construction, formation et

transfert de technologie dans un package intégré.

Au-delà des infrastructures

La stratégie chinoise dépasse largement la simple construction d’infrastructures. Dans

les centres de formation technique répartis à travers le continent, plus de 50,000

techniciens africains ont déjà été formés aux technologies énergétiques chinoises.

À Addis-Abeba, l’académie Huawei forme chaque année 2,000 spécialistes en smart

grids et énergies renouvelables.Dans la zone industrielle de Tanger, au Maroc, une usine de fabrication de panneaux

solaires, fruit d’un partenariat avec le géant chinois Jinko Solar, produit désormais 100

MW de capacité annuelle. Elle emploie 300 techniciens locaux et exporte vers toute

l’Afrique de l’Ouest. C’est l’illustration parfaite de la stratégie chinoise de localisation

industrielle.

Un modèle de développement unique

Le succès du modèle chinois repose sur une approche intégrée du développement

énergétique. La China Development Bank a déployé une enveloppe de 40 milliards de

dollars sur cinq ans pour le secteur énergétique africain. Les prêts, souvent adossés

aux ressources naturelles, offrent des conditions avantageuses : taux d’intérêt moyens

de 2%, maturités allant jusqu’à 30 ans.

L’intégration verticale caractérise cette approche. À Madagascar, la construction d’une

centrale hydroélectrique de 120 MW s’accompagne de la formation de 200 techniciens

locaux, de la création d’une unité de maintenance et d’un centre de contrôle dernier

cri. Le transfert de compétences est systématique, même s’il reste parfois incomplet.

L’impact sur le terrain

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En cinq ans, les équipements énergétiques chinois

ont permis une réduction de 60% du coût moyen des installations solaires en Afrique.

La capacité renouvelable installée avec le soutien chinois a dépassé les 15 GW en

2023, soit l’équivalent de quinze centrales nucléaires.

Dans les zones rurales du Sahel, les kits solaires chinois, assemblés localement, ont

révolutionné l’accès à l’électricité. Leur coût, divisé par trois en quatre ans, les rend

accessibles aux populations les plus modestes. Plus de 5 millions de foyers en

bénéficient déjà.

35 milliards de dette énergétique

Cette success story n’est pourtant pas sans zones d’ombre. La dette énergétique

africaine envers la Chine atteint des niveaux préoccupants : 35 milliards de dollars

selon la Banque Mondiale. Certains pays, comme la Zambie, consacrent plus de 30%

de leur budget au service de cette dette.

La question environnementale soulève également des inquiétudes. Si les projets

récents intègrent des standards environnementaux plus stricts, les premières

réalisations chinoises en Afrique ont parfois négligé cet aspect. Le barrage de Merowe

au Soudan en est l’exemple le plus controversé, avec des impacts écologiques et

sociaux significatifs.

L’évolution du modèle chinois

Le modèle chinois évolue néanmoins. La nouvelle génération de projets, comme le

complexe solaire de Kom Ombo en Égypte, intègre dès la conception les

préoccupations environnementales et sociales. Les entreprises chinoises s’associent

désormais plus systématiquement avec des partenaires locaux, créant de véritables

joint-ventures.

L’innovation devient également un axe majeur de coopération. Le centre sino-africain

de recherche sur les énergies renouvelables de Pretoria, fruit d’un partenariat entre

Tsinghua University et l’Université de Witwatersrand, développe des solutions

adaptées aux conditions locales. Quinze brevets ont déjà été déposés conjointement.

Perspectives d’Avenir

L’engagement chinois dans le secteur énergétique africain dessine une nouvelle

géographie de l’énergie. Les projets planifiés pour 2025-2030 représentent plus de 30

milliards de dollars d’investissements, avec un accent particulier sur l’hydrogène vert

et le stockage d’énergie.

Pour les pays africains, l’enjeu est désormais de maximiser les bénéfices de cette

coopération tout en préservant leurs intérêts stratégiques. La formation d’une expertise

locale solide et la maîtrise des technologies transférées deviennent cruciales pour

transformer cette relation en véritable partenariat.

 

L’Afrique cherche à rattraper son retard abyssal en électricité (volet 1)

Sources et Références

Banque Africaine de Développement (2023) : « Chinese Investment in African

Energy Sector »

Boston University Global Development Policy Center (2023) : « China’s Global

Energy Finance Database »

International Energy Agency (2023) : « Chinese Energy Investment in Africa »

McKinsey & Company (2023) : « Dance of the Lions and Dragons: Africa-China

Economic Relations »

World Bank (2023) : « Belt and Road Initiative in Africa – Energy Sector Analysis »

China Africa Research Initiative, Johns Hopkins University (2023)

IRENA (2023) : « Renewable Energy Statistics – Africa Focus »

African Energy Chamber (2023) : « African Energy Investment Trends »

Power China (2023) : « Annual Report on African Operatio