La Minusca pourrait quitter la Centrafrique

Un retrait massif de casques bleus menace la stabilité électorale en Centrafrique

Par la rédaction de Mondafrique 

À quelques mois des élections générales prévues en décembre, la République centrafricaine fait face à une onde de choc diplomatique et sécuritaire. L’ONU envisage de retirer près de 4 000 casques bleus de la MINUSCA, sa mission de stabilisation dans le pays, soit près d’un tiers des effectifs militaires. Une décision qui, selon de nombreux observateurs, pourrait compromettre le fragile équilibre sécuritaire et institutionnel du pays.

Ce retrait s’inscrit dans le cadre de la réforme UN80, impulsée par une politique de rigueur budgétaire amorcée sous l’administration Trump. Les États-Unis, premier contributeur financier aux opérations de paix, ont annulé 361 millions de dollars de financement pour la période 2024–2025. Une nouvelle structure, l’America First Opportunity Fund, pourrait rediriger ces fonds vers des priorités strictement américaines, laissant la MINUSCA dans une impasse budgétaire.

Au-delà des militaires, la mission prévoit également une réduction de 25 à 30 % de ses effectifs civils. Environ 60 % du budget de la MINUSCA est consacré aux salaires et indemnités, et les dépenses sur le terrain sont désormais soumises à des restrictions drastiques. La cheffe de mission, Valentine Rugwabiza, a lancé un appel aux principaux bailleurs — Chine, Japon, France — pour éviter un désengagement brutal. Mais Pékin, deuxième contributeur, ne prévoit pas de compenser la baisse américaine.

Sur le terrain, la situation reste préoccupante. Malgré un accord de paix signé récemment, des foyers de violence persistent dans les régions de Vakaga et Zémio. Des miliciens zandés affrontent régulièrement les Forces armées centrafricaines (FACA) et les paramilitaires russes du groupe Wagner. En mars dernier, un casque bleu kényan a été tué lors d’une embuscade. Les chancelleries occidentales redoutent que les bases abandonnées par la MINUSCA soient récupérées par Wagner ou Africa Corps, renforçant l’influence de Moscou dans le pays.

Le retrait envisagé intervient alors que la RCA s’apprête à organiser des élections présidentielle, législatives et locales. La MINUSCA joue un rôle clé dans la sécurisation des bureaux de vote, la protection des électeurs et la logistique électorale dans les zones reculées. Sans sa présence, de nombreuses régions pourraient devenir inaccessibles, exposées à l’intimidation des groupes armés.

« Abandonner le terrain maintenant reviendrait à renoncer aux progrès démocratiques réalisés ces dernières années », confie un diplomate occidental sous couvert d’anonymat. L’Autorité nationale des Élections, bien qu’ayant couvert 11 des 20 préfectures dans la révision des listes, reste fragile et dépendante du soutien technique international.

La décision finale sur le retrait des 4 000 casques bleus sera un test décisif pour l’engagement de la communauté internationale pour la bonne tenue de ces élections en Centrafrique. À l’approche du scrutin, le dilemme est clair : maintenir une présence minimale pour garantir un vote libre et inclusif, ou prendre le risque d’un processus électoral chaotique entre peur et instabilité…

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)