Comme Mondafrique l’avait annoncé, le 15 avril 2020, l’actuel ministre mauritanien des Affaires étrangères présente un profil qui semble de plus en plus intéresser Antonio Guterres pour succéder à Ghasam Salamé, comme Envoyé spécial de l’ONU en Libye. Outre les qualités personnelles d’Ismail ould Cheikh Ahmed, la forte implication dans le dossier libyen, de Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani, chef de l’État de la République islamique de Mauritanie, n’est pas étrangère à cette pôle position. La prudence reste toutefois de mise avec la paralysie du Conseil de sécurité due aux entraves entre les cinq membres permanents et aux interférences extérieures.
La proposition d’Antonio Gutteres de nommer l’ancien ministre des Affaires Etrangères algérien, Ramtane Lamamra, comme Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la Libye, n’ayant pu aller à son terme, la succession de Ghassam Salamé reste ouverte.
Dans les couloirs onusiens plusieurs noms circulent, surtout pour évaluer les réactions. Parmi ceux-ci, il y a celui du ministre mauritanien des affaires étrangères, Ismail ould Cheikh Ahmed. Le » jeu de quilles » est toutefois loin d’être terminé.
La tâche ardue d’Antonio Gutteres
La tâche d »Antonio Gutteres n’est pas simple. La crise libyenne qui oppose militairement le « Gouvernement d’entente nationale » de Tripoli, dirigé par Fayez al-Sarraj, au maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle notamment la Cyrénaïque, est aussi le théâtre d’affrontements entre leurs alliés respectifs. L’ONU, l’Union africaine, l’Égypte la Russie, les Etats-Unis d’Amérique, la Turquie, la France, l’Italie, l’Union européenne, les Etats du Golfe , l’Algérie sont présents avec leurs soutiens à l’un ou l’autre des deux belligérants. Ghassam Salamé était épuisé devant les accords successifs non-respectés et ces enchevêtrements diplomatiques, parfois à géométrie variable, d’une crise qui dure depuis 2011, avec la disparition de Mouammar Khadafi.
Le portrait-robot du candidat idéal pour ce poste délicat pourrait se rapprocher de celui d’un diplomate expérimenté, appartenant plutôt à un pays du monde arabe non engagé dans le conflit actuel, ayant déjà fait preuve de ses grandes capacités de médiation et pouvant présenter des états de service appréciés au sein du système des Nations Unies. Le cv de l’actuel ministre des affaires étrangères mauritanien se rapproche de ce portrait-robot.
Le chef d’État mauritanien investi dans la crise libyenne
En peu de temps, le président mauritanien Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani s’est construit une stature internationale qui force le respect. Dans le dossier du Sahara occidental, il a rétabli une neutralité agissante entre les différents protagonistes, avec le concours de son ministre des affaires étrangères, qui a confirmé, à cette occasion, ses grandes qualités de diplomate. Le président Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani s’est résolument impliqué dans le G5 Sahel dont il est devenu le président en exercice, depuis février 2020. Le président mauritanien s’est aussi investi pour résoudre la crise libyenne. Le président congolais, Denis Sassou-Nguesso, en sa qualité de président du Comité de haut niveau et facilitateur de l’Union africaine pour la crise en Libye, a tenu à recevoir le renfort du président mauritanien, ancien chef d’état-major de l’armée de son pays, homme de consensus et non inféodé à une quelconque puissance, notamment impliquée dans le conflit libyen. Lors de la réunion du Comité de haut niveau, du 30 janvier 2020 à Brazzaville, Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani a plaidé pour un rôle accru de l’Union africaine, en liaison étroite avec l’ONU. Beaucoup plus que Denis Sassou-Nguesso, le rôle du président mauritanien devient incontournable dans le dossier libyen.
Ismail ould Cheikh Ahmed, l’outsider
L’actuel ministre des affaires étrangères de Mauritanie, n’est pas candidat, ce qui plaide déjà en sa faveur. Diplomate de carrière, il avait été nommé à ce poste par l’ancien président Mohamed ould Abdelaziz, en 2018. Il fut confirmé dans ses fonctions par Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani, après que celui-ci ait été investi, le 1er août 2019.
Parfaitement trilingue ( arabe, anglais, francais) Ismail ould Cheikh Ahmed (60 ans) a accompli la plus grande partie de sa carrière au sein du système des Nations Unies. D’abord dans le cadre de l’UNICEF et du PNUD, mais c’est surtout dans des fonctions davantage politiques avec le Secrétariat général de l’ONU que le diplomate mauritanien s’est familiarisé avec les crises dans le monde arabe. Avant son retour à Nouakchott, il avait été nommé par Ban Ki-Moon pour devenir son Envoyé spécial au Yémen (2015-2018), dans une des pires crises actuelles, impliquant notamment l’Arabie Saoudite et ses alliés contre les Houthis et ses soutiens chiites. Auparavant, il avait connu la Libye, en 2014, et la crise qui sévissait déjà, en sa qualité de Représentant spécial adjoint du Secrétaire général de l’ONU, chef adjoint la la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et Représentant résident du PNUD en Libye. Son carnet d’adresses à l’ONU et en Libye est certes un atout, mais la question est de savoir si les belligérants et surtout les puissances extérieures, impliquées dans le conflit, souhaitent vraiment un retour à la paix et à la réconciliation nationale.
Antonio Gutteres est devant une équation à plusieurs inconnues. Le choix du septième Envoyé spécial de l’ONU en Libye, depuis 2011, exige de multiples consultations en amont, sans pour autant se prémunir d’un éventuel rejet dans la phase finale de nomination, comme ce fut le cas pour Ramtane Lamamra. En tout état de cause, un rapprochement entre l’ONU et l’Union africaine est un préalable tandis que la solution politique est la voie à suivre avec une réflexion institutionnelle. Espérons que le temps est enfin venu d’y parvenir.