La décision du président ivoirien Alassane Ouattara de ne pas briguer un troisième mandat présidentiel apparaît comme une décision courageuse voire exemplaire. Le président guinéen, Alpha Condé, aurait du s’en inspirer
En ne se représentant pas, le président ivoirien ne fait que respecter la constitution. Certes, comme le président togolais, Faure Gnassimbe, l’a fait récemment, il aurait pu considérer que la révision constitutionnelle de 2016, voire celle qui est annoncée, avait remis « les compteurs à zero ».
Les craintes du président Macron
Ce strict respect de la constitution a néanmoins incité le président Macron à féliciter son homologue ivoirien en soulignant une » décision historique…d’un homme de parole et homme d’Etat ». Le chef de l’État français rajoute insidieusement que » La Côte-d’Ivoire donne un exemple « .
Évidemment, par ce satisfecit, c’est bien le président guinéen Alpha Condé, au bilan bien moins consistant qu’Alassane Ouattara, qui est directement visé. Le chef de l’État guinéen s’accroche au pouvoir, en contravention avec le droit constitutionnel de son pays, au risque de créer une nouvelle crise nationale. Le président Macron connaissait déjà probablement le renoncement de son ami ivoirien, tandis que le funeste projet de l’acariâtre octogénaire guinéen doit fortement le préoccuper. Le saut vers l’inconnu d’Alpha Condé peut-il encore être évité ?
Deux présidents si différents
Alpha Condé (82 ans) et Alassane Ouattara (78 ans) font partie de la même génération, celle qui a connu l’après seconde guerre mondiale, la fin des empires coloniaux, la guerre froide et les accessions aux indépendances. Toutefois, leur itinéraire n’est pas comparable. Alpha Condé a plutôt été familier du Quartier Latin parisien et fréquenté les tiers-mondistes et les intellectuels dits de gauche de la mouvance socialiste qui tenaient alors » le haut du pavé « . Le droit public et la science politique ont formé le jeune guinéen.
L’étudiant Alassane Ouattara n’a pas pris le chemin de la « mère-patrie ». C’est aux Etats-Unis d’Amérique et dans plusieurs universités prestigieuses, notamment celle de Philadelphie, qu’il a constitué son bagage intellectuel, nourri des sciences économiques et financières. Alpha Condé suivra naturellement une carrière d’enseignant universitaire » à la française », tandis qu’Alassane Ouattara sera porté vers des institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Alpha Condé, le socialiste, a longtemps noué des liens étroits avec ses camarades de l’Internationale socialiste, comme François Hollande et Laurent Gbagbo, tandis qu’Alassane Ouattara, le libéral, n’a jamais caché son amitié avec Nicolas Sarkozy et le Roi Mohamed VI.
Des destins similaires ?
Alpha Condé et Alassane Ouattara ont, tous les deux, étaient élus, en novembre 2010, alors que leur pays sortaient d’une crise nationale particulièrement dramatique, avec ses milliers de victimes innocentes. Ils avaient accédé au pouvoir après des années de lutte, beaucoup plus dures pour Alpha Condé qui a connu l’exil, une condamnation à mort par contumace et la prison. Vont-ils, tous les deux, quitter le pouvoir en novembre 2020 ?.Les conseils du « Beau Blaise »
L’ ancien président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, proche des deux chefs de l’État, a probablement fait part de son expérience et conseillé Alasane Ouattara. Le président burkinabé, qui a été « dégagé » par son peuple en 2014, était de plus en plus pessimiste devant les échéances électorales ivoiriennes de fin 2020. Il craignait un probable embrasement de son pays d’exil, avec notamment l’inévitable affrontement entre Alassane Ouattara et Guillaume Soro. En revanche, les bons conseils du » beau Blaise » n’ont pas encore eu les effets escomptés du côté de Conakry.
Alassane Ouattara a réussi à ne pas écouter ses partisans, ses courtisans et lesInnombrables hommes d’affaires désemparés. En revanche, il a entendu le vent de la révolte qui s’amplifiait. Rappelant récemment que » 75 % des Africains ont moins de 35 ans », Alassane Ouattata souhaite l’avènement d’une génération plus jeune. On peut donc s’attendre à ce que la prochaine révision constitutionnelle réinstaure la limite d’âge de 75 ans pour l’élection présidentielle. Laurent Gbagbo ( bientôt 75 ans) et Henri Konan Bedié (bientôt 86 ans) en feraient les frais. En réplique, ces derniers pourraient bien rejoindre Guillaume Soro (48 ans) qui entend être candidat à la succession de son ancien allié. Le renoncement d’Alassane Ouattara permettra-t-il d’éviter une nouvelle crise liée à une élection présidentielle ?
En Côte-d’Ivoire comme en Guinée, les élections de fin 2020, seront de toutes manières potentiellement préoccupantes.