L’ambassadeur de Russie en Centrafrique Vladimir Titorenko s’illustre par des méthodes agressives aux antipodes des usages diplomatiques et s’en prend violemment à Anicet Georges Dologuélé, chef de l’opposition interne au Président Touadera.
Vladimir Titorenko est né le 6 août 1958 à Moscou. Diplômé de l’institut d’État des relations internationales de Moscou (МГИМО) en 1981, il commence la même année à travailler au ministère des Affaires étrangères d’URSS. En 1994, Titorenko publie sa thèse sur la politique étrangère égyptienne de l’après Nasser. Ce diplomate arabophone, francophone et anglophone occupe entre 1994 et 1999 un poste de conseiller à l’ambassade de Russie en Irak. Ensuite, il devient conseiller en chef du département du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord du ministère des Affaires étrangères (1999-2000) puis Directeur adjoint de ce Département (2000-2002).
« L’Ordre du courage » en Irak
A partir du 29 Mars 2002, Vladimir Titorenko est nommé au poste d’ambassadeur de Russie en Irak. Après l’invasion de l’Irak par l’armée américaine et ses alliés en mars 2003, la mission diplomatique russe reste à Bagdad jusqu’à ce que les forces de la coalition attaquent la ville. Lors de l’évacuation de l’ambassade, qui débute le 6 avril 2003, le convoi diplomatique essuie les tirs des troupes américaines et plusieurs personnes ont été blessées, dont Titorenko lui-même. Titorenko sera à la suite de cet évènement décoré par Vladimir Poutine de l’Ordre du courage.
Le 8 Décembre 2003, il est nommé ambassadeur de Russie en Algérie, une fonction qu’il occupera jusqu’au 15 Février 2007 avant d’être nommé Directeur adjoint du Département des défis et menaces émergents au Ministère russe des Affaires étrangères.
Chicayas avec les Qataris
Le 9 Novembre 2009, Vladimir Titorenko est nommé ambassadeur de Russie au Qatar. Le 29 novembre 2011, il est arrêté par les autorités locales qui cherchent à le forcer à ouvrir sa valise diplomatique, ce qu’il refuse. Après une altercation brutale sur fond de différends avec les Qataris au sujet de la crise syrienne, Moscou rappelle Titorenko au début de l’année 2012.
Il occupera ensuite les fonctions de Directeur adjoint du Département de l’appui linguistique (jusqu’en 2013) puis Directeur adjoint du département Centre de crise situationnelle au Ministère des Affaires étrangères russes.
Centrafrique, une dernière affectation.
Le 15 Janvier 2019, Vladimir Titorenko est nommé ambassadeur de Russie en République Centrafricaine remplaçant à ce poste à l’âge Sergei Lobanov. Fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères originaire de Moscou alors âgé de 60 ans, Titorenko ne peut que constater à son arrivée l’influence très importante du conseiller en sécurité à la Présidence centrafricaine Valery Zakharov. Lequel Zakharov, originaire de Saint Pétersbourg, dirige les éléments russes affectés à la garde présidentielle. Très présent dans la vie politique centrafricaine, il rend compte depuis 2018 à Yevgeny Khodotov et Yevgeny Prigozhin, le sulfureux homme d’affaires proche de Vladimir Poutine considéré́ comme le dirigeant et financier officieux de la société́ PMC Wagner qui intervient en Centrafrique.
Proche du Premier Ministre Firmin Ngrebada, l’expérimenté fonctionnaire du MAE russe Titorenko – pour qui la RCA est probablement la dernière affectation – n’entend pas pour autant s’effacer devant Zakharov. Il entend bien au contraire s’illustrer dans les médias et adopte pour cela une dialectique guerrière bien loin des usages diplomatiques que cultive à l’inverse Zakharov.
L’Union Européenne dans le viseur
Le 29 août 2019, dans une interview accordée au journal local Ndjoni Sango, Titorenko explique ainsi que le rôle des instructeurs russes aux côtés des FACA selon lui comble les failles de la formation donnée par la mission européenne d’entrainement EUTM-RCA. Il n’hésite pas à affirmer au cours de cette interview que « cette formation est assez faible, pour cela après avoir passé la formation à l’EUTM, il est indispensable de les reformer, ce à quoi s’attèle les instructeurs russes. »
Le 19 Mars 2021, dans une interview accordée au média RFI, Titorenko déclare sans sourciller que « la société Wagner est le produit d’une imagination, cela n’existe pas. Selon la loi russe, les sociétés militaires privées sont interdites. Ici, il y a une mauvaise compréhension. Les instructeurs russes ne travaillent pas comme les représentants d’une société privée de la Russie, mais ils travaillent selon leur contrat, avec le ministère de la Défense. Ils ne peuvent être considérés, ni comme des mercenaires ni comme des représentants de sociétés privées militaires ».
Le chef de l’opposition agressé
Dans une conférence de presse tenue à Bangui le 29 mars 2021, à la veille de l’investiture de Faustin-Archange Touadera, Vladimir Titorenko a non seulement accusé le chef de file de l’opposition centrafricaine, Anicet Georges Dologuélé, d’être de connivence avec la rébellion de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC). Le diplomate s’en est pris également au Tchad qui ne jouerait selon pas pas franc jeu avec son voisin centrafricain en ne sécurisant pas sa frontière sud.
Après que Dologuélé se soit exprimé sur cette sortie dénonçant une ingérence dans les affaires intérieures de la RCA (« Je suis scandalisé, je suis indigné parce que c’est un ambassadeur. Il est accrédité auprès des autorités de mon pays, Il n’a pas à donner son opinion sur les gens. Et il n’a pas à inventer des histoires sur les hommes politiques. Il sort complètement de son rôle, parce qu’il n’est pas là pour donner des bons ou des mauvais points. ») et que le Tchad ait officiellement condamné les propos de l’ambassadeur Titorenko, celui-ci a de nouveau jeté de l’huile sur le feu.
Lors d’une audience accordée au Président Touadéra le 2 Avril 2021, Titorenko a ainsi répliqué en ces termes : « Je voudrais utiliser cette chance pour m’adresser à M. Dologuélé́ qui hier a déclaré́ que l’ambassadeur de Russie se croit plus centrafricain que les centrafricains. Je veux lui dire que c’est vrai parce que la Russie, l’ambassadeur russe et chaque russe sont beaucoup plus centrafricain que lui qui a soutenu Bozizé́ et qui a demandé́ la démission du Président, du gouvernement. La Russie et les russes sont centrafricains comme ceux qui sont loyaux pour le gouvernement légitime et le Président de la République. »
Alors que le Président centrafricain vient tout juste d’être investi pour un second mandat dans un contexte politique et sécuritaire extrêmement tendu, cette escalade verbale inquiète les observateurs politiques qui craignent que ces provocations ne viennent encore plus exacerber les tensions au sein de la société centrafricaine et dans la sous-région et ne sape le nécessaire dialogue avec les forces vives de la nation.