La semaine culturelle africaine en sept coups de projecteur !

Des films poignants aux festivals rassembleurs, du théâtre engagé aux arts visuels novateurs, découvrez comment une nouvelle génération d’artistes repousse les limites et propulse la richesse des cultures africaines sur la scène internationale. La sélection de la rédaction vous invite à un voyage envoûtant au cœur de la créativité bouillonnante du continent africain.

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1- WeLoveEya 2024 : Cotonou, capitale de la musique urbaine

La troisième édition du Festival WeLovEya, les 27 et 28 décembre à Cotonou, promet deux jours de musique urbaine et Afrobeat avec des stars internationales, des initiatives sociales et plus de 50 000 festivaliers attendus à la Place de l’Amazone.

Les 27 et 28 décembre 2024, la Place de l’Amazone à Cotonou deviendra le cœur battant de la musique urbaine et Afrobeat pour la troisième édition du Festival WeLovEya. Avec une quarantaine d’artistes à l’affiche, le public aura l’occasion d’assister à des performances de grands noms tels que Ninho, Dadju & Tayc (Héritage Tour), Franglish, Vegedream, Tiakola, et des stars africaines comme Omah Lay, Innoss’B, Fanicko et Dibi Dobo. Ce festival incarne à la fois une fête musicale et un engagement communautaire fort : des jeunes peuvent obtenir des billets gratuits en participant à des actions locales, et les bénéfices sont réinvestis dans des projets sociaux, comme la construction de centres communautaires Eya au Bénin. Créé en 2022 par Lionel Talon, WeLovEya s’est rapidement imposé comme un événement phare, non seulement pour la qualité de ses spectacles, mais aussi pour sa contribution au développement local. Pour cette édition, les organisateurs attendent une affluence record de plus de 50 000 festivaliers, confirmant le statut du festival comme le plus grand rendez-vous urbain et Afrobeat de la sous-région. La billetterie propose des options accessibles à tous, incluant des jeux-concours et des initiatives favorisant l’accès des communautés locales.

2- Mother Africa Festival :  l’Afrique s’invite à Abidjan

Les 27 et 28 décembre, Abidjan accueille la troisième édition du Mother Africa Festival. Musique, gastronomie ivoirienne, et activités culturelles se mêlent dans une ambiance festive à Mother Africa Beach, avec une programmation artistique exceptionnelle et 20 000 visiteurs attendus.

Les 27 et 28 décembre 2024, Abidjan accueillera le Mother Africa Festival, devenu en seulement trois éditions le plus grand événement musical de Côte d’Ivoire. Installé à Mother Africa Beach, dans la zone 4 de Marcory, ce festival propose une expérience culturelle immersive, où musique, art, gastronomie et tradition se rencontrent. À l’affiche cette année, des artistes de renom comme Dadju & Tayc avec leur Héritage Tour, Tiakola, Widgunz, et Team Baby LAB assureront des performances mémorables. Le Mother Africa Festival va au-delà de la musique : les festivaliers pourront participer à des cours de danse, admirer des peintures réalisées en direct, ou encore se faire photographier en tenues traditionnelles africaines. Un village artisanal présentera des créations uniques, idéales pour des souvenirs authentiques. Côté gastronomie, le festival met à l’honneur la cuisine ivoirienne, avec des stands proposant des plats emblématiques tels que l’attiéké, le plantain, et diverses viandes, sans oublier des options végétariennes.
En attirant plus de 20 000 visiteurs chaque année, cet événement célèbre la diversité culturelle africaine dans une ambiance conviviale et moderne. Les billets, accessibles à partir de 10 000 F CFA, permettent au festival de se positionner comme un rendez-vous incontournable de la scène culturelle en Côte d’Ivoire.

3- AfroFuture Festival : Accra célèbre la diaspora africaine

Les 28 et 29 décembre, l’AfroFuture Festival rassemble à Accra artistes, créateurs et innovateurs de la diaspora africaine. Arts visuels, gastronomie ghanéenne, et performances musicales offriront une expérience unique célébrant l’héritage et l’avenir culturel africain au stade El Wak.

Les 28 et 29 décembre 2024, l’AfroFuture Festival transformera le stade El Wak d’Accra en un espace dédié à l’art, à la musique et à la créativité africaine. Véritable ode à la diaspora, cet événement mettra en lumière des artistes, designers, musiciens, et entrepreneurs venus de tout le continent africain et de ses communautés à travers le monde. Les visiteurs pourront admirer des expositions artistiques mêlant esthétique traditionnelle et moderne, des installations visuelles innovantes, et des défilés de mode mettant en avant les créations de stylistes africains émergents. Sur le plan culinaire, l’AfroFuture Festival propose une immersion dans la gastronomie ghanéenne, avec des stands offrant des plats emblématiques tels que le jollof rice, le waakye et des poissons frais. Des démonstrations culinaires par des chefs renommés et des ateliers interactifs permettront aux visiteurs d’explorer les saveurs uniques du Ghana.
En seulement quelques années, AfroFuture s’est imposé comme l’un des plus grands festivals culturels du continent, combinant innovation et héritage. Les billets VIP offrent des avantages exclusifs, notamment des espaces lounge et des rencontres avec des artistes. Avec une programmation variée comprenant ateliers de danse, sessions de peinture en direct, et un marché artisanal, ce festival célèbre pleinement la richesse et la diversité des cultures africaines, tout en offrant une vision résolument tournée vers l’avenir.

4- Le Burkina réinvente son cinéma : une révolution nommée ABCA

Fusion historique dans le 7e art burkinabè : une super-agence voit le jour pour propulser les talents africains sur la scène mondiale. L’ABCA promet de révolutionner la production nationale en unifiant les forces du pays.

C’est une petite révolution qui secoue le pays de Thomas Sankara. En fusionnant le prestigieux FESPACO, l’Institut supérieur de l’image et du son, et le Centre national de la cinématographie, le Burkina Faso crée un géant du cinéma africain : l’ABCA. Une ambition ? Transformer la « terre du cinéma africain » en véritable usine à rêves du continent. Cette nouvelle agence ne fait pas dans la demi-mesure. Premier chantier : la création d’un fonds spécial pour financer les projets les plus audacieux, du développement jusqu’à l’exploitation. Une bouffée d’oxygène pour les réalisateurs qui manquaient cruellement de ressources. L’ABCA innove aussi avec une billetterie nationale ultramoderne, véritable révolution dans la gestion des recettes du cinéma africain. Le patrimoine n’est pas oublié. L’agence se donne pour mission de protéger et valoriser les trésors du cinéma burkinabè, tout en développant les collaborations internationales. Un pont entre tradition et modernité, qui fait la part belle à la formation : les futurs talents du cinéma africain seront formés aux dernières technologies de l’image et du son. Le FESPACO continuera de faire vibrer Ouagadougou en février 2025, mais sous une nouvelle bannière. Cette restructuration, loin d’être une simple réforme administrative, incarne l’ambition d’une nation : faire du Burkina Faso l’épicentre du renouveau cinématographique africain. L’ABCA, c’est le pari d’un cinéma burkinabè moderne et ambitieux, capable de conquérir les écrans du monde entier tout en restant fidèle à ses racines. Ici, ce seront désormais les histoires du continent qui s’écriront, se filmeront et se diffuseront.

5- Zoom sur deux courts-métrages autour de l’exil

Deux courts-métrages bouleversants lèvent le voile sur les destins migrants. Entre rêves de jeunesse au Caire et combats d’une mère en France, ces œuvres explorent avec finesse les fractures et les espoirs de l’exil.

C’est un double regard saisissant sur l’expérience migrante que nous offrent les réalisateurs Morad Mostafa et Mariame N’Diaye. Leurs courts-métrages, primés dans les festivals internationaux, capturent avec une rare sensibilité les espoirs et les déchirements de ceux qui cherchent leur place loin de chez eux.

Dans Je te promets le paradis, nous suivons Eissa, 17 ans, qui fend les rues du Caire à moto. Un jeune migrant africain dont la caméra de Mostafa épouse les rêves et les désillusions avec une poésie brute, récompensée au Festival de Sapporo pour sa photographie exceptionnelle. Le film nous plonge dans le quotidien électrique d’une jeunesse qui slalome entre les attentes de sa communauté et les dures réalités de l’exil. Un portrait vibrant qui a conquis le jury du festival « Un poing c’est court » et s’est frayé un chemin jusqu’à la prestigieuse sélection « Regards d’Afrique » de Clermont-Ferrand.

Plus intime mais tout aussi percutant, Langue maternelle nous transporte dans le Paris des années 80. Mariame N’Diaye y dépeint le combat de Sira, une mère malienne de 26 ans, face à un système éducatif qui menace de placer sa fille Abi en classe d’adaptation. En 24 minutes intenses, le film tisse une toile complexe où la langue devient personnage principal : le soninké, héritage précieux et cordon ombilical avec le pays natal, se heurte au français, clé d’un avenir meilleur. Cette danse linguistique, avait d’ailleurs conquis le Festival Dakar Court 2023, où le film a décroché le Prix du meilleur film francophone. Au-delà de leurs différences, ces deux œuvres partagent une même obsession : capturer l’âme de l’exil dans toute sa complexité. D’un côté, la fougue d’un adolescent qui brave le chaos cairote sur sa moto, portant les espoirs de tous les siens. De l’autre, le combat silencieux mais acharné d’une mère qui refuse de voir sa fille perdre ses racines tout en cherchant sa place dans la France des années 80.
Ces films nous rappellent que la migration n’est pas qu’une traversée géographique, mais une transformation profonde de l’être. À travers leurs objectifs sensibles, Mostafa et N’Diaye capturent ces moments où l’identité vacille, où les rêves se heurtent à la réalité, où la résilience devient art de vivre. Une leçon de cinéma, mais surtout un hymne à ces vies qui, entre deux mondes, inventent leur propre paradis.

6- Tiens ton cœur de Kouam Tawa : quand l’amour défie l’exclusion

Kouam Tawa explore la mémoire, l’amour et l’exclusion dans Tiens ton cœur, un monologue puissant présenté en création mondiale aux Zébrures d’Automne et publié chez Le Manteau et la Lyre.

Avec Tiens ton cœur, Kouam Tawa, poète et dramaturge franco-camerounais, livre une œuvre profondément humaine alliant théâtre et poésie. Créée en septembre 2024 lors des Zébrures d’Automne à Limoges, cette pièce inaugure la nouvelle collection Fleuve sans chapeau des éditions Le Manteau et la Lyre/Obsidiane.

Le monologue, porté par Marianne, est un chant d’amour dédié à son défunt mari, Sikali. Leur rencontre improbable dans un camp de migrants, alors que Marianne cherchait un sens à sa vie, a donné naissance à une relation transcendant les frontières sociales et culturelles, nourrie par leur passion commune pour le théâtre.

Mais la mort brutale de Sikali révèle une vérité douloureuse : Marianne, auparavant accueillie chaleureusement par la belle-famille, est soudainement rejetée et accusée. Elle devient une étrangère dans un foyer qu’elle considérait comme sien.

Face à ce rejet et à un procès symbolique où elle est sans défense, Marianne refuse de se taire. Fidèle à la mémoire de son mari, elle trouve dans les mots la force de réaffirmer son humanité. Dans un style scandé et imagé, Tawa donne à Marianne une voix qui transcende la douleur et interroge les rapports de pouvoir et d’exclusion.

Tiens ton cœur est une pièce ancrée dans les réalités sociales et culturelles, explorant des thèmes universels tels que la fidélité, le deuil et la mémoire. Tawa peint avec finesse la violence émotionnelle subie par Marianne, invitant à réfléchir sur notre rapport à l’autre et à la différence.

Publiée en parallèle de sa création théâtrale, l’œuvre conserve toute sa force sur la page. Le texte, porté par une langue poétique et viscérale, transporte le lecteur dans un voyage émotionnel intense.

Tiens ton cœur est une œuvre qui transcende les frontières du théâtre et de la littérature. Cette pièce personnelle et universelle marque un jalon important dans la carrière de Kouam Tawa, confirmant son talent d’artisan du verbe capable d’émouvoir profondément.

7- Dans Les Tempêtes, l’Algérie fait face à ses fantômes

Dans son premier long-métrage, Dania Reymond-Boughenou utilise le fantastique pour explorer les traumatismes de la guerre civile algérienne. Une tempête de sable mystérieuse ramène les morts parmi les vivants, dans une fable aussi puissante que poétique.

C’est dans un pays imaginaire balayé par d’étranges tempêtes de sable jaune que Dania Reymond-Boughenou choisit d’exorciser les démons de la décennie noire algérienne. Un choix forcé – l’Algérie lui ayant refusé l’autorisation de tournage – qui se révèle être une bénédiction créative pour ce premier film, aussi ambitieux que maîtrisé.

Au cœur de cette tempête surnaturelle, nous suivons Nacer, journaliste hanté par son passé, magistralement incarné par Khaled Benaissa. Alors qu’il enquête sur ces phénomènes mystérieux, son monde bascule : Fajar, son épouse assassinée quinze ans plus tôt pendant la guerre civile, réapparaît. Face à ce fantôme incarné avec justesse par Camélia Jordana, le passé et le présent s’entremêlent dans une danse troublante qui bouleverse toutes les certitudes. 

La réalisatrice, qui a elle-même fui l’Algérie à 11 ans en 1994, transforme son trauma personnel en une fable universelle. La poussière jaune qui envahit l’écran devient le symbole puissant des secrets enfouis par la Charte pour la paix de 2005, cette loi du silence imposée sur les violences passées. Les vagues qui roulent à l’envers et les morts qui reviennent parmi les vivants traduisent, avec une poésie saisissante, l’impossibilité du deuil dans une société qui refuse de regarder ses fantômes en face.

La mise en scène déploie une atmosphère envoûtante où chaque grain de sable semble porteur de mémoire. À mesure que les tempêtes s’intensifient, le film monte en puissance, portant ses personnages vers une confrontation inévitable avec leur passé. La photographie transforme ce pays imaginaire en un théâtre où se jouent les traumatismes d’une nation entière. 

S’inspirant du chef-d’œuvre Take Shelter de Jeff Nichols, Reymond-Boughenou évite l’écueil du film historique pesant pour créer une œuvre singulière où le fantastique sert de vecteur à la mémoire.

Dans ce pays balayé par les vents, c’est toute l’Algérie qui se débat avec ses démons. Les performances de Benaissa et Jordana donnent chair à cette quête impossible de réconciliation avec le passé. Leur jeu tout en nuances traduit la complexité d’une société prisonnière de ses non-dits. 

Les Tempêtes s’impose ainsi comme une œuvre majeure sur le travail de mémoire, utilisant les codes du cinéma de genre pour parler d’une blessure encore vive. À travers cette approche sensitive et poétique, Dania Reymond-Boughenou réussit à créer une œuvre singulière qui utilise le genre fantastique pour aborder des questions mémorielles complexes, offrant ainsi une réflexion nuancée sur la façon dont une société peut – ou non – se réconcilier avec ses fantômes.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)