La fête est finie pour le président Sassou N’Guesso face à la directrice générale du FMI, Kristalina Georgievia, qui évoque « la dette insoutenable » du Congo Brazzaville. Sans parler des ises en garde d’Emmanuel Macron.
Un article d’Eric Laffitte
Déjà six semaines que Denis Sassou N’Guesso a été réélu dans les conditions que l’on sait, soit celle d’une victoire triomphale (88,40 % des voix) remportée face un mort ou un mourant.On attend d’ailleurs toujours les résultats de l’enquête supposée éclaircir les circonstances précises du décès de Parfait Kolelas pendant (ou au terme) d’un très long vol de nuit.
Toujours est-il que six semaines plus tard, la République du Congo n’a toujours pas de gouvernement.Celui de Clément Mouamba vient seulement remettre, ce 5 mai, sa démission, et on attend donc avec une certaine impatience de découvrir les visages de la nouvelle équipe gouvernementale chargée de mettre en musique le programme du quatrième mandat de Sassou.
Lequel se résume à une simple formule « Ensemble poursuivons la marche ». Celle-ci ne s’annonce pas comme une promenade de santé Après 36 ans passés au pouvoir, qu’avec le soutien revendiqué de 80 % de la population, il faille deux mois au Président congolais pour constituer un gouvernement alors même que la pays traverse une crise économique gravissime, est un indice des difficultés rencontrées par le pouvoir congolais pour rassembler une équipe un tant soit peu crédible.
A dire vrai, les véritables ennuis avaient commencé avant même l’intronisation le 16 avril, devant une vingtaine de chefs d’Etat, de celui que ses partisans appellent désormais « l’Empereur ».
Dans un timing qui ne saurait être fortuit, la veille, le 15 donc, le FMI adressait un très vicieux courrier à Sassou 1er.
Une « dette insoutenable »….
Le courrier signé de la blanche main de la directrice générale du FMI commence plutôt bien et même étonnamment bien :
« Permettez-moi de vous adresser mes chaleureuses félicitations à l’occasion de votre réélection. Je vous présente mes meilleurs vœux de succès et souhaite exprimer notre solidarité avec le peuple de la République du Congo en ces temps difficiles (…) je salue les mesures de grande ampleur que votre pays a adoptées afin de maîtriser la propagation du virus, renforcer le dispositif d’aides sociales et faciliter les conditions d’activité des entreprises », écrit Kristalina Georgievia.
Soit une savoureuse mise en boucheMais qui très vite tourne vinaigre !
Passées les politesses, Mme Georgievia en vient au fait, à savoir la demande d’aide financière d’urgence, un véritable SOS, qu’avait formulé le Président Congolais il y a un an (!) : « 300 à 500 millions de dollars » pour lutter contre le Covid…Et là c’est la douche froide, un véritable coup de parapluie bulgare.« Les services du FMI n’ont pas été en mesure de recommander l’approbation d’une aide financière, ni d’un financement d’urgence (…) car la dette du Congo reste insoutenable », claque la présidente du FMI.
S’en suivent de laborieuses explications sur le pourquoi et le comment, le FMI refuse de verser un sou à Sassou même pour combattre l’affreux Covid ; mais que peut-être un jour, si l’horizon s’éclaircit… etc.Mais en résumé une vraie claque diplomatico-financière.
Comme l’a déjà narré « Mondafrique », le FMI, sous la pression des Etats-Unis et depuis le départ de la française Christine Lagarde, a décidé de ne plus rien passer au Président congolais.Pas même 300 petits millions de $…
Officiellement, au titre de la mauvaise gouvernance et de la situation économique catastrophique du pays, mais en réalité parce que Washington s’exaspère de voir filer les financements du FMI dans les caisses de la Chine, principal partenaire économique et créditeur du Congo-Brazza.
Pas plus que Trump, Joe Biden ne veut financer Pékin.
L’oukase de Macron
Un malheur ne vient jamais seul.C’est du front tchadien que vient la seconde mauvaise nouvellLes conditions de la transition à N’Djamena posent bien des soucis à Emmanuel Macron et à la diplomatie française.Si Macron était présent aux obsèques d’Idriss Deby, l’absence de Sassou y a été très remarquée. Il se dit que ni l’un ni l’autre ne souhaitait se croiser, étant donné l’état de tension entre Paris et Brazzaville.
Bien moins courtois que la présidente du FMI, Macron n’a ainsi pas eu un mot pour saluer l’époustouflante victoire de son homologue congolais.Suite aux manifestations promptement réprimées au prix de plusieurs morts par les nouveaux dirigeants tchadiens, le président français s’est empressé de rectifier le tir quant au soutien sans faille qu’il avait apporté à la « stabilité et à sécurité » du Tchad.
C’était sur le perron de l’Elysée, mardi 27 avril, lors de la visite du Président de la RDC Félix Tshisekedi
https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/04/27/declaration-conjointe-du-president-emmanuel-macron-et-de-felix-tshisekedi-tshilombo-president-de-la-republique-democratique-du-congo
Après avoir pris soin de saluer les avancées importantes de la démocratie en RDC, Macron y condamne « avec la plus grande fermeté la répression des manifestations » au Tchad, mais confirme son soutien au processus de Transition « pacifique et inclusive ». Mais en posant des limites nouvelles à ce processus.
Le Président français ajoutait en effet une petite phrase qui n’est pas passée inaperçue à Brazzaville : « Je veux ici être très clair. J’ai apporté mon soutien à l’intégrité et à la stabilité du Tchad. Je ne suis pas pour un plan de succession et la France ne sera jamais aux côtés de celles et ceux qui forment ce projet ». Emmanuel Macron serait-il seul à ignorer que Sassou s’escrime depuis 2016 à imposer son fils Kiki pour lui succéder et s’assurer ainsi une retraite paisible ?