Le ministre des Affaires Étrangères malien sans boussole diplomatique

Le ministre des affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop, souffre d’être subordonné aux élites militaires quand il n’est pas paralysé par le risque de leur déplaire. Résultat, l’État malien est réduit à faire dee la figuration sur la scène régionale et internationale. Sous l’ombrelle de Vladimir Poutine.

 Olivier Vallée

Le réaménagement des équilibres internationaux en Afrique révèle l’absence de toute stratégie diplomatique de la junte militaire au pouvoir à Bamako. L’activisme du ministre Abdoulaye Diop n’a pas débouché sur un positionnement international clair du Mali. Alors que le Président Macron tranche sur le dossier sensible du Sahara occidental en faveur de Rabat, aucune concertation ne se dessine pour rechercher un compromis entre l’Algérie et le Maroc où le géant territorial qu’est le Mali aurait son mot à dire. 

L’isolement mémoriel

Non loin du fort de Bregançon où le Président franais fait une pause après son omniprésence durant les JO, Emmanuel Macron entend remonter sur le podium, dès le 15 août, en commémorant le débarquement en Provence des troupes alliées. À l’époque, les deux tiers des contingents français étaient constitués de tirailleurs algériens, de tabors marocains et de tirailleurs sénégalais. Beaucoup ne parlaient pas le français. Le président Macron, apparemment attaché à cet anniversaire, a associé l’ex président sénégalais, Macky Sall, et le chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara, sans que les dirigeants algériens, marocains, sénégalais et maliens soient de la partie.

Il est difficile pour Alger de se présenter à cette cérémonie après le brutal désaveu que la France délivre aux autorités algériennes sur la question du Sahara. Le roi du Maroc lui-même a un agenda complexe et chargé. Or en plein chambardement politique, le président Macron à pris le temps d’une réunion de crise pour proscrire la présence d’officiels nigériens et de maliens.

Symboliquement, le premier mandat offrait la reconstruction d’une mémoire et la possibilité d’un nouveau départ. On en est loin. Le président Macron avait osé bousculer le long silence sur le meurtre d’un militant français[1] commis par les parachutistes lors de la guerre d’Algérie. Les violences terribles contre les Algériens[2] en France durant cette même guerre ont été reconnues a delà des cercles jugés militants.

D’autres signaux encore ont été envoyés. L’accès aux informations détenues par la France[3] sur les circostances de la ort de Sankara a été ouvert. Le président Macron avant sa première élection avait contrarié toute une partie de l’armée française qui reste dans la filiation de ce que l’on nomme l’Armée d’Afrique dont l’Algérie est le berceau, l’Afrique noire étant réduite à la Force noire des tirailleurs sénégalais. La bureaucratie des musées en charge de l’Afrique avait été choquée par le rapport demandé par l’Élysée qui tendait à la restitution des objets de l’art africain dérobés par la violence ou la fraude [4]

Les Africains interdits de visas

A présent la stratégie de l’État français est de se détourner des diasporas du Maghreb et de l’Afrique francophone. Cette communauté immigrée avait été au début du premier quinquennant d’Emmnauel Macron cooptée au sein du conseil présidentiel pour l’Afrique qui s’est perdu dans les sables. 

La rupture entre Paris et les pays de l’Alliance des Etats du Sahel a accentué le hiatus entre la France et les régimes en place. L’incompréhension est grande entre Paris les opinions publiques locales solidaires des militaires au pouvoir tant l’attitude de Paris parait négative. La brutalité de la politique des visas, en particulier, illustre bien le fantasme démographique d’une ruée africaine, partagé par Macron et une classe politique frileuse. Les pays du Sahel et leurs parentèles françaises ou installées en France privées de tout rapprochement familial. L’accès aux universités et aux écoles françaises sans parler des formations militaires s’est encore restreint.[5]

Le mot d’ordre prioritaire de la politique africaine de Macron s’avère in fine la réorientation géographique des transactions vers des poids lourds de l’autre Afrique : Nigéria, Afrique du Sud, Angola, Maroc, Sénégal

En quête d’une diplomatie

 Vladimir Poutine a le vent en poupe à Bamako. Avant même l’arrivée du groupe Wagner à Bamako, la Russie avait recommencé à accorder des bourses aux Maliens. Les officiers sortis de filières françaises sont minoritaires et isolés face à leurs collègues issus d’académies militaires russes ou américaines. Le Sahel est à présent menacés par des forces extra africaines comme les Ukrainiens. Leur récent coup de force au Mali n’a pu s’exécuter qu’avec l’appui du contingent français en Mauritanie.

De nombreux pays du continent savent que la Russie n’ont jamais écorné la souveraineté de leurs partenaires africains. Au contraire l’URSS a contribué à la libération des colonies portugaises et au soutien de la ligne de front contre l’apartheid. Que le chef militaire qui conduit le Mali décide de la rupture des relations diplomatiques avec Kiev semble inévitable. Mais n’aurait-il pas été opportun que le ministre des affaires étrangères saisisse l’ONU et qu’il demande à l’UA et à ses collègues un immense mouvement de soutien ? L’attitude courageuse de nombreux pays africains, dont le Sénégal, de ne pas prendre parti dans la guerre entre Russie et Ukraine , montre que la voix continentale n’est plus subordonnée à la préférence des anciens colonisateurs. Une position internationale est un travail à construire avec des ajustements et de larges alliances.

Le Mali a connu de grands diplomates y compris quand un militaire était au pouvoir. Certes l’hostilité extérieure semblait moins vive à cette époque. Les défis changent mais la politique étrangère est une arme dont aucun régime ne peut se passer. D’ailleurs, comme après une déchirure, l’important (et sans doute le plus difficile) serait de retisser le lien avec l’Union européenne dont l’Allemagne et l’Italie. Deux pays qui ne ferment pas la porteau Sahel.

[1] Barbara Casassus, “France Admits Role in Torture and Murder of Mathematician During Algerian War,” Nature, September 13, 2018, https://www.nature.com/articles/d41586-018-06690-w.

[2] “The 1961 Massacre of Algerians in France Commemorated,” Al Jazeera, October 17, 2021, https://www. aljazeera.com/news/2021/10/17/france-holds-commemoration-on-anniversary-of-algerian-massacre

[3] “France Will Open Secret Sankara Files, Macron Says,” RFI, November 29, 2017, https://www.rfi.fr/en/ africa/20171129-france-will-open-secret-sankara-files-macron-says;

[4] Felwine Sarr and Bénédicte Savoy, “The Restitution of African Cultural Heritage: Toward a New Relational Ethics,” French Ministry of Culture, November 2018; http://restitutionreport2018.com/sarr_savoy_en.pdf.

[5] Stephen Smith, La ruée vers l’Europe, La jeune Afrique en route pour le Vieux Continent ? Éditions Grasset, Paris,  2018

[6] Bank of France, “Foreign Direct Investment Flows – Geographical and Industrial Breakdown – Annual Data (2000–2020) (2020 Annual Report), Bank of France, July 29, 2021, https://www.banque-france.fr/en/