La victoire de la ligne dure au sein du Hamas

Terré dans les tunnels de Gaza, Yahya Sinouar émerge comme le chef incontesté du Hamas. Le mardi 6 août, les instances dirigeantes du mouvement palestinien l’ont élu en effet à la tète du bureau politique pour succéder à Ismaïl Haniyeh assassiné à Téhéran dans une attaque attribuée à Israël. Depuis l’agression terroriste du 7 octobre 2023 contre l’Etat hébreu, que Yahya Sinouar a planifiée avec la branche armée du mouvement, l’insaisissable chef du Hamas dans la bande de Gaza imposait déjà une vision sans concessions lors des négociations pour un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne. 

Le Hamas est une organisation dont le système de fonctionnement opaque est divisé en deux branches, l’une politique et l’autre militaire. Ces deux ailes agissent, ces dernières années, de manière relativement indépendante l’une de l’autre, notamment dans les modalités de l’attaque du 7 octobre. Certes, les dirigeants « politiques » réfugiés au Qatar comme Ismaïl Haniyé, assassiné à Téhéran, ont assumé l’attaque terroriste déclenchée ce jour là par la branche militaire, mais en laissant la porte ouverte à la négociation. « Nous savions qu’il y aurait beaucoup de morts palestiniens, avait déclaré l’un d’eux au New York Times, mais il c’était la condition nécessaire pour ouvrir un nouveau chapitre. »
 
En assassinant le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyé, les Israéliens se privent d’une des passerelles de dialogue qui existent avec le mouvement extrémiste. La branche militaire de l’organisation palestinienne est plus que jamais seule aux commandes. 

Le Premier ministre israélien est parvenu à ses fins en éliminant des rares leaders du Hamas susceptible de négocier. Ce qui ferme les portes  à des progrès humanitaires (y compris pour les familles d’otages israéliens) ou à des avancées diplomatiques.

La politique du pire

Outre qu’il est parvenu à humilier les Iraniens en frappant un de leurs hôtes au coeur de Téhéran en les poussant à la vengeance et donc à la faute, Benjamin Netanyahu a noué une alliance objective avec la branche jusqu’au boutiste du mouvement palestinien dont il sait qu’elle ne veut à aucun prix, pas plus que lui même, d’un compromis politique. 

Le calcul cynique du Premier ministre israélien semble en passe de réussir avec la nomination de l’implacable chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinouar, à la tète du bureau politique. «Sa stratégie a été de monter l’opération du 7 octobre probablement pendant un an ou deux », explique à l’AFP Leïla Seurat, chercheuse au Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP) à Paris. Sa nomination redonne au mouvement, en le radicalisant, une unicité de commandement, et le soustrait aux influences qatarie, turque et égyptienne. Résultat, le mouvement palestinien est désormais complètement sous la coupe de l’Iran, auquel Sinouar est fortement attaché.

Par conséquent, la guerre dite de soutien, menée à partir du Liban-Sud par le Hezbollah, ne peut que se poursuivre, en augmentant ainsi les risques d’une escalade à grande échelle. Ce que souhaite au fond le Premier ministre israélien adepte de la fuite en avant militaire quilui permet de rester à la tète de l’État hébreu malgré une impopularité grandissante 

Qatar et Égypte sur le banc de touche

Grands perdants sur le plan diplomatique après l’assassinat commis pat les Israéliens, le Qatar et l’Égypte, indiquent des sources du site libanais « Ici Beyrouth » (partenaire de « Mondafrique »), sont désormais persuadés qu’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, et à fortiori un accord de paix, sont impossibles tant que Benjamin Netanyahou restera à la tête du gouvernement israélien et que Yahya Sinouar et ses alliés de la branche militaire tiendront le Hamas. Les diplomates à Doha et au Caire ne cachent pas qu’ils très déçus par le rôle des États-Unis dans la région.  » Les pressions exercées sur le Premier ministre israélien, poursuivent nos confrères, sont jugées largement insuffisantes pour le convaincre d’accepter un cessez-le-feu. En effet, Washington aurait dû interrompre complètement ses envois de munitions à Israël afin de le contraindre à mettre fin aux combats ».

Dans ce contexte et en supposant que les pressions américaines n’aboutissent pas, les Palestiniens de Gaza continueront de payer le prix fort. La guerre au Liban-Sud se poursuivra sans que les efforts pour appliquer la résolution 1701 de l’ONU ne se concrétisent. Le Liban, de son côté, tente en vain de limiter les répercussions de cette situation en mobilisant tous les soutiens, qui visent à éviter une guerre à grande échelle.

Mais tous se heurtent désormais à cet axe du mal forgé par la fraction terroriste du Hamas et les plus extrémistes des Israéliens..

Mondafrique a reçu un commentaire de Xavier Houzel, chroniqueur parfois sur notre site et en désaccord avec l’analyse parue ci dessus

L’Organisation du Hamas ne m’a jamais paru si opaque ça – elle ne l’est pas plus que celle du Fatah – on h procède par vote et celui-ci est respecté.) Les spécialistes la trouvent même transparente : Yahya Sinouar n’avait plus rien à cacher et sa nomination à la place d’Haniyeh simplifie les choses. On le dit pragmatique et favorable au cessez-le-feu dans des conditions que tout le monde connaît et dont la plupart sont frappées au coin du bon sens

Aussi fais-je le pari avec vous que sa nomination devrait accélérer les choses. Il a des dizaines d’années d’expérience de la société israélienne, de sa culture, de ses forces et de ses faiblesses, et il dispose en son sein d’un réseau de “connaissances” qui pourraient se révéler très utiles.

Il sait parfaitement, en revanche, que Netanyahou s’est juré qu’il n’y aurait jamais d’État Palestinien (ce en qui il est farouchement soutenu par les ministres ultras).

Les détails sur lesquels achoppent les pourparlers ne sont là que pour amuser le terrain, la seule question qui compte de part et d’autre est le principe d’un État souverain distinct de celui d’Israël, question sur laquelle Mahmoud Abbas a capitulé, raison pour laquelle l’unité est difficile à trouver parmi les mouvements Palestiniens, dont on dénombre une quinzaine.

Au fond, la branche politique du Hamas s’est efforcée d’agir depuis 9 mois comme un médiateur, au même titre que les Services de Renseignement (supposés impartiaux) des autres protagonistes auto-désignés.

Et on les a laissés faire. Dieu merci, la France n’a pas été embarquée dans de tels faux-semblants.

D’après les interlocuteurs que j’ai des deux côtés, il n’y a plus et il n’y a toujours eu que l’enjeu des « deux États ». La partie palestinienne a fait des efforts de conciliation du genre « confédération », « espaces sous condominium », « espace territorial partagé de type Schengen », etc. En vain.

Netanyahou veut … tout, du Jourdain jusqu’à la Mer, ce qui n’a rien à voir avec la personnalité de Sinouar, de son passé ou de son avenir.

Mon analyse aboutit à une conclusion inverse de la vôtre. J’opte pour la reprise la plus rapide possible des pourparlers mais dans un cadre et avec un format peut-être différents, voire inattendus.

Ce serait d’ailleurs le meilleur et même le seul moyen d’enrayer in extremis l’actuelle dérive vers l’insensé.

La balle est dans le camp d’Antony Blinken, qui sait ce qu’il a à faire.

Des milices au service de l’Iran dans tout le Moyen Orient