La Guinée Equatoriale, dont les priorités diplomatiques se sont éloignées des positions françaises, assure la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations Unies pour ce mois de février 2019.
Bien que connaissant son lot de crises et de conflits, l’Afrique a moins les honneurs du Conseil de sécurité des Nations Unies que d’autres régions tourmentées du monde. La teneur des débats devrait néanmoins y être différente en ce mois de février 2019.
Pour la première fois, la Guinée Equatoriale assume la présidence tournante du Conseil de sécurité et ce, jusqu’au début du mois de mars. Le coup d’envoi de cette présidence a été donné le 4 février dernier par le Président équato-guinéen, Teodoro Obiang, lors d’un discours consacré à un sujet rarement évoqué aux Nations Unies : la plaie que sont devenues les activités mercenaires en Afrique centrale. Il sait de quoi il parle : son pays a déjà subi quatre tentatives de coups d’Etat impliquant toutes des mercenaires. La dernière date de fin 2017 et avait pour but de l’assassiner lui et sa famille, comme il l’a rappelé ému. Avant de déplorer que ces « soldats de fortune » (et leurs financiers), dont l’objectif ultime est de s’approprier des ressources naturelles africaines, demeurent impunis.
Dans ce contexte, la présidence équato-guinéenne du Conseil de sécurité n’est pas anodine. Le pays s’est éloigné de la France, son principal partenaire depuis les années 90, et vient de signer un partenariat de « coopération pragmatique » avec la Chine. Les deux pays s’engagent à « se soutenir pour mieux protéger leurs propres intérêts essentiels » et les Chinois contribueront davantage à la » stratégie de diversification économique de la Guinée Equatoriale ». Un autre partenariat, tout aussi stratégique, est en gestation avec la Turquie de Recep Erdogan qui nourrit de (très) grandes ambitions africaines.
En outre, le président Obiang est, aux côtés du Rwandais Paul Kagamé, devenu l’ardent défenseur d’une Afrique libérée des anciennes tutelles coloniales et parlant d’égal à égal avec l’Occident.
Mais, pour l’heure, le représentant de la Guinée Equatoriale aux Nations Unies, Anatolio Ndong Mba, se veut magnanime : » cette présidence du Conseil de sécurité donnera plus de visibilité internationale aux questions d’une importance vitale pour la Guinée Equatoriale et le continent africain. » En clair, priorité à la sensibilisation de la communauté internationale aux maux du continent africain.
C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le programme de travail du Conseil arrêté après moults discussions pour le mois de février : débat de haut niveau sur les activités mercenaires en Afrique centrale, débat sur les crimes maritimes et un troisième débat, fin février, sur comment faire taire les armes en Afrique.
« En outre, en février » souligne Anatolio Ndong Mba, « les membres du Conseil de sécurité se déplaceront en Côte d’Ivoire et en Guinée Bissau. En Côte d’Ivoire, le Conseil se penchera sur la sortie de crise réussie du pays ainsi que sur le processus de consolidation de la paix et du développement. En Guinée Bissau, le Conseil veut encourager les efforts actuels du gouvernement et des acteurs politiques en vue des élections législatives du 10 mars et de l’élection présidentielle qui se tiendra cette année ».
Contrairement aux dossiers du Vénézuela, de la Birmanie, du Kosovo ou du Moyen-Orient, où les membres du Conseil de sécurité s’écharpent, l’ambassadeur équato-guinéen observe que l’unanimité est la règle « pour les crises humanitaires, la Libye, le Mali et le Sahel, la Somalie, la Guinée Bissau, la RDC, le Soudan ou les armes de destruction massive ».
Il en tient pour preuve le vote, le 31 janvier 2019, sur l’embargo sur les armes en Centrafrique : » Le vote favorable à la reconduction de cet embargo a été obtenu à l’unanimité de tous les membres du Conseil. Maintenant, avec la signature de l’accord de paix, peut-être que dans un futur proche, cet embargo sera reconsidéré. «
Si l’unité semble la règle entre la Guinée Equatoriale et la France aux Nations Unies –« les relations sont bonnes et normales au Conseil de sécurité » insiste Anatolio Ndong Mba – il en va autrement des relations bilatérales entre les deux pays.
A Malabo, on ne prend même plus de gants pour dénoncer les agissements d’un « petit groupe de diplomates français » qui, pour » d’obscures raisons « ,privilégient la condamnation de la Guinée Equatoriale dans le dossier des biens mal acquis à une normalisation des relations diplomatiques.
» Nous sommes arrivés à une situation ubuesque : la tentative de coup d’Etat mercenaire de fin 2017, dont le Président Obiang a parlé aux Nations Unies, a été préparée en France. Mon pays a demandé une entraide judiciaire à la France via le Quai d’Orsay pour faire la lumière sur certains faits et certaines implications. Mais il ne s’est rien passé. C’est sûr qu’ils doivent être bien embêtés : certains Equato-Guinéens qui font l’objet d’un mandat d’arrêt pour être mêlés à cette action terroriste essaient de se faire admettre comme partie civile dans le procès en appel des biens mal acquis qui devrait se tenir en 2019 à Paris. Ils ont été retoqués par la justice française en première instance mais continuent d’agir le plus sereinement du monde en France. Comment voulez-vous que l’on ne pense pas qu’ils sont protégés ? « tempête Miguel Oyono Ndong Mifumu, ambassadeur de Guinée Equatoriale en France. « On observe aussi que, contrairement à la tentative de coup d’Etat au Gabon en janvier dernier, les évènements de 2017 en Guinée Equatoriale n’ont pas suscité d’intérêt particulier en France. »
Chez les diplomates français, on n’est pas tendres non plus et la Guinée Equatoriale est même devenue un tabou. Un ancien ministre français des Affaires étrangères vient d’en faire l’étrange expérience auprès de certains diplomates en poste au Château. Lorsqu’il a voulu s’enquérir de ce qui se passait dans le dossier équato-guinéen, il s’est fait vertement rembarrer : » Toi, tu ne t’occupes pas de la Guinée Equatoriale ! »
Mais le plus cocasse reste à venir : c’est la France qui, en mars 2019, succédera à la Guinée Equatoriale à la tête de la présidence du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cela ne s’invente pas