La reconnaissance d’Israël par l’Arabie Saoudite semble – apparemment – en bonne voie. Voilà quelques jours, le ministre du Tourisme israélien Haim Katz s’est rendu ouvertement en Arabie Saoudite ou il a été accueilli chaleureusement. Il est le premier membre d’un gouvernement israélien à voyager (officiellement) au royaume des Saoud alors que les deux pays s’ignorent au plan diplomatique.
Depuis plusieurs mois déjà, les avions civils israéliens sont autorisés à survoler l’espace aérien saoudien ; et dans quelques jours, deux autres membres du Likoud, le parti de Benjamin Netanyahu, devraient se rendre à une conférence de l’Union postale universelle à Ryadh. Il s’agit du ministre des Communications Shlomo Karhi, et du député David Bitan.
La reconnaissance mutuelle semble donc une affaire qui roule. En réalité, rien n’est simple. Les Saoudiens ne signeront rien avec Israel s’ils n’obtiennent pas satisfaction des Etats Unis sur trois sujets importants pour eux : un traité d’assistance militaire en cas d’agression d’un pays tiers (surtout l’Iran), une aide à la mise en place d’une industrie du nucléaire et un libre accès au catalogue militaire américain. Sur ces trois dossiers, deux sont très sensibles : l’assistance militaire et le nucléaire.
Coté israélien, des réticences peuvent également surgir. En effet, Joe Biden insiste vigoureusement pour qu’un accord entre Israël et l’Arabie Saoudite soit lié à la création d’un Etat palestinien. Selon le président américain, l’un n’irait pas sans l’autre.
Peu importe au président démocrate que Mahmoud Abbas ait raté toutes les occasions qui lui ont été offertes de présider un Etat vivant en paix aux côtés d’Israël et peu importe qu’il soit détesté par une population palestinienne qui se sent plus représentée par les islamistes du Hamas que par les laïcs corrompus de l’Autorité Palestinienne.
La pression américaine sur Israël de négocier la création d’un Etat palestinien n’émane pas seulement des Etats Unis. Cette semaine, l’ambassadeur itinérant saoudien auprès de l’Autorité palestinienne (AP), Nayef al-Sudairi, a annoncé « travailler à la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale ». Il a également mentionné le discours prononcé la semaine précédente par le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal bin Farhan aux Nations Unies « concernant l’importance de la question palestinienne et sa solution sur la base de la solution à deux États menant à la création de l’État de Palestine ».
La normalisation des relations entre l’État hébreu et la première puissance du monde arabe est une affaire considérable pour Israël. Car elle ouvre la voie à une pacification de ses relations avec l’ensemble du monde arabe.
Mais la question palestinienne pourrait faire obstacle au rapprochement. Ni Benjamin Netanyahou, ni les membres de sa coalition, ni l’immense majorité du peuple israélien (à l’exception de l’extrême gauche) ne considèrent que l’Autorité Palestinienne soit un partenaire pour la paix. Et les sionistes religieux qui composent la coalition au pouvoir ont déjà fait savoir qu’il n’était pas question pour eux de négocier une quelconque cession de territoire de Cisjordanie à Mahmoud Abbas.
Les options qui s’offrent donc à Benjamin Netanyahou sont peu nombreuses. La première serait d’espérer que les dirigeants de l’AP se contenteront des aides que les Saoudiens et les Américains sont prêts à déverser sur eux. En gros, il s’agirait d’acheter le silence des Palestiniens sur la formation d’un réalignement historique des alliances au Moyen Orient. En échange, les Palestiniens obtiendraient une réfection des routes, des investissements dans les télécoms, une augmentation des permis de travail en Israël… et beaucoup d’argent pour financer une administration clientéliste et pléthorique.
Mais si les Palestiniens réclament – outre les aides – un Etat administrant un territoire plus vaste , alors ils posent un redoutable problème à l’actuel premier ministre d’Israël. Benjamin Netanyahu sait parfaitement que ses partenaires (religieux et sionistes religieux) n’accepteraient pas de concessions territoriales significatives aux Palestiniens. Céder la moitié de Jérusalem serait considéré par eux comme une trahison et un cas de rupture d’alliance manifeste.
Si Netanyahu ne parvient pas à faire passer à ses actuels alliés politiques, l’idée qu’un accord avec les Saoudiens vaut tous les sacrifices, il n’aura alors pas d’autre choix que de rejeter cet accord qui aurait couronné ses trois décennies de vie publique.
Il ne lui restera plus alors que la possibilité d’obtenir un vote majoritaire à la Knesset avec les voix de ses opposants au parlement israélien, la Knesset, mais il provoquerait ainsi l’effondrement de sa coalition. Avec la contrainte d’organiser de nouvelles élections… qu’il n’est pas du tout sur de gagner.