« La survie d’Alexandre Djouhri est entre vos mains », ont écrit les avocats de l’homme d’affaires assigné en résidence dans un état grave qui nécessiterait une prise en charge pluridisciplinaire urgente.
Le flamboyant homme d’affaires, Alexandre Djouhri, qui a réussi, ces dernières années, à développer un formidable réseau de relations en France, en Russie et en Algérie, est soupçonné par les juges du Pole financier d’avoir participé au financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.
L’hypothèse de commissions versées par le colonel Khadafi à l’ancien président de la République n’est pas absurde. De nombreux témoignages troublants donnent une consistance certaine à un tel scénario qui serait, s’il était prouvé, le plus grand scandale de l’histoire de la Veme République.
Une impasse totale
Il n’en reste pas moins que malgré un budget considérable qui a permis d’envoyer les enquêteurs aussi bien en Afrique du Sud qu’en Libye et malgré des fuites nombreuses et calculées, aucun élément matériel ne vient confirmer un tel transfert de fonds. La seule preuve de versements libyens dont disposent les juges sont les commissions versées à un intermédiaire libanais, Ziad Takkedine, qui prétend, contre toute vraisemblance, avoir apporté des mallettes de billets, place Beauvau, à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Une mauvaise série B !
Autant dire que la procédure judiciaire semble aujourd’hui dans une totale impasse. Au point que l’artisan de cette construction acrobatique, le juge Serge Tournaire, a préféré quitté ses fonctions pour être promu à des fonctions prestigieuses au tribunal de Nanterre.
Notons qu’aucun des principaux protagonistes de ce dossier n’est aujourd’hui en détention dans cette procédure. Observons que certains témoins, comme Souheil Rached, au cœur des relations franco-libyennes durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, n’ont jamais été entendus par la police financière, comme Mondafrique l’avait raconté https://mondafrique.com/temoin-cle-des-largesses-de-kadhafi-souheil-rached-vit-desormais-en-egypte/ .
On peut enfin constater que les effectifs policiers chargés de cette enquête, deux fonctionnaires au total, n’ont jamais été renforcés sous le règne de François Hollande, comme si la gauche avait, elle aussi, quelques gâteries libyennes à se faire pardonner
En risque vital
Reste aujourd’hui un homme et un seul en prison Alexandre Djhouri, ou plutôt en résidence surveillée, en raison d’un état cardiaque très affecté qui ne résisterait certainement pas au coronavirus qui s’est répandu en prison. Or les juges là encore n’ont pas le début du commencement d’une preuve de sa participation à un éventuel financement libyen.
Les seuls éléments à charge, que l’intéressé dément, se résument à la possible surfacturation d’une villa de Mougins dans le sud de la France lors d’une vente par ADjhouri aux dignitaires libyens. Et cela via une cascade se sociétés écrans. C’est peu pour maintenir en détention le coupable d’un tel délit, déjà interrogé trois fois lors d’interrogatoire récents.
C’est peu et c’est une grave maltraitance au regard de son état de santé. D’après les bulletins médicaux adressés aux juges du pole financier, Alexandre Djouhri doit de toute urgence subir une prise en charge pluridisciplinaire de longue durée, qui pour l’instant est difficile à envisager dans les hôpitaux français qui soignent en priorité la pandémie.
La prise en charge de Djhouri devrait, d’après ses médecins, être envisagée de préférence en Suisse, son lieu de résidence, où se trouve l’équipe médicale qui le suit depuis des années. Pourquoi une personne présumée innocente comme lui ne bénéficierait-elle pas d’un transfert médical comme les malades de la région Est ont pu se faire soigner en Allemagne ?
L’acharnement judiciaire
Face à une telle demande, la justice financière française oppose un possible risque de fuite. L’intéressé, expliquent-t-elle, n’aurait pas répondu pendant des années aux convocations qui lui auraient été adressées. Sauf que, répondent les avocats de Djhouri, aucun courrier ne lui a jamais été adressé à son domicile suisse, pourtant parfaitement connu des juges. Lesquels s’étaient rendus chez lui, avec le renfort de quelques dizaines de policiers, pour le perquisitionner en 2018 ! (1)
Ce qui est vrai, c’est qu’Alexandre Djouhri a usé de toutes les arguties juridiques pour retarder la confrontation avec la justice française dont il savait qu’ils seraient accompagnés d’un placement en détention. Peut-on vraiment lui en faire grief ? N’était ce pas de bonne guerre face à l’acharnement du juge Tournaire ?
Avec la crise sanitaire, la justice financière connait une occasion inespérée de se grandir sur le plan humanitaire, tout en mettant fin à une détention aussi arbitraire qu’inutile pour l’aboutissement, un jour, de la vérité sur les largesses du colonel Khadafi.
(1) Devant la justice britannique, les juges français ont reconnu qu’ils connaissaient l’adresse de Djhouri. Ce qui, d »après les avocats, fait du mandat d’arrêt qui lui a valu d’être extradé du Royaume Uni, « un faux en écritures publiques »