Le 9 janvier 2021 à Accra, la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a infligé des sanctions extrêmement sévères au Mali. La question se pose aujourd’hui du maintien du Mali au sein du G5 alors que Bamako doit prendre la présidence de l’organisation africaine en février.
Un tel train de mesures hostiles de la part de la communauté internationale n’avait pas été adopté ces dix dernières années. Il faut revenir à 2011 en Côte d’Ivoire pour trouver l’équivalent des sanctions prises par la Cedeao contre la junte militaire au pouvoir au Mali. . C’est une triple peine pour la population malienne qui est la proie des djihadistes, d’une junte qui s’éternise au pouvoir et d’une communauté internationale qui lui coupe les vivres.
Le Président Assimi Goïta et son Premier ministre Choguel Kokala Maïga ont très mal joué leur partie. Ils ont demandé une prolongation de la transition de cinq ans, puis de quatre après s’être ravisés, un délai beaucoup trop long pour qu’il soit acceptable par les Maliens d’abord, puis par l’Institution régionale. Ce faisant, ils sont passé outre la Charte de la transition qu’ils avaient eux-mêmes écrites dans laquelle ils s’engageaient à organiser une élection présidentielle le 27 février 2022.
Le billot de la Cedeao
Ce postulat étant posé, que pouvait faire l’organisation sous-régionale afin de mettre un terme comme le dit son médiateur pour le Mali, l’ancien président Nigérian, Obasanjo à « une prise de pouvoir anticonstitutionnelle » ? A priori, rien, puisque lors des 3ème mandats anticonstitutionnels d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire et d’Alpha Condé en Guinée, la Cedeao n’avait pris aucune mesure pour faire respecter sa propre charte. Toutefois, cette organisation n’est pas à une contradiction près… En outre, les chefs ont dû, à minima, se poser la question suivante « comment faire pression sur les colonels sans impacter la population ? » Mais, comme elle n’a aucun autre outil dans sa besace, elle n’a pas retenu le bras du bourreau qui condamne les Maliens. Se faisant, elle démontre son impuissance et la faillite de sa diplomatie.
Ainsi à effet immédiat, les frontières de tous les pays de la Cedeao frontaliers avec le Mali sont fermées. On se souvient des conséquences désastreuses de cette mesure pendant la pandémie de covid 19 sur le marché alimentaire, premier débouché des producteurs agricoles. De plus, le Mali est un pays enclavé qui dépend largement des exportations de matières premières. C’est donc une catastrophe pour toute l’économie sous-régionale, y compris pour les pays ayant émis ces sanctions.
Des fins de mois hypothétiques
La suspension de toutes transactions commerciales et financières et le gel des avoirs du Mali dans les Banques Centrales de la CEDEAO est l’arme absolue. L’Etat malien n’a plus accès à ses comptes, les salaires ne pourront plus être payés à court terme. Aucune transaction internationale ne pourra être réalisée. Bien que la CEDEAO ait tenu à préciser que les médicaments, les produits de premières nécessités et les hydrocarbures, n’entrent pas dans ces mesures, on sait, qu’ils ne seront plus accessibles, puisqu’il faut bien les payer, mais avec quoi ? Ce sont, bien entendu, et encore une fois, les plus pauvres qui sont le plus impactés. Plus de Western union pour les travailleurs expatriés pour aider leurs familles, une aide pourtant souvent vitale…
A côté de la sévérité de ces deux types de sanctions, les autres mesures prises à Accra sont d’apparence moins importantes mais restent problématiques. Le rappel de tous les ambassadeurs des pays de la Cedeao accrédités au Mali prive ces Etats d’un nécessaire canal diplomatique pour entretenir les liens avec Bamako. La décision d’activer la force en attente de la Cedeao pour intervenir si besoin est, quant à elle, très surprenante. Si l’organisation a les moyens d’intervenir militairement pourquoi ne l’a-t-elle donc pas fait plus tôt, pour venir soulager une armée malienne usée par tant d’années de guerre ?
Des rapports avec la France tendus
Les autorités maliennes ont réagi à ce train de mesures en déclarant qu’elles étaient « illégitimes et illégales », elles ont condamné « des mesures inhumaines » et se sont réservées le droit de « réexaminer leur participation à l’UMEOA et à la CEDEAO ». Elles ont appelé les populations et les forces armées à rester mobilisés contre l’éventualité d’un déploiement de forces étrangères et dans la foulée par mesure de réciprocité ont rappelé leurs ambassadeurs en poste dans les pays d’Afrique de l’Ouest. La junte a également déploré « que les organisations sous-régionale ouest africaines se fassent instrumentaliser par des puissances extrarégionales. » Petit tacle à la France, qui est supposée être derrière la sévérité de ces sanctions, via Alassane Ouattara et son émissaire, Jean-Claude Brou, président de la Commission de la Cedeao. Ce dernier a vu son mandat prolongé de trois mois pour pouvoir gérer le dossier malien jusqu’à son terme, ce qui a d’ailleurs donné lieu à une passe d’arme entre le président Ivoirien et le fougueux chef d’Etat de Guinée Bissau, Emballo Sissoko.
D’ores et déjà, dans un Mali tendu comme un arc et plus que jamais inquiet de son avenir, des appels à s’en prendre aux entreprises françaises ont émergé sur le Net. Une manifestation contre la politique française devrait également se tenir dans les jours prochains.
Est-il besoin de rappeler combien ces sanctions sont contreproductives ? Le boomerang fini toujours par revenir à l’envoyeur.